Chapitre 16

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    Le sol vibra sous son corps endolori et deux mains vinrent se poser sur son bras afin de le secouer. Dazai grimaça face à la douleur. Sa respiration était faible et chacun de ses mouvements le faisait atrocement souffrir. Il ouvrit faiblement les yeux. La première chose qu'il vit fut les prunelles écarlates de Fyodor, qui brillaient de peur. Dazai fronça les sourcils. Il essayait de se rappeler ce qu'il se passait et pourquoi il se trouvait allonger sur le sol, le corps douloureux, tout juste surplombé par son pire ennemi. Mais dans quel univers farfelu était-il tombé ?!
    Fyodor sembla parler, mais les oreilles de Dazai bourdonnèrent et il ne put comprendre quoi que ce soit. Il tenta alors de regarder autour de lui, mais Fyodor l'en empêcha et lui donna une claque monumentale.
    Dazai fut soudain ramené sur terre. Il se souvint alors de Fukuchi et de leur plan pour le vaincre. Il se souvint aussi de la raclée affreusement douloureuse qu'ils s'étaient tous pris, avant qu'il ne sombre dans l'inconscient. C'était triste de constater qu'ils avaient sous-estimé Fukuchi...
    Merde...
    
Dazai se redressa d'un seul coup et donna sans le vouloir un coup de boule à Fyodor. Ils grimacèrent tout en se massant le crâne, et Fyodor lui lança un regard noir.
    – T'es vraiment qu'un con !
    La voix de Fyodor fut couverte par de nombreux bruits d'explosion. Il soupira et vérifia rapidement que Dazai n'ait pas de blessures trop graves, enfin c'est ce que Dazai imaginait. Il profita de ce laps de temps pour regarder autour de lui. Il ne vit pas grand-chose, si ce n'est quelques-uns de ses camarades et un énorme voile de poussière. Ils étaient tous plus ou moins blessés. Il arrivait à voir quelques corps inertes, comme celui de Tetchô ou encore celui de Sigma. Mais sinon les autres semblaient être tous conscients, que ce soit du côté des ennemis ou de leur côté. Il espérait tout de même que Sigma ne perde pas la vie, et que ceux qu'il n'arrivait pas à voir n'étaient pas trop mal en point.
    Il ne vit cependant aucune tête rousse.
    Son cœur commença à s'emballer alors qu'il essayait de se souvenir ce qui avait bien pu se passer du côté de Chûya. Ils avaient été séparés dès le début du combat, et il ne l'avait pas revu depuis. Il fronça les sourcils et se pinça les lèvres avant de regarder Fyodor, qui semblait s'attarder sur une blessure que Dazai avait.
    – Où est Chûya, demanda-t-il avec empressement.
    Fyodor ouvrit la bouche pour parler, mais il fut coupé par un cris strident, suivi d'une explosion tout juste derrière eux. Reconnaissant la voix de Chûya, Dazai se retourna sans perdre de temps. Il l'aperçut dans les airs. Il avait un grand sourire froid et ses pupilles brillaient de folie. Du sang s'écoulait de son crâne et de son nez alors que d'étranges traces rouges étaient gravées sur sa peau. Il semblait briller. Son corps tremblait violemment alors qu'il commençait à rire et cracher du sang en même temps. Il leva le bras et une énorme sphère apparut dans le creux de sa main. Un sourire plus grand se dessina sur son visage.
    – Crèèèèèèèèèèèèèèève, hurla-t-il avant de balancer la sphère sur ce qui semblait être le corps de Fukuchi.
    Dazai écarquilla les yeux et son souffle se coupa face à Chûya. Bien que séparé par une centaine de mètres Dazai put sentir toute la folie qui emplissait le corps et l'esprit de Chûya. Il eut même l'impression de se retrouver face à quelqu'un d'autre. Jamais il ne l'avait vu comme ça, son cœur s'emballa et il se tourna vers Fyodor. Il le prit par les épaules, enfonçant ses doigts dans sa peau.
    – Qu'est-ce que vous avez foutu, cria-t-il alors que Fyodor grimaça.
    – C'est sa Corruption....
    – Sa... Quoi ?
    Fyodor soupira, et Dazai put clairement voir la peur briller dans son regard, pourtant si sûr de lui habituellement.
    – Sa Corruption, c'est son pouvoir... Enfin, une partie qu'il ne contrôle pas de son pouvoir. Il ne se contrôle pas...
    – Je sais ce que c'est. Putain mais pourquoi tu l'as laissé utilisé sa Corruption ?! Et si je ne m'étais pas réveillé, tu aurais fait quoi ?!
    Inquiet pour celui qu'il aimait, il ne pouvait pas s'empêcher de crier sur Fyodor, qui semblait totalement dépassé par les évènements. Fyodor laissa un faible bruit passer ses lèvres, Dazai ne sut dire s'il s'agissait d'un sanglot ou d'un gémissement de douleur.
    – Il l'a choisi de lui-même lorsque Fukuchi t'a empalé sur son sabre !! Il a décidé de l'utiliser après que tu sois tombé !! On s'est tous prit une putain de raclée, c'est la seule solution qu'il a trouvé !!
    Les mots de Fyodor eut le même effet qu'un coup de massue. Et comme s'il prenait enfin compte de ses blessures, Dazai apporta une main à son ventre sanguinolent. Il grimaça lorsque sa main toucha sa plaie.
    Pendant une seconde, il se vit, sept ans plus tôt. La grande différence, là, c'était que leurs rôles étaient échangés. Il était le blessé, empalé, et Chûya était celui qui voyait l'autre perdre vit peu à peu. Il se demanda soudain ce qu'il se serait passé si Fyodor ne l'avait pas réveillé... Mais ces pensées ne durèrent pas. Pris de courage et d'une force inconnue, il se leva. Il grimaça une seconde et chercha Chûya du regard. Chûya était à présent sur le sol, balançant des sphères de gravitons un peu partout, riant. Il saignait abondamment.
    Dazai serra les dents.
    Il devait faire quelque chose, il ne pouvait pas rester là sans rien faire ! Son cœur battait à toute allure, il n'y avait qu'une seule solution : son propre pouvoir. Ou plutôt, son anti-pouvoir.
    – Je dois l'arrêter ! Je... Je peux l'arrêter !
    Puis, sans attendre une quelconque réponse de la part de Fyodor, il s'élança vers Chûya en ignorant autant que possible la douleur grandissante dans tout son torse. Il se mordit la lèvre, allant aussi vite que possible. En face de lui, Chûya prépara une nouvelle sphère de graviton, bien plus importante que les précédentes, tout en étant pris d'un fou-rire. Il pressa le pas et, rapidement, il arriva aux côtés de Chûya. Il lui attrapa le poignet, le faisant se figer d'un coup. Ses yeux brillèrent d'une lueur perdue, son sourire s'effaça rapidement, les traces rouges disparurent de sa peau laiteuse et la sphère de gravitons s'évapora. Quelques larmes coulèrent des yeux de Chûya, qui reprirent peu à peu leur teinte bleu ciel habituelle.
    Le calme revint dans le champ à présent dévasté et au loin ils purent tous entendre le bruit des hélicoptères qui s'approchaient...
    – Oh mon Dieu, Chû...
    Il n'eut pas l'occasion de finir sa phrase que Chûya s'écroula dans ses bras, totalement inconscient. Il s'agenouilla et le posa délicatement au sol.
    – Chûya ! Chûya réveille toi !
    Il se pinça les lèvres et secoua légèrement le corps de Chûya. Mais il ne se réveilla pas. Le souffle lourd, Dazai vérifia son pouls et sa respiration. Le cœur de Chûya battait faiblement.
   – Chûya, s'écria Fyodor au loin.
    Il se précipita alors vers Dazai, tombant à genoux à côté de lui. Il poussa Dazai avec force et posa son oreille contre le torse de Chûya. Lui aussi peinait à respirer. Dazai fronça les sourcils, il déglutit. Il poussa à son tour Fyodor et reprit Chûya dans ses bras.
    – Je m'occupe de lui, dit-il sans même le regarder. Laisse-moi faire.
    Fyodor se figea et il lui lança un regard noir.
    – Je crois pas, non. Je vais m'occuper de Chûya.
    – Et pourquoi ?
    – Pourquoi ? Tu oses me demander pourquoi, s'indigna-t-il en serrant les poings. Qui était là pour Chûya ces sept dernières années ? Qui le connait par cœur ?!
    – J'étais là pour lui, avant toi !! Et tu crois réellement que tu prends soin de lui ?! Et si tu lui faisais du mal en vrai, hein ?! Si ça se trouve tu lui as fait développer le syndrome de Stockholm !!
    – Mais t'es un gamin ou quoi ?! Je tiens vraiment à lui, je ne pourrais jamais lui faire de mal !!
    Dazai leva la tête vers lui, lui lançant à son tour un regard noir.
    – Tu crois vraiment que je vais te le laisser ? Mais tu te fourres le doigts dans l'œil !
    – C'est plutôt à moi de te dire ça. Il te hait, Dazai. Il te hait !
    – Et de la faute à qui, hein ?!
    Leurs voix s'élevaient un peu plus à chaque phrase, la tension était palpable.
    – Rashômon !
    La voix de Ryûnosuke coupa l'air et Dazai et Fyodor furent séparés par une force noire. Il les regardait avec un regard sévère.
    – Idiots, marmonna-t-il avant de regarder Dazai dans les yeux. Passe-moi Chûya.
    – Quoi ?! Mais pourquoi ?! Je m'occupe de lui, tu...
    – Passe-le moi.
    Dazai soupira et il lui laissa le corps de Chûya, Ryûnosuke le porta à l'aide de son Rashômon. Il regarda ensuite tour à tour Dazai et Fyodor avant de mettre ses mains dans ses poches. Il avait l'air épuisé.
    – On a une alliance, non ? Alors parlez. J'en ai rien à foutre de pourquoi vous vous disputez, mais je suis pas sûr que de faire ça avec le corps de Chûya dans les bras soit une bonne idée. On dirait des gamins, sérireux.
    Il n'ajouta rien de plus et s'en alla, les laissant tous les deux. Fyodor le regarda partir avant de soupirer. Il baissa le regard et observa ses mains. De son côté, Dazai regardait le ciel.
    – Je serai meilleur que toi, déclara-t-il soudainement.
    Fyodor leva le regard vers lui en haussant un sourcil.
    – Quoi ?
    – Avec Chûya, je serai meilleur que toi.
    Fyodor ricana, ce qui énerva Dazai. Il baissa la tête vers lui et fronça les sourcils.
    – Tu crois vraiment que c'est une compétition ? Si tu tenais réellement à Chûya, tu ne te préoccuperais pas de ta petite tête, mais plutôt de lui... C'est ce que j'ai fait. Crois-moi, si ça n'avait tenu qu'à moi j'aurai fait en sorte qu'il te haïsse encore plus.
    Dazai soupira et tourna la tête. Au fond, il savait que Fyodor avait raison.
    – J'ai vu les photos...
    – Donc Jôno te l'a bien donné, en conclut Fyodor.
    – Il a l'air vraiment heureux avec toi, murmura Dazai.
    Fyodor se souvenait parfaitement de la photo dont il parlait, celle où il était avec Chûya. Il avait un magnifique sourire. Comment aurait-il pu l'oublier ? C'était lors des dix-sept ans de Chûya. C'était le premier anniversaire qu'ils avaient fêté ensemble, et c'était très certainement l'un de ses plus beaux souvenirs. Ils s'étaient beaucoup amusés... Et il s'était passé des choses que Fyodor n'oublierait jamais. Il ne put réprimer un sourire.
    – Je fais tout pour en tout cas.
    Dazai se redressa et frotta légèrement son long manteau noir. Il planta son regard dans celui de Fyodor.
    – Et je ferai tout pour, moi aussi.
    Fyodor ricana.
    – Vraiment ? Tu te crois capable de t'occuper de lui après l'avoir abandonné ?
    – Oui, vraiment.
    – Tu sais que si tu lui fais le moindre mal tu finiras dans une tombe ? Probablement décapité ? Et après avoir subi les pires tortures ?
    – Je crois que ton mot était on ne peut plus clair !
    Fyodor soupira et se releva. Ils commencèrent à marcher vers les hélicoptères qui venaient d'arriver. Malgré la haine qu'il ressentait l'un pour l'autre, ce fut un moment agréable. Le silence les entouraient presque totalement et un vent agréable s'était levé. Ils avançaient à l'unisson, le regard figé sur leurs amis.
    – Je lui ai promis qu'on partirait ensemble.
    Fyodor ne répondit pas de suite. Il prit une longue inspiration.
    – On verra s'il te suit.
    – Au fait, commença Dazai avec hésitation, il s'est déjà passé un truc entre vous deux ?
    Fyodor esquissa un sourire et Dazai serra les poings.
    – On était bourré, murmura-t-il. On ne s'est pas juste embrassé... Mais je ne vais pas mentir, c'est sûrement le meilleur souvenir que j'ai.
    – C'était quand ?
    – Il y a quatre ans. Mais il ne s'est jamais rien passé après ça, si c'est ce que tu veux savoir. Même si ça nous a vachement rapproché...
    Dazai s'arrêta et il le retint en l'attrapant par le bras. Fyodor le regarda avec surprise.
    – Je l'aime vraiment, dit-il avec sérieux. Et je compte bien lui donner tout l'amour dont il a besoin.
    Fyodor le regarda un long moment. Il finit par soupirer et un fin sourire se dessina sur ses lèvres.
    – Tant que tu ne me le voles pas et que tu le rends heureux. Par contre, je garde un œil sur toi. Je ne serai jamais loin.
    Ils se regardèrent avec un air de défi.
    – Bon, vous venez ou pas, s'écria Ranpo au loin. On y va, hein !!
    Ils ricanèrent à l'unisson avant de rejoindre leurs camarades rapidement.

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