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Ethan — jeudi 21 octobre 2021


Je force sur mes yeux alors que ma vision se brouille. Je me concentre de toutes mes forces pour interpréter l'ECG* sur mon bureau, mais mes paupières se ferment toutes seules. Je bosse depuis dix-huit heures d'affilée. Je jette un coup d'œil à ma montre. Il est tard. Deux heures passées. Je reprends une gorgée de café pour me donner du courage. Si le reste de la nuit est calme, je pourrais peut-être dormir un peu et laisser mon interne gérer les unités... Oui, ça me parait être une bonne idée. La sonnerie stridente du téléphone de garde me tire de mes pensées.

— Ethan Chevallier, annoncé-je platement.

— C'est Bastien, l'interne de garde. On a une admission directe qui arrive sur le plateau technique.

— J'y suis dans deux minutes.

Je termine mon café d'une traite et quitte mon bureau. Quelques instants plus tard, je retrouve l'interne sur le parking réservé aux ambulances.

— Qu'est-ce qu'on a ? demandé-je en réajustant ma blouse.

— Une femme de 25 ans, renversée par une voiture alors qu'elle traversait sur un passage clouté. Douleur thoracique et dyspnée. Le SMUR préfère un transfert en réa, je n'en sais pas plus.

À peine a-t-il fini de parler que j'entends les sirènes rugir au loin. Je suis parfaitement réveillé à présent. Comme avant chaque admission, une décharge d'adrénaline me parcourt les veines, me donne l'impression d'être plus alerte et plus concentré. L'ambulance s'arrête juste devant nous. Le médecin du SMUR saute du véhicule pour venir à ma rencontre.

— Olivia Rolland, 25 ans, annonce-t-il. AVP piéton VS VL*. Traumatisme thoracique droit. Dyspnée avec sat à 93% sous 10 litres d'O2. Pas de trauma crânien a priori, ni de perte de connaissance.

Les ambulanciers ouvrent les portes battantes du camion et ce que j'y découvre me glace le sang. Il y a deux femmes à l'intérieur. La première est sur une civière, immobilisée par des sangles et un collier cervical. Elle respire avec difficulté, mais c'est la seconde qui retient mon attention. Elle lui tient la main en pleurant et, même si je ne vois pas son visage, je reconnaitrais cette crinière rousse entre mille.

— Julia ?

Elle se tourne vers moi, les yeux gonflés et le visage strié de larmes.

— Ethan !

Sa voix cassée me fend le cœur. Elle saute du véhicule tandis que les ambulanciers s'affairent pour décharger la civière. Je les remarque à peine. Bastien, l'interne, recueille les informations importantes auprès des équipes du SMUR. De mon côté, je ne peux détacher les yeux de Julia qui accourt vers moi. Elle porte un long manteau noir ouvert et une robe courte et dorée, que j'aurais trouvée très sexy en d'autres circonstances. Elle arrive à ma hauteur en titubant sur ses talons aiguilles et tombe à moitié dans mes bras. Je la soutiens en enserrant sa taille.

— Oh, doucement...

Elle ne semble pas m'entendre. Ses doigts se crochèrent sur mes avant-bras en me lacérant la peau. Elle lève vers moi un regard perdu, empreint d'une panique que je ne lui avais jamais vue.

— C'est ma... c'est ma petite sœur, bredouille-t-elle.

Et aussitôt, les larmes se remettent à couler sur ses joues. Mon cœur rate un battement. Julia se presse toujours contre moi, ce qui me déconcentre. Sa détresse m'alarme mais je dois m'occuper de ma patiente, qui est maintenant installée sur un brancard.

Code Bleu [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant