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Julia – samedi 27 octobre 2012


— Dépêche-toi un peu, Julia, notre équipe nous attend pour la prochaine épreuve !

— Je fais aussi vite que je peux... me lamenté-je.

Je rejoins mon amie à grand-peine. Mélodie et moi avons fait notre première année de médecine ensemble et venons d'entrer en P2. Nous sommes au beau milieu de notre week-end d'intégration et enchainons les jeux de boissons depuis le matin. Mes vêtements sont poisseux et je me sens toute collante. Toujours à la recherche de ma respiration, je m'agrippe à un tronc d'arbre pour ne pas tomber. D'autres étudiants en médecine nous dépassent sans nous voir en parlant fort. J'ai la tête qui tourne. Mon amie m'adresse un sourire indulgent. De son côté, elle n'a pas l'air trop saoule. Ses beaux cheveux noirs et lisses retombent avec élégance dans sa nuque.

Comme j'aimerais avoir les cheveux raides...

Moi, ma tignasse bouclée rebique dans tous les sens avec cette humidité et refuse de tenir dans ma queue de cheval.

— Hé ! Là-bas ! Y'a deux bizuts qui sont paumées !

Je ferme les yeux en retenant mon souffle. Trop tard. Quatre troisième année, aussi appelés D1, se matérialisent à nos côtés. Ils sont encore plus crasseux que nous. Certains arborent des faluches pleines de pins dans un pur esprit carabin.

— Alors les filles, claironne l'un d'eux, vous n'avez pas de verre ? Vous ne devez pas rester sans boire... Est-ce que ce n'est pas ce qu'on vous a expliqué en descendant du bus, ce matin ?

Mélodie hoche la tête. Pour ma part, je me concentre juste sur le fait de ne pas tourner de l'œil.

— Vous savez donc ce qui vous attend...

L'un d'eux s'approche de nous avec un sourire sadique. Il a des gourdes dans le dos, reliées à une espèce de tuyau en plastique.

— Ouvre la bouche, ma belle, dit-il à Mélodie, qui s'exécute.

Un liquide blanchâtre coulisse le long de la paille. Elle l'avale en toussotant, sous leurs éclats de rire.

— Allez, à toi !

Je m'avance à contrecœur et referme les lèvres sur le plastique souple. Ma bouche se remplit immédiatement d'un mélange fortement alcoolisé.

De l'anis ! Beurk !

Les D1 se moquent en voyant mon air dégouté et je recrache le tuyau, écœurée. Je refoule tant bien que mal un haut-le-cœur et m'agrippe de nouveau à mon tronc d'arbre.

— Hé ! Mais regardez qui voilà ! s'exclame l'un des garçons.

Deux autres étudiants arrivent à notre hauteur. L'un d'eux, un grand brun métis, arbore un sourire franc. L'autre est blond, avec une mâchoire bien dessinée et des lèvres fines et ourlées.

Oh, la vache !

Il est tellement beau que j'en ai le souffle coupé.

— Salut les filles, dit-il d'une voix grave.

Je n'arrive pas à le quitter des yeux. Malgré son jean sale, sa prestance magnétique me fascine. Lui, par contre, ne semble pas m'avoir remarqué.

Tant mieux, je dois faire peine à voir...

L'apollon fixe Mélodie comme s'il s'était agi d'une délicieuse friandise et mon amie enroule nerveusement une mèche autour de ses doigts.

— On aidait ces bizuts à retrouver leur chemin, rit l'un des D1.

— Vous êtes fatiguées ? s'étonne le blond. Pourquoi ne pas venir faire une petite pause dans notre bungalow, il est juste à côté...

Il ne quitte pas Mélodie des yeux. Malgré moi, mes vertiges me reprennent. Tout l'alcool que j'ai ingurgité depuis le matin me monte dangereusement à la tête.

— Arrête, Ethan ! intervient le métis. Il y a déjà les quatre filles qu'on a rencontrées dans le bus ! D'ailleurs, elles doivent nous attendre...

Le beau blond soupire et s'éloigne à contrecœur, nous laissant seules avec les D1. L'un d'eux s'approche tout près de moi et plante son visage à quelques centimètres du mien. L'odeur de son haleine alcoolisée me monte au nez dès qu'il ouvre la bouche.

— Tu peux t'évanouir, ricane-t-il. Mais je te préviens, on sera obligés de plâtrer ton bras autour d'une rambarde...

Et à ces mots, tous éclatent d'un rire gras. 

Code Bleu [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant