Chapitre 2

262 19 4
                                    

    – Dazai, tiens toi prêt. On arrive dans le bâtiment.
    Le concerné lâcha un soupir alors qu'il entendait la voix légèrement grésillante de l'un de ses camarades dans son oreillette.
    Quinze jours étaient passés depuis l'étrange attaque du fourgon conduit par Gin et Ryûnosuke, et Dazai n'avait rien trouvé sur l'identité de l'attaquant. Rien du tout, comme s'il ne s'agissait que de l'œuvre d'un fantôme. En deux semaines, le brun avait surveillé une vingtaine, voire plus, de mission pour pouvoir agir s'il y avait une nouvelle attaque, pour trouver des indices, ou encore pour arrêter leur attaquant, mais rien. Rien du tout, même. De plus, Sigma semblait avoir totalement disparu de la circulation, lui aussi. Et cela ennuyait particulièrement Dazai : il n'avait jamais autant bloqué sur une mission, sur une enquête. De plus, Fyodor et sa clique était introuvable... Ce qui l'énervait plus que tout, cela le stressait même. Dazai doutait du fait que ce petit groupe allait rester silencieux bien longtemps, sans rien faire ; alors, il se devait d'être prêt à intervenir à n'importe quel moment, et dans n'importe quelle situation. Là étaient les mots de Mori : "nous devons attraper ces rats qui polluent notre ville, ou ils la détruiront, et nous avec." Et Dazai savait que son supérieur avait raison...
    Il se trouvait actuellement sur le toit d'un immeuble, assis en tailleur contre la porte en métal qui permettait l'accès à cette partie du bâtiment, dans le centre de Yokohama ; deux membres de la mafia avaient en quelque sorte rendez-vous avec des détectives... Le brun n'avait pas réellement cherché à comprendre le fondement de cette mission, mais de ce qu'il savait, le patron de ces détectives, un homme du nom de Fukuzawa, était proche de Mori par le passé, et celui-ci avait fait appel à la mafia pour une quelconque raison. Alors, le chef de la mafia portuaire avait décidé d'y envoyer Kôyô et Ryûnosuke –qui se sentait bien mieux que quinze jours auparavant, contrairement à sa sœur qui était toujours clouée au lit. Mori avait expressément demandé à Dazai de les accompagner, mais de rester cacher, afin de vérifier que Fyodor ne pointe pas son nez ce soir. Fyodor ou l'un des membres de son organisation....
    Dazai lâcha un grognement alors qu'il replaçait correctement son bandage autour de son poignet, dans un geste quelque peu nerveux.
    Toute cette situation le mettait hors de lui.
    – Vivement que ça finisse, que je puisse retrouver Ango et Odasaku au Lupin... Je vais être en retard en plus, marmonna-t-il.
    – Dazai, raisonna la voix féminine de Kôyô dans son oreillette.
    Il cligna des yeux, surpris. La voix de la femme avait été froide, presque dure. Il se redressa instinctivement.
    – Qu'est-ce qu'il y a, demanda-t-il en posant un doigt sur son appareil.
    – L'agence des détectives est vide. Totalement vide !
    Ni une, ni deux, Dazai se leva, ouvrit la porte du toit et descendit les escaliers en trombe, et, en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il arriva aux côtés de ses deux camarades. Il fit un pas en avant, dans l'encadrement de la porte, et observa avec ahurissement que l'endroit était bel et bien vide. Complètement vide ! Il n'y avait ni vie, ni mobilier. C'était comme si ce qu'il se trouvait à l'intérieur avait disparu soudainement. Les trois mafieux entrèrent alors complètement dans la grande salle et commencèrent à chercher ils ne savaient quoi. Un indice, un reste... Quelque chose qui pourrait expliquer pourquoi l'agence était vide. Mais non, ils ne trouvèrent rien. Pas même un putain de papier !
    – Ce n'est pas normal, grogna alors Ryûnosuke. Fukuzawa à pourtant envoyé un message à Mori ce matin !
    – C'est peut-être un piège des détectives, supposa alors Kôyô, pensive. Après tout, nos deux organisations ne sont pas spécialement amies...
    – Mais on avait une trêve !
    – Tu sais, tout est possible... Et puis...
    La femme n'eut pas le temps de finir sa phrase : deux fenêtres de l'appartement se brisèrent et de petits tubes métaliques entrèrent dans la salle. De la fumée s'en dégagea.
    – Des fumigènes, s'exclama alors Dazai.
    La porte claqua soudain et la pièce se remplit de fumée grisâtre. Très rapidement, Dazai perdit de vue ses camarades. La tension grimpa en flèche dans la pièce et Dazai lâcha un juron.
    – Ryûnosuke ? Kôyô, appela-t-il.
    – Je suis là, s'exclama alors Kôyô, à droite du brun.
    Elle ne devait pas être très loin, car Dazai entendait très clairement sa voix. Il fut en partie rassuré ; au moins, sa camarade était juste là. Il espéra alors que ce soit aussi le cas de son petit protégé...
    – Je suis là aussi. Attendez, il y a quelq...
    Cette fois-ci ce fut au tour du jeune homme de ne pas pouvoir finir sa phrase : Dazai entendit le bruit d'un coup puissant, puis à nouveau le bruit de vitre. Les sens en alertes, le brun écarquilla les yeux, regardant autour de lui. Il toussota légèrement à cause de la fumée.
    – Ryûnosuke ? Ryûnosuke !!
    Mais le jeune mafieux ne répondit pas. Alors, Dazai tenta de retrouver Kôyô, allant sur sa droite alors qu'il ne voyait toujours rien.
    Le bruit du vent se fit de plus en plus fort ; il devait très certainement se trouver non loin d'une fenêtre brisée. Il avança encore, à petit pas, et une silhouette fine et petite apparut devant lui. C'était encore flou, mais le brun fut sur d'une chose ; cette personne avait les cheveux roux. Fronçant les sourcils, il fit un nouveau pas. Cette silhouette lui était familière mais il refusa de l'accepter.
    Ce n'était pas possible, ce ne pouvait pas être lui.
    – Qui es-tu, demanda-t-il avec froideur.
    La silhouette se raidit et se tourna vers lui avec lenteur. Mais Dazai n'eut pas le temps de réellement discerner les traits du visage de cette personne que celle-ci sembla scintiller d'une douce lueur rougeâtre un instant, puis elle sauta par la fenêtre. Il voulut s'avancer davantage afin de voir cette personne, et peut-être la rattraper, mais une main sur son épaule le fit sursauter. Dazai se tourna en une seconde, prêt à se battre, mais il se calma rapidement lorsqu'il reconnut les pupilles perçantes de Kôyô. La femme se tenait tout juste à côté de lui, une air grave plaqué contre son visage.
    – Tu es blessé, demanda-t-elle, l'air inquiète.
    – Non. Et toi ?
    – Non plus, la femme soupira. Et Ryûnosuke ?
    Dazai regarda un instant autour de lui : la fumée se dissipait lentement, mais pourtant, la silhouette de leur camarade n'apparaissait pas. Dazai écarquilla –une nouvelle fois– les yeux et et commença à rapidement faire le tour des lieux. Leur compagnon était nul part. Il avait disparu.
    – Il n'est plus là, murmura-t-il alors en plantant son regard sombre dans celui de sa camarade. Il a disparu.....
    Kôyô blêmit à vue d'œil et, comme si elle ne croyait pas aux paroles de Dazai, elle fit elle-même le tour de l'agence –vide– d'un pas précipité. Dazai pouvait entendre plusieurs jurons passer la barrière des lèvres de sa collègue. Quant à lui, il déglutit et se dirigea vers l'une des fenêtres des locaux, le cœur battant à tout rompre et les mains moites. Son regard observa alors la vue qu'il avait de Yokohama, comme s'il pourrait y découvrir où était son ami disparu, ou encore cette personne aux cheveux roux qu'il avait aperçu à travers la fumée.
    Cette silhouette rousse, brillant dans une teinte de feu, lui revint à l'esprit alors qu'il observait le voile noir de la nuit d'un air grave ; se pourrait-il que....? Non. Impossible. Dazai l'avait vu mourir dans ses bras. Il avait sentit son poul s'arrêter ! Et puis Mori lui avait confirmé sa mort... Il avait vu son sang s'étaler sur le sol en béton et imbiber ses vêtements. Il le voyait encore ! Cette image le hantait depuis plusieurs longues années, et il n'avait jamais pu oublié les pupilles azurs de son compagnon d'une fois briller en le regardant, alors qu'il lâchait son dernier souffle. Son sourire, son petit air embêté lorsqu'il se sentait gêné, sa voix quelque aigüe lorsqu'il s'énervait sur Dazai, ce coup de poing qu'il lui avait lancé en guise de bonjour le jour de leur rencontre... Le mafieu se souvenait de chacun des petits détails qui faisait de Chûya celui qu'il était. Mais Chûya était mort dans ses bras ! Dazai en était sûr ! Il n'avait pas pu rêver, quand même !
    Le brun baissa alors instinctivement son regard sur ses mains, tremblant quelque peu. Il déglutit alors qu'il crut apercevoir le sang du rouquin sur sa peau –son cœur battit un peu plus vite et sa respiration se faisait courte, l'air lui manquait soudain. Il n'entendit pas Kôyô l'appelé avec inquiétude, ni la porte s'ouvrir ou encore les cris des détectives de l'agence de Fukuzawa, bien trop perdu dans ses pensées, le regard fixé sur ses mains. Dazai n'entendait rien de tout cela.
    Chûya Nakahara ne pouvait pas être en vie. N'est-ce pas ?

Signe de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant