Jeune femme de tout juste dix-huit ans, Melinoë est hantée pour le souvenir d'un homme qu'elle a vu assassiner son père onze ans auparavant. Ce fantôme de son passé ressurgira un beau jour pour lui sauver la vie. Un homme mystérieux, sans nom, qu'el...
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Mes yeux allaient et venaient entre la rue bondée de monde et Ghost. Depuis la veille, nous ne nous étions pas dit un mot, ou plutôt il ne m'en avait pas adressé un seul. Et ce n'était pas faute d'avoir essayé d'établir un dialogue avec lui depuis le réveil. Cela en devenait agaçant, j'avais une sainte horreur d'être ignorée de la sorte, surtout par la seule personne avec qui je pouvais bavarder. J'avais terriblement envie de lui crier dessus à cet instant, mais nous étions au milieu de centaines d'individus. C'était l'unique détail qui me retenait. Me forçant au calme, je m'approchai de lui pour le saisir durement par le bras, même si je doutais qu'il ait ressenti autre chose qu'une vulgaire pression.
— Je peux savoir pourquoi tu m'ignores depuis hier soir ? lui crachai-je avec colère. Je sais que tu m'as entendue, mais je ne pense pas que cela mérite de jouer au jeu du silence !
L'assassin braqua son regard nocturne sur moi, mais ne dit pourtant rien. Ce mutisme prolongé provoqua rapidement un sentiment de malaise dans mon esprit. Mes doigts accentuèrent encore leur prise sur lui face à cela. Je n'arrivais pas à le décrypter, il ne semblait pas avoir d'âme et c'était probablement ça le plus dérangeant chez lui. J'avais vu passer, quelques fois, divers éclats dans ses prunelles, mais c'était bien trop rare.
— Avance, me somma Ghost en se libérant de ma poigne pour poursuivre sa route.
Un vif désir de lui fausser compagnie se fit sentir, mais je n'étais pas certaine de pouvoir le semer à la course et cela malgré la foule autour de nous. Je ne pus que macérer dans le sentiment de frustration toujours plus intense. Fourrant mes mains dans les poches de la grande veste que je portai, je continuais de le talonner.
Je lui avais demandé de m'emmener au musée de la crème glacée de New York et il avait accepté. Il ne cherchait pas à me maintenir enfermée, mais je n'avais juste pas l'autorisation de sortir sans loin. Peut-être craignait-il que je retombe dans mes vieux travers, puisque je n'étais sevrée que depuis peu ? Et il n'avait certainement pas tort de s'inquiéter à ce sujet, parce que l'idée m'avait traversé l'esprit plus d'une fois. La sensation de bien-être et d'euphorie me manquait terriblement. Le peu d'alcool que j'étais permise à ingérer n'était pas suffisant. La nicotine non plus d'ailleurs. Mais j'essayais de me convaincre que ces quelques miettes que j'étais autorisée à grappiller étaient mieux que de ne rien avoir du tout.
***
— Oh mon dieu ! m'exclamai-je après un grand coup de langue dans ma crème glacée à la vanille dans ma bouche. C'est la meilleure glace que j'ai mangée de toute ma vie !
Ou alors je suis juste bon public !
Si j'étais arrivée, de mauvaise humeur, cet endroit au parfum sucré, et à la décoration digne d'une publicité pour les poupées Barbie – du rose partout presque –, avait réussi à me redonner le sourire. En soi, nous ne parlions pas réellement d'un musée, mais d'une suite de chambres ornées de manière à faire de parfaits cadres pour des photos qui termineraient probablement sur Instagram. Mais cela me permettait de retomber en enfance, lorsque la musique du camion du marchand de glaces se faisait entendre au loin dans la rue où nous vivions. Cela me ramenait aussi aux belles journées d'été avec ma mère. Nous dégustions nos glaces en bavardant et en riant de mes histoires farfelues de gamine. Ce n'était que du bonheur à cette époque, cela me semblait tellement loin maintenant.
