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Julia — mercredi 20 octobre 2021


— Qu'est-ce qu'il y a, au juste, entre vous ?

— Je te l'ai dit, on est amis !

Confortablement assise en tailleur sur mon canapé, je me penche pour étaler une couche de vernis sur mon petit doigt. Près de moi, Olivia fait la même chose sur ses orteils. Elle se serait bien fait une manucure aussi, mais les règles sanitaires en vigueur dans son service l'en empêchent.

— Des amis qui dinent ensemble en tête à tête... marmonne-t-elle.

Je secoue la tête.

— Détrompe-toi, c'était loin d'être romantique. C'était même carrément bizarre.

— Pourquoi ?

Je pousse un soupir las.

— Il était hyper mal quand j'ai parlé de la fac. Je crois qu'il culpabilise de m'avoir oublié.

J'admire le résultat de mon travail en agitant mes ongles rouge vif devant mes yeux. L'un des avantages de la psychiatrie est qu'on n'a pas souvent besoin de toucher les patients, ce qui me permet de faire preuve de coquetterie.

— J'ai vu les photos, moi aussi, reprend ma petite sœur. Tu ne mentais pas quand tu disais qu'il était beau... Personnellement, je ne sais pas si je pourrais me contenter d'être amie avec un homme comme ça !

— Olivia !

— Quoi, c'est vrai !

Elle rit en prenant une olive dans un bol sur la table basse. Elle me taquine, mais quelque chose de vrai raisonne en moi. La présence d'Ethan est tellement magnétique que j'ai du mal à garder les idées claires quand je suis près de lui. Depuis ce diner désastreux, je suis obligée de reconnaitre qu'il se comporte d'une façon tout à fait professionnelle. Cela aurait dû me ravir. Sauf que, maintenant que le côté le plus agaçant de sa personnalité a disparu, je dois admettre qu'il m'attire d'autant plus. Lutter contre cette attraction est un combat de chaque instant quand je le croise dans son service... Pourtant, les raisons qui m'ont poussé à rester loin de lui sont toujours d'actualité. Même si Ethan pense avoir découvert le pot aux roses sur mon passé, il est loin d'imaginer tout ce que j'ai à cacher.

— Dès que c'est sec, reprend Olivia, je te fais un défilé avec les robes que j'ai prévu pour ce soir !

J'acquiesce avec entrain. Tout à l'heure, nous sortons entre sœurs dans un bar branché de la ville. J'apprécie de pouvoir faire ça avec elle. J'ai été éloignée de ma famille bien trop longtemps et je veux rattraper le temps perdu.

Vingt minutes plus tard, Olivia se plante devant moi dans une robe bleu roi avec un joli décolleté en V.

— C'est un peu dur cette couleur, non ? demande-t-elle en tournoyant sur place.

Contrairement à moi, ma sœur a toujours été féminine. Elle est d'une grâce et d'une élégance naturelle que j'ai souvent admirées.

— Moi, je la trouve hyper classe !

Olivia s'observe dans le miroir puis secoue la tête.

— Je ne suis pas convaincue.

Elle disparait dans ma chambre pour se changer et revient avec une jolie robe nude assez près du corps.

— Superbe ! commenté-je.

Elle s'admire à nouveau de la tête aux pieds.

— J'ai peur qu'elle soit trop courte, je ne serai jamais à l'aise pour danser, gémit-elle.

Elle fait la moue et tourne de plus belle sur elle-même. Je reprends une gorgée de vin, amusée. Ces soirées entre filles m'ont beaucoup manquée. Quelques minutes plus tard, Olivia réapparait dans une longue robe noire très fluide, avec un décolleté profond dans le dos.

— Et celle-là ? me demande-t-elle, les sourcils légèrement froncés.

Je repose mon verre pour venir à sa rencontre.

— Chérie, tu es superbe quoi que tu portes...

Elle m'adresse un grand sourire et fait volte-face pour s'admirer dans le miroir. Cette couleur rappelle ses cheveux bruns, qui lui arrivent aux épaules. Je ne peux m'empêcher de la trouver ravissante. Elle l'a toujours été, à mon sens. Seules sa timidité et sa discrétion empêchent les hommes de l'aborder.

— Il y aura peut-être des beaux garçons ce soir ? tenté-je. Il parait que ce bar est toujours bondé...

Olivia sourit puis fait non de la tête.

— Ça m'étonnerait.

Elle tire un peu sur le drapé de sa robe pour l'observer sous toutes les coutures.

— Et au travail, demandé-je, hésitante. Il n'y a personne qui...

— Je préfère ne pas sortir avec un de mes collègues, coupe-t-elle en rougissant.

Je n'insiste pas en constatant son embarras. Même si nous sommes très proches, Olivia et moi parlons peu de nos vies sentimentales. Nous avons toutes les deux reçu la même éducation et nous ne sommes pas habituées à évoquer ces choses-là. Notre pudeur nous en empêche. Ma sœur ne m'a jamais trop questionné sur ma relation avec Lucas. Quant à moi, je ne l'ai jamais vue avec un homme, du plus loin que je me souvienne. À 25 ans, je ne sais pas si elle a déjà été amoureuse, ni si elle a déjà expérimenté l'amour physique. Je la connais bien et je sais que sa bibliothèque est remplie d'histoires très fleur bleue, dans lesquelles des hommes héroïques sauvent des demoiselles en détresse. Je ne le lui dis pas, mais j'espère de tout cœur qu'il y aura, ce soir, un prince digne d'elle. Olivia est si douce et si naïve... J'étais comme elle à son âge et j'ai dû, moi aussi, faire le deuil des histoires de conte de fées pour me confronter à la réalité. J'étais innocente lorsque j'ai rencontré Lucas. Pourtant, je me suis toujours sentie différente d'Olivia sur un point. Le sexe est quelque chose qui m'a toujours fasciné. J'avais hâte de pouvoir y gouter. Au fond de moi, j'ai souvent ressenti ce besoin, cet instinct presque animal de toucher et d'être touchée par un homme. Pourtant, même si je n'en dirai jamais rien à ma sœur, dans ma vie, ces choses-là ne se sont jamais déroulées comme je l'avais escompté...

— Tu devrais choisir celle-ci, dis-je au bout d'un moment. Elle te va bien au teint.

Nos regards se croisent dans la glace et Olivia m'adresse son plus beau sourire.

— Je trouve aussi...

Puis elle tournoie à nouveau en me fouettant avec le tissu léger de sa robe.

— Et toi, qu'est-ce que tu vas porter ?

Nous retournons mon placard dans tous les sens en gloussant et une fois de plus, je profite pleinement de ce moment de complicité entre nous.

Code Bleu [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant