Chapitre 14

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    – Chûya ?
    La voix de Dazai fit sursauter Chûya, qui observait le ciel d'un magnifique bleu nuit. Assis sur le toit du bâtiment de la mafia portuaire depuis une dizaine de minutes, les pieds dans le vide, il finissait sa cigarette, soufflant une dernière bouffée de fumée avant d'éteindre le bâton de nicotine. Il essuya ses joues humides et tourna la tête vers Dazai, qui s'approchait doucement. Il planta son œil bleu dans le regard ambré de Dazai. Il ne parvint pas à cacher sa tristesse.
    Dazai vint s'asseoir à côté de lui et, sans même dire un mot, il l'enlaça avec douceur. Il passa ses bras dans son dos et le serra contre lui. Face à cet élan d'amour et de tendresse, Chûya de crispa d'abord. Il déglutit et inspira. Puis, il ferma les yeux. Il repensa à Fyodor et ne put retenir un sanglot de passer la barrière de ses lèvres. Il passa ses bras autour de la taille de Dazai, l'air hésitant. Il s'accrochait à lui comme s'il était son seul pilier, son seul repère. Mais il ne le regardait toujours pas.
    – Je ne te laisserai plus jamais, murmura Dazai en lui caressant le dos.
    Il replaça avec douceur une mèche de cheveux rousse derrière l'oreille de Chûya et vint déposer un baiser affectueux sur le haut de son crâne. Peu à peu, les sanglots de Chûya cessèrent et il retrouva une respiration stable et calme. Alors, Dazai vint prendre son visage en coupe, collant son front au sien.
    – Dazai... Il faut qu'on en parle, dit Chûya d'une faible voix.
    – On est vraiment obligé ?
    Le cœur de Chûya se serra et il eut l'impression d'étouffer à nouveau. Il fronça les sourcils et se recula un peu. Il regarda Dazai dans les yeux.
    – Il faut qu'on en parle. On ne peut pas faire comme si de rien était...
    – Et pourquoi pas ? On a juste à oublier ces sept années ! On oublie Mori, la mafia, Fyodor, les anges ! Ce n'est pas si difficile, on peut y arriver...
    Chûya secoua négativement la tête avec frénésie, les yeux embrouillés de larmes. Dazai haussa un sourcil.
    – Chûya...
    – Non, le coupa-t-il. Non Dazai, non.
    – Pourquoi, demanda Dazai d'un air perdu.
    – Mais parce que j'en suis incapable, s'excia-t-il alors que une larme rebelle s'écoula sur sa joue.
    Dazai tendit le bras pour lui essuyer la joue, mais il lui donna une tape en se reculant. Sa mâchoire était crispée.
    – Ne me touche pas.
    – Chûya, s'il te plaît, soupira Dazai.
    – Non, tu vas m'écouter, s'écria-t-il. Ça fait sept ans, sept putain d'années que je vis sans toi. C'est pas maintenant que je vais avoir besoin de toi ! Je te déteste depuis le jour où on s'est rencontré, et encore plus depuis que tu m'as abandonné. On en a fait des missions ensemble, alors pourquoi tu m'as abandonné ?! Pourquoi tu as cru ce que Mori t'a dit ?! J'en ai rien à faire que Mori t'aies dit un truc ou non. Putain, Dazai, c'était à toi de venir vérifier, non ?! Tu sais comment il est !! Mais tu n'as rien fait après ça. Tu te rends compte de la torture que c'était d'entendre parler de toi à chaque fois je mettais les pieds à Yokohama ?! Ou même de me réveiller en pleurant alors que j'avais rêvé de nos moments passés ensembles ?! C'était affreux !
    Il ne prit même pas la peine d'essuyer les larmes qui coulaient abondamment sur ses joues. Il tourna simplement la tête afin de ne plus regarder Dazai.
    – Chaque jour, j'espérais que tu sois là. Mais tu ne l'étais pas. C'est totalement con, parce qu'on avais que quinze ans... Mais je tenais énormément à toi ! Je...
    Il se leva et se mit à faire les cent pas. Ses mains tremblaient et sa respiration était courte. Dazai ne savait ni quoi faire, ni quoi dire. Il le regardait d'un air triste, les yeux brillants.
    – Je ne peux pas oublier ces sept ans, Dazai. C'est impossible parce que... Parce que même si je peux t'aimer, j'ai toujours cette peur au fond de moi. Je me dis que tu vas partir et me laisser encore. Après tout, tu l'as déjà fait une fois, tu pourrais le refaire ! Plus on passe de temps ensemble, plus je deviens faible ! Je... J'ai essayé de mettre une barrière, je te parlais mal, je t'interdisais de me toucher, mais... Mais au fond ce n'était que des mots vides de sens parce que je voulais juste être dans tes bras ! Mais en même temps, j'avais juste envie de te donner tous les coups de poing que tu mérite.
    Il s'arrêta de marcher et se tourna vers Dazai, qui se leva et tenta de s'approcher de lui. Cette fois-ci, il ne recula pas.
    – Mais à chaque fois que je suis dans tes bras, j'ai peur... À chaque fois que je te vois je n'arrive pas à te frapper. Et je m'en sens coupable, putain ! Pourquoi est-ce que je ressens tout ça ? Pourquoi est-ce que je pense toujours à... À... Quand je suis avec toi, je....
    Ses épaules se secouaient de plus en plus alors qu'un torrent de larmes s'écoulaient sur ses joues. Il n'arrivait plus à contenir ses émotions, il se sentait exploser. Mettre des mots sur ce qu'il ressentait n'était pas simple, c'était éprouvant.
    Dazai ne dit rien, il ne savait pas quoi dire. Il se contenta d'ouvrir ses bras, invitant Chûya à venir.
    – Je te hais Dazai, je te hais, murmura finalement Chûya en approchant lentement. Mais bordel, je crois que je t'aime....
    Il posa sa tête sur son épaule et Dazai entoura son corps de ses bras. Il lui caressa le dos avec douceur. Chûya n'osait même plus le regarder.
    – Je suis désolé, dit Dazai au bout d'un long moment de silence.
    Chûya ne répondit rien. Il ferma les yeux et se laissa bercer par les caresses de Dazai. Son cœur ralentit doucement et il retrouva une respiration à peu près stable. Peu à peu, ses larmes cessèrent de couler et ses bras ne tremblaient plus. Il ne bougea pourtant pas.
    – Qu'est-ce que je peux faire pour que tu te sentes mieux, demanda Dazai.
    – Arrête de faire le con...
    Dazai ricana et Chûya sentit son cœur se réchauffer en l'entendant. Un silence s'installa entre eux, mais il n'était pas dérangeant. Dazai continuait de caresser Chûya, qui se blottissait un peu plus contre lui.
    Au bout d'un moment, Dazai reprit la parole.
    – Lorsqu'on en aura fini avec Fukuchi, je t'emmène avec moi, s'exclama-t-il avec un petit sourire.
    Chûya esquissa un petit sourire, bien que triste.
    – Il faudrait déjà qu'on arrive à le vaincre, murmura-t-il.
    – Tu doutes de nos capacités, Dazai prit un faux air outré. On est partenaire après tout ! Rien ne nous résiste !
    – On l'a été il y a sept ans... C'est fini maintenant.
    – Mais on a géré à chaque fois, il faut se l'avouer...
    – J'étais à deux doigts de mourir...
    – Roh, mais tu casses mon délire là !! Arrête d'être aussi négatif !
    – Mais ce n'est pas ma faute si...
    – Négativité, off, s'écria alors Dazai en appuyant sur le cou de Chûya comme s'il appuyait sur un bouton.
    Chûya ricana légèrement, ce qui le fit sourire. Au moins, il arrivait à le faire rire. Le cœur un peu plus léger, Chûya regarda Dazai, un petit sourire collé au visage. Dazai n'était qu'un sombre idiot, un peu trop blagueur et dragueur mais il essayait de prendre soin de lui et veillait à ce qu'il ne soit plus triste. Et cela ne pouvait que lui faire du bien. Pourtant, ses actes et sa façon de prendre soin de lui lui rappelait Fyodor. Lui aussi il prenait soin de lui, il le faisait rire pour lui remonter le moral. Et lui aussi, il le prenait dans ses bras ainsi...
    Depuis qu'il avait retrouvé Dazai, même s'il se forçait à ne pas trop se jeter dans ses bras, il se sentait.. Différent. Il avait appris à découvrir Dazai, qu'il avait longuement détesté. il le voyait différemment, et il ne pouvait pas nier le fait que c'était très agréable. Même s'il avait souvent peur. Mais, ce n'était pas tout. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, Dazai hantait ses pensées. Il pensait tout le temps à lui ! C'était comme si son âme était reliée à la sienne et qu'il ne pouvait plus s'en défaire. Et cette sensation, il ne l'avait ressenti qu'avec une seule personne.... Mais il n'arrivait pas à savoir avec lequel des deux c'était plus fort.
    Même si tout ça était plus ou moins agréable, rien ne valait les sept années qu'il avait passé avec Fyodor.
    – Qu'est-ce qu'il y a, demanda Dazai avec inquiétude en constatant qu'il le regardait fixement avec un petit sourire.
    – Rien, répondit-t-il dans un murmure. Je... Je t'aime. Un peu.
    Étrangement, Chûya se sentit mal d'avoir dit ça. Il avait la sensation d'être coupable de quelque chose et de s'être forcé. Mais, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi.
    – Moooohhh ! Je t'aime aussi, mon Chuchu, s'exclama Dazai en venant déposer un doux baiser sur ses lèvres. J'aime ton sourire, j'aime ton rire, j'aime ta façon de t'énerver contre moi lorsque je fais l'idiot.
    Chûya sourit doucement face à ces mots. Ses joues prirent une teinte rouge alors que Dazai continuait en le regardant avec amour et tendresse. Il lui caressait la joue de son pouce.
    – J'aime ta bouille adorable au réveil, même si je ne l'ai vue que deux fois et que tu es un peu grincheux le matin ! J'aime regarder tes yeux et m'y perdre dedans, comme dans un océan. Ils sont si expressifs que je pourrai te comprendre juste en les regardant... J'aime comment tu coiffes rapidement tes cheveux lorsqu'ils ne sont pas assez bien placés selon toi. J'aime comment tu t'habilles et j'aime ta façon de te tenir. Tu dégages à la fois du charisme et de la mignonnerie, il n'y a que toi qui puisses avoir cette attitude naturellement ! J'aime comment tes bras s'enroulent autour de mon corps lorsque je te prends dans mes bras et que tu te colles un peu plus à moi. J'aime l'odeur de vanille que tu dégages et j'aime lorsque ton visage prend des couleurs lorsque je te parle, comme maintenant.
    Chûya se pinça les lèvres et fronça les sourcils, rougissant davantage. Le malaise en lui grandit peu à peu. Il baissa le regard mais Dazai lui releva directement la tête afin de ne pas perdre le contact visuel avec lui.
    – J'aime tout un tas de petits détails toi... Chûya, je t'aime toi, tout entier et plus que tout au monde. Je ne veux que ton bonheur et je ferai tout pour toi, je pourrais même te donner ma vie. Alors, peut-être que ça semble niais, et je me sens d'ailleurs affreusement idiot de dire ça, mais je ne rigolais pas tout à l'heure quand je te disais que je t'emmènerai avec moi après qu'on aura vaincu Fukuchi. On quittera Yokohama, je n'en sais encore trop rien, mais je suis sûr d'une chose : on vivra ensemble. Car j'ai envie de faire ma vie avec toi, de t'apporter tout l'amour possible... On quittera le monde de la pègre et du terrorisme et on débutera une vie simple, d'amour et d'eau fraiche. Juste tout les deux. C'est une promesse, mon Chûya...
    – Saloperie de Dazai... Tu as intérêt à la respecter, cette promesse, sinon je t'étouffe. Mais crois pas que je te pardonne pour autant...
    Dazai ricana et Chûya esquissa un petit sourire.

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