Code Bleu [Sous contrat d'édition]

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Julia – mercredi 15 septembre 2021

Je passe une vingtaine de minutes avec le patient que je suis venue voir en réa. Son geste suicidaire est impulsif, très réactionnel, avec une intentionnalité faible. Il refuse l'hospitalisation que je lui propose et je n'ai pas les moyens de l'y contraindre. De plus, sa famille insiste pour le récupérer. Finalement, je quitte la chambre en me préparant à affronter de nouveau Ethan Chevallier. Il n'a pas quitté sa place dans le couloir, devant la chambre qui fait l'angle.

— Alors ?

Son regard chaud me parcourt, appréciateur.

Bon sang !

Je retiens mon souffle. Avec toutes les peines du monde, je redresse les épaules et tente de reprendre une contenance.

— Il est sortant pour moi.

Ethan hoche la tête.

— Bien.

— Bien.

Le silence se fait entre nous tandis qu'une infirmière nous contourne dans le couloir en poussant un chariot. Elle agite ses cheveux blonds méchés devant Ethan qui ne semble pas la voir.

Mais, qu'est-ce que...

Je détourne les yeux, mal à l'aise, et croise le regard de la secrétaire qui nous fixe. Embrassée, elle retourne prestement à ses dossiers.

Dites-moi que je rêve ! Ce mec se tape tout le service !

— Je vais y aller, annoncé-je d'un ton abrupt.

— Non, attendez !

Il me rattrape en une enjambée et m'oblige à lui faire face. Je soutiens tant bien que mal son regard ambré, mais je ne parviens pas à occulter aussi bien que lui le petit manège des femmes qui nous entourent.

— Docteur Rolland, commence-t-il, pourrait-on... Enfin, est-ce qu'on pourrait se tutoyer ? Nous avons sûrement le même âge...

Il se frotte la nuque, gêné.

— Je n'aime pas trop le formalisme... précise-t-il avec un petit sourire.

Tu m'étonnes !

J'hésite. Je tiens à la distance professionnelle qui nous sépare, mais je ne vois pas de raison valable à lui opposer. Ethan attend ma réponse, soucieux, sa mâchoire bien dessinée légèrement contractée.

— D'accord, soufflé-je du bout des lèvres.

Aussitôt, son visage s'illumine comme un matin de Noël. J'ai droit à son plus beau sourire, d'une blancheur éclatante.

— Ça me fait très plaisir, Julia, dit-il en instant sur mon prénom. Maintenant, si tu me le permets, j'aimerais t'inviter à diner. Pour parler de l'étude, ajoute-t-il en voyant ma mine renfrognée.

Je résiste à l'envie de lever les yeux au ciel.

— C'est toujours non, Ethan.

— Pourquoi ?

Il me jette un regard si déçu que c'est dur de ne pas craquer. Que répondre ?

Parce que tu as couché avec la moitié de cet hôpital ?

Parce que tu ne prends pas mon projet de recherche au sérieux et que tu mens probablement quand je te demande si tu as lu le protocole ?

Ethan continue de me scruter, pendu à mes lèvres. Je me contente de baisser les yeux sur mes escarpins en suédine.

— C'est non, c'est tout.

— Mais...

— Tu pourras m'envoyer un mail si tu as des questions sur l'étude.

À ces mots, je fais volte-face et, durant tout le temps que je parcours le couloir du service, je sens son regard intense qui me brûle le dos.