Code Bleu [Sous contrat d'édition]

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Ethan — mardi 28 septembre 2021

— Je crois qu'elle m'évite.

Dépité, je pioche dans ma purée et en prends une bouchée sans conviction. La cafétéria de l'hôpital est calme à cette heure-ci et les autres tables sont presque vides. En face de moi, John m'adresse un regard compatissant, pour une fois.

— Peut-être que tu devrais lâcher l'affaire, suggère-t-il.

— Alors là, pas question !

— Ethan...

John affiche une expression sévère.

— Fais attention à toi, mon pote... Tu vas te retrouver avec une plainte au cul pour harcèlement. D'ailleurs, je m'étonne que ce ne soit jamais arrivé...

Je décide de ne pas relever sa pique.

— D'habitude, elles ne se font pas autant prier, me lamenté-je.

Je reprends rageusement une cuillérée de purée insipide. Voilà une semaine que j'ai eu cet entretien en tête à tête avec Julia. Il tourne en boucle dans mon esprit, et pas seulement parce que nous étions seuls et que j'ai eu tout loisir d'imaginer toutes les façons possibles de la prendre sur mon bureau.

— Je suis sûr d'avoir marqué des points avec ces échelles à la con. Tu aurais dû la voir, ça lui a fait vraiment plaisir...

John lève aussitôt les yeux au ciel.

— Oui, c'est ce qui arrive, tu sais, quand tu bosses en binôme avec un collègue et qu'il fait sa part du travail. Ça montre qu'il s'investit et qu'il respecte ton propre boulot...

Je lui décoche une œillade acérée.

— Arrête mec, j'te jure, t'es en train de te transformer en gonzesse.

— T'es pas possible, Ethan... J'essaye de t'aider, là !

— Alors, dis-moi plutôt comment faire pour qu'elle accepte de diner avec moi. Le reste, le vin s'en chargera.

Je finis ma purée et m'attaque à ma cuisse de poulet. Je suis de mauvaise humeur et John ne m'aide pas. J'ai beau tourner mon échange avec Julia dans tous les sens, je ne comprends pas pourquoi elle s'obstine à refuser mon invitation. J'ai bien vu qu'elle était troublée dans mon bureau... Mon instinct m'a poussé à l'inviter de nouveau et je me suis encore pris un mur.

Pourquoi elle me résiste comme ça ? Ça me rend dingue !

— Sérieusement, reprend John, tu devrais la laisser tranquille...

Je le fusille du regard et il hausse mollement les épaules.

— Ne t'en prends pas à moi, grogne-t-il. Elle t'a dit non. Deux fois. Quand elle passe dans le service, elle ne cherche pas à te voir. Quant aux mails qu'elle t'a envoyés, je les ai lus et ils sont on ne peut plus professionnels. Il n'y a pas la moindre ouverture, pas le moindre smiley, rien. Alors si tu veux un bon conseil, sors-là toi de la tête et passe à autre chose.

John conclut cette longue tirade en s'enfonçant dans sa chaise. De mon côté, je n'ai pas envie de l'écouter. Je ne veux pas me résigner et pourtant, je n'ai rien à redire à ces arguments implacables. Je triture encore un peu ma cuisse de poulet, l'esprit à nouveau tourné vers une cascade de cheveux flamboyants...