// 4

54 1 0
                                    


Julia ­— jeudi 30 septembre 2021


Voilà dix jours que je n'ai plus eu affaire à Ethan. Je dois dire que son comportement me surprend. Le peu de fois où je l'ai croisé dans les couloirs de la réa, il s'est montré distant et nous n'avons échangé que quelques mots. Ses mails étaient polis et cordiaux et je dois bien admettre qu'il poursuit les inclusions avec un sérieux et une rigueur qui m'étonne, venant de lui.

Peut-être qu'il n'est pas aussi désinvolte et irresponsable que ça, finalement ?

Ce matin, justement, je dois passer dans son unité pour voir une nouvelle IMV. Malgré moi, je me demande si je vais le croiser. Ne pas penser à son sourire charmeur et à son regard chaud est un travail de chaque instant, mais j'y parviens comme je peux.

En passant les portes vitrées de l'unité 1, je constate tout de suite que quelque chose ne va pas. Une infirmière me passe devant en courant. J'entends des éclats de voix et un bip sonore qui s'affole depuis une chambre toute proche.

— Il est en tachycardie sinusale, déclare une voix de femme.

— Passez-lui 0,5 milligramme d'adrénaline.

Mon cœur s'emballe en reconnaissant la voix d'Ethan. Instinctivement, je me décale de quelques pas. La porte de la chambre est grande ouverte. Ethan est à la tête du patient et maintient le masque à oxygène sur son visage. L'homme est en détresse respiratoire. Je vois sa poitrine se soulever avec difficulté dans une grande inspiration sifflante. Les scopes bipent dans tous les sens. Il y a aussi une interne et deux infirmières dans la pièce. L'une d'entre elles cherche frénétiquement quelque chose dans les tiroirs du chariot de réa. La seconde a les yeux rivés sur le scope et annonce :

— Tension à 8/5.

Ethan jette un œil à l'écran. Je ne l'ai jamais vu aussi concentré et sérieux.

­— On va l'intuber, dit-il rapidement. Préparez-moi le matériel.

Les soignants s'affairent sous le son strident des machines. Je reste à observer la scène sans pouvoir bouger. Ethan saisit le laryngoscope et le place dans la bouche du patient.

— Saturation à 88%, dit l'infirmière.

— L'œdème me gêne pour intuber, je ne vois pas la glotte.

Je vois Ethan se concentrer davantage, se pencher pour replacer l'outil en fer. Les infirmières ne quittent pas le scope des yeux. L'homme est inconscient mais il s'agite. Il est en sueur et s'étouffe de plus en plus.

— C'est bon, passez-moi la sonde, ordonne soudain Ethan.

Je le regarde, médusée, enfoncer la sonde d'intubation dans la trachée. Puis il se débarrasse du laryngoscope et insuffle de l'air dans le ballonnet. Son interne prend sa place à la tête du patient pour le ventiler. Il s'est apaisé et ne lutte plus pour respirer.

— La sat remonte, annonce l'infirmière.

La tachycardie aussi semble rentrer dans l'ordre car les scopes ne s'affolent plus. Ethan ausculte le thorax avec attention. Quand il retire son stéthoscope, il s'adresse sèchement à son interne.

— Tu aurais dû m'appeler avant, on aurait pu éviter de l'intuber.

Il replace son stéthoscope autour de son cou avant de poursuivre :

— Je te laisse mettre la canule. Tu me le remplis et tu renouvelles l'adré si besoin quand sa tension remonte. Je veux qu'on le surveille de près pendant les 48 prochaines heures. Je reste joignable sur mon numéro court.

Au moment où il s'apprête à quitter la chambre, il lève les yeux et nos regards se croisent. 

Code Bleu [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant