Chapitre 15

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    Assis dans un coin du grand hangar qui appartenait à présent à Fukuchi, Victor Hugo écoutait la radio, un carnet vierge et un crayon dans ses mains. Il était concentré, un air impassible plaqué au visage. Il écrivait, faisant glisser son crayon sur le papier blanc. Sa tête se balançait d'avant en arrière dans un rythme lent, le tout sous le regard agacé et ennuyé de Tetchô. Il soupira et tourna la tête vers Fukuchi, qui semblait préparer quelque chose.
    – C'est quand qu'on récupère Jonô déjà ?
    – On va pas le récupérer, c'est lui qui va venir à nous. Mais, c'est bientôt.
    Tetchô soupira une nouvelle fois, la mâchoire crispée, face à cette réponse plus que vague.
    – Fais chier... Pourquoi il a fallu que ce soit lui que Fyodor veuille envoyer ?!
    – Il devait très certainement se douter d'un truc, s'exclama Teruko en venant sauter sur le dos de Tetchô. Il est loin d'être idiot après tout...
    Tetchô grommela.
    La radio se mit soudain à grésiller après la fin d'une musique. Puis, la voix fluette de Chûya retentit, alertant Tetchô, Teruko et Fukuchi, qui se redressèrent soudainement.
    – Aujourd'hui, un mois après la mort soudaine de Léopoldine Hugo, un hommage à été rendu à Villequier, annonça-t-il. Tous les habitants ont déposé des fleurs et des mots sur sa tombe. Que c'est touchant...
    Victor Hugo s'arrêta soudain d'écrire, les mains tremblantes en entendant ces mots. Les larmes lui montèrent, et soudain, il hurla dans tout le hangar durant de longues minutes.



    Ouvrant les yeux d'un seul coup, Ryûnosuke se redressa en toussant violemment. Il toussa, encore et encore, jusqu'à ce qu'il parviennent à se calmer. Ses mains étaient tremblantes et il se sentait tout transpirant. Son cœur battait à tout rompre. Il vit flou quelques secondes avant de pouvoir parfaitement voir autour de lui. Il aperçut alors les visages de Dazai, Gin, Mori. Il reconnut ceux de Fukuzawa, Yosano, Ranpo et Sigma. Il vit aussi une tête rousse, juste à côté de Dazai, alors il en déduit qu'il devait s'agir de Chûya. Il cligna des yeux un instant, le temps de comprendre ce qu'il se passait. Pourtant il n'arrivait pas à saisir la raison de leurs regards insistants envers lui. Yosano avait l'air excitée, alors que les autres semblaient choqués et rassurés.
    – Fyodor avait raison, s'écria alors Yosano en sautillant légèrement avec joie.
    Ryûnosuke cligna une fois des yeux, puis une seconde fois, et enfin tout lui revint en tête. Fyodor, Chûya, les anges en décomposition, son enlèvement avec Atsushi, leur fuite, Victor Hugo... Atsushi !
    Il écarquilla les yeux avant de regarder précipitamment autour de lui. Son regard tomba rapidement sur le lit à côté du sien, dans lequel reposait Atsushi. Il semblait dormir profondément. Son teint était pâle et il était branché à une machine qui faisait d'incessants bruits.
    – Atsushi !
    – Attends, Ryûnosuke !
    Mais il n'écouta pas Gin, ni Mori, qui essayaient de le retenir. Il se précipita au chevet d'Atsushi et vint prendre ses mains. Son cœur rata un battement alors qu'il constatant la froideur que sa peau dégageait.
    – Non, non, non, non !! Atsushi, je t'en supplie, murmura-t-il alors que ses yeux se remplissaient de larmes. Ouvre les yeux, réveille toi, je t'en supplie...
    Sa voix se craqua alors qu'il disait ces derniers mots. Il se mordit la lèvre inférieure avec angoisse, les sourcils froncés. Autour de lui, les autres semblaient parler, mais Ryûnosuke n'y prêta aucune attention, bien trop préoccupé par l'état de son compagnon. Il sentit à peine Dazai se mettre derrière lui et lui caresser le dos. Il pensa à tout un tas de choses. Mais surtout, il pensa perdre Atsushi. Il se vit devant une tombe, des fleurs à la main, le regard vide. Il se vit seul, perdu, sans but et sans raison.
    Il ne pouvait pas perdre Atsushi.
    – Réveille toi, je t'en prie... Tu ne peux pas mourir, pas maintenant, alors que j'ai besoin de toi !! S'il te plaît
    La tension dans la pièce était palpable. Ryûnosuke était vivant, mais qu'en était-il de Atsushi ? Le cœur de tous battait à tout rompre. Certains avaient les mains moites, d'autres retenaient leur souffle. Plus personne n'osait plus parler, comme si le moindre son pourrait empêcher Atsushi de se réveiller. Alors, ils regardaient tous son corps inconscient, espérant que le jeune homme se réveille comme l'avait fait son partenaire quelques secondes plus tôt. Même Sigma et Chûya avaient peur pour lui, bien qu'ils ne le connaissaient que très peu.
    Ryûnosuke baissa la tête tristement, sentant les larmes couler sur son visage. Mais, comme si le ciel avait écouté ses prières, la main d'Atsushi se resserra sur celle du jeune mafieux et sa voix raisonna.
    – Je ne compte pas partir, Ryû...
    Sa voix n'avait été qu'un murmure, mais cela avait suffi pour apporter le soulagement dans le cœur de toutes les personnes présentes. Mori et Fukuzawa soupirèrent, Ranpo mima une danse de la joie avec Yosano et Gin, Chûya et Sigma sourirent doucement, Dazai soupira et Ryûnosuke jura avant de venir serrer son compagnon dans ses bras sans attendre.
    – Tu m'as fait peur, satané tigre-garou.
    Atsushi lâcha un léger rire en venant le serrer dans ses bras. Il lui ébouriffa les cheveux avec tendresse.
    – Bon ! Nous devrions les laisser quelques minutes, s'écria Yosano en tapant dans ses mains avec un grand sourire. Ils ont besoin de retrouver un peu leurs esprits.
    Alors que tous acquiescèrent, elle se tourna vers Ryûnosuke et Atsushi.
    – Prenez votre temps, annonça-t-elle avec douceur, tout en leur faisant un clin d'œil. Venez nous voir dès que vous vous sentez prêts, on vous expliquera tout.
    Ils hochèrent la tête et regardèrent leurs camarades partir un à un. Une fois qu'ils furent tous les deux, ils s'autorisèrent à s'échanger un chaste baiser. Une douce sensation se propagea alors dans leur corps. C'était agréable, chaleureux, ressemblant à un mélange de soulagement, d'amour et de bonheur.
    Ryûnosuke glissa alors ses mains sur les joues de Atsushi, qui se redressa doucement dans le lit afin de s'asseoir. Il s'installa à côté de lui et, faisant glisser ses doigts sur sa peau douce et lisse. Il vint attraper son menton avec délicatesse et l'embrassant une nouvelle fois, un peu plus longtemps cette fois-ci, pour lui faire passer tout son amour. Ils se détachèrent après quelques secondes.
    – Comment tu vas, demanda Atsushi en lui offrant un petit sourire.
    – Rassuré. Et toi ?
    – Je vais bien, murmura-t-il avec un petit sourire.
    Il vint frotter son nez à celui de Ryûnosuke, faisant légèrement ricaner ce dernier.
    – Il y avait du monde, ajouta Atsushi.
    Ryûnosuke acquiesça. Il était vrai qu'ils étaient nombreux dans la pièce, quelques secondes auparavant. Et il comprenait pourquoi il y avait des membres de la mafia et de l'agence. Cependant il n'avait pas compris pourquoi Chûya et Sigma étaient présents. Car, après tout, ils faisaient partie des anges en décomposition, jusqu'à preuve du contraire. Qui plus est, c'était eux qui les avait kidnappés ! Alors qu'ils essayaient de trouver une explication plausible, la phrase de Yosano lui revint en mémoire. "Venez nous voir dès que vous vous sentez prêts, on vous expliquera tout". Ce qui signifiait qu'il s'était passé des choses durant leur état d'inconscience.... Ils ne savaient d'ailleurs même pas combien de temps ils avaient été inconscients.
    Il fronça légèrement les sourcils.
    – Je pense qu'on comprendra plus tard, rétorqua-t-il simplement.
    – Tu as sûrement raison...
    Atsushi le regarda avec attention, avant de venir sourire tendrement, l'air heureux. Ryûnosuke l'observa faire un instant avant de détourner le regard, les joues rougies. Il se sentait soudain un peu timide.
    – Qu'est-ce qu'il y a, demanda-t-il faiblement.
    – Rien, je suis juste heureux.
    – Pourquoi ?
    – Parce que je suis avec toi, et que je t'aime.
    Ryûnosuke rougit davantage et Atsushi déposa un doux baiser sur sa joue.
    – Tu es adorable.
    – C'est faux, répondit Ryûnosuke en clignant des yeux, l'air incrédule.
    Atsushi rit encore un instant avant de l'enlacer une nouvelle fois. Ryûnosuke soupira et vint poser sa tête sur l'épaule d'Atsushi. Il ferma les yeux et se laissa aller à un grand sourire. Qu'est-ce qu'il se sentait bien avec Atsushi. Il n'échangerait ça avec rien au monde, c'était une évidence.

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