21.

21 3 11
                                    

Gabriel

Danaë venait de quitter la salle de musique. Assise sur le piano, elle lui avait raconté la conversation qu'elle avait entretenue avec Catherine à propos de l'architecture de l'école, abominable comparée à ce qu'était la maison auparavant. Jamais Gabriel n'aurait pensé être en accord avec Catherine une fois dans sa vie, mais pour une fois, elle n'avait pas totalement tort. Elle était restée plutôt secrète quant à l'entretien avec Edouard en revanche, elle avait expliqué qu'elle ne voulait pas réellement en parler, et n'en avait fait qu'un bref résumé.

Il ne fallait pas être brillant pour comprendre qu'elle lui cachait quelque chose, mais ses tentatives de lui tirer les vers du nez étaient restées vaines.

Puis un vivant n'avait pas tardé à venir jouer du piano, et même s'il n'était pas capable de les voir, il avait servi de prétexte à Danaë pour s'éclipser.

Gabriel était resté là quelques temps, à écouter la musique emplir le silence. Sur la partition de l'élève était noté le prélude n°5 de Chopin. C'était découpé, haché, en plein apprentissage, mais il progressait tout doucement, et Gabriel n'avait d'autres choix que de s'en contenter s'il comptait rester là. Après tout, il n'était même pas sensé être ici. Il ne prêtait aucune attention au vivant, il écoutait tout simplement, attendant que l'heure ne défile.

C'était compliqué de tromper l'ennui après tout ce temps, il n'aurait jamais pensé attendre ses rendez-vous prévus avec Aliénor, mais elle avait au moins le mérite d'être distrayante. Il décida de son plein chef d'avancer leur rencontre et d'aller à la bibliothèque une heure et demie avant l'horaire prévu, où il savait qu'elle travaillait déjà. Elle allait sans doute s'énerver s'il la dérangeait, mais cela lui importait assez peu.

Elle avait fait l'erreur de ne pas être inintéressante à ses yeux, et il voulait maintenant apprendre à la connaître davantage. A comprendre tout ce qui lui échappait à son sujet, à commencer par sa passion débordante pour le cinéma, dont il ne saisissait aucune des subtilités. C'était étrange de passer autant de temps avec quelqu'un sans vraiment la connaître.

Elle était, comme à son habitude, assise à une table au fond de la bibliothèque. Il savait que si elle n'était pas en cours, ou avec April ou Emiliane, c'était là qu'il la trouverait ; peu importe l'heure. Elle ne dormait quasiment jamais de toute façon. Ca l'impressionnait, le nombre de cafés qu'elle pouvait consommer en une journée pour la tenir.

Il s'assit en face d'elle, et elle ne releva même pas la tête pour prendre sa présence en compte. Elle avait son casque sur les oreilles, son ordinateur ouvert devant elle, et elle prenait des notes sur peu importe ce qu'elle lisait. Quand elle le remarqua enfin, elle haussa un sourcil étonné. Le soleil était à peine entrain de se coucher en cette fin de novembre, et leur rendez-vous n'était qu'à minuit.

- Tu es en avance, constata-t-elle en retirant son casque.

- Je m'ennuyais.

- Et je suis sensée t'aider ?

- Bien sûr, répondit-il avec toute l'assurance du monde. Même si nous ne nous entendons pas toujours très bien, ta compagnie n'est pas totalement désagréable, et peut s'avérer très distrayante.

Et ça lui coûtait de lui faire un compliment si ouvert. En réalité, il se surprenait à apprécier de plus en plus le temps qu'ils passaient ensemble, alors qu'elle semblait de plus en plus à l'aise en sa présence, et qu'elle devenait part intégrante de ses journées.

Il la vit hésiter avant de répondre un instant ; il avait réussi à la déstabiliser, et il en était plutôt fier.

- Et c'est supposé être une raison suffisante pour m'interrompre ? demanda-t-elle d'un ton surpris.

Haunted SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant