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Gabriel

Gabriel se sentait seul, affreusement seul.

Il n'était plus l'heure d'embêter Daphnéa, les vivants dormaient sûrement, sauf Aliénor mais il n'avait pas envie de sa compagnie.

La solitude l'étouffait mais Danaë était trop préoccupée ces derniers temps, et la connaissant, elle s'inquiéterait encore inutilement pour lui.

Il avait besoin d'air, alors il sortit. Il aurait aimé sentir le vent de la nuit sur son visage, danser dans ses cheveux bruns, entendre le crissement des feuilles mortes sous ses bottes, mais rien de tout cela n'arriva. Rien de tout cela n'arrivera plus jamais.

Il se laissa guider par son ennui sans savoir vers où, jusqu'à ce que les ombres des tombes se dressent dans la nuit. Il n'y était pas retourné depuis quelques temps, il ne saurait dire quand il y était pour la dernière fois ; il avait perdu toute notion du temps.

Il soupira mais continua d'arpenter les allées du cimetière, un air las sur le visage. Il savait exactement où ses pas le menaient : la tombe de son père, le meilleur ami d'Edouard et le premier à avoir gâché sa vie. Le premier à lui avoir fait rencontrer la mort.

Mais son père avait eu de la chance ; un enterrement et c'était fini, pas d'âme coincée entre les mondes.

Il venait ici à chaque fois qu'il avait besoin d'évacuer sa colère, sa frustration ou même sa tristesse.

Il aurait aimé voir la tombe de sa mère, mais elle était restée à l'autre bout du pays, loin de lui pour toujours. Alors il se retrouvait coincé ici, avec la tombe de son père.

Il s'assit là et commença à lui  cracher son venin, tout ce qu'il avait enfoui dont il n'avait jamais vraiment parlé. Il lui parla même des vivants, d'Emiliane, et comment il n'aurait jamais supporté de connaître l'existence d'une femme aussi impétueuse, d'Aliénor, que Gabriel commençait lentement à considérer comme une erreur de jugement et d'April, et d'à quel point elle lui rappelait parfois Estelle, elles avaient eu le même genre de père.

« Son père était comme toi, mais au moins, il n'a jamais tué », lâcha-t-il, acerbe.

Il avait marqué son corps pour l'éternité, des bleus surtout qui n'avaient pas eu le temps de s'estomper avant qu'il ne meure. Au moins, il ne s'en était pas allé sous les poings de son père, pas comme sa mère. Il se rappelait encore exactement de la scène. Il avait six ans.

Il n'avait jamais accepté sa nouvelle femme, il pouvait la tuer elle, ça ne lui aurait rien fait, ça n'aurait jamais ramené sa mère.

« Père, tu es un con. » conclut-il.

Il n'était pas venu parler à la tombe de son père depuis longtemps, il n'avait plus ressenti le besoin de déverser sa colère à quelqu'un qui n'entendrait pas. Il détestait venir ici, mais quelque part, c'était libérateur.

Il comprit enfin ce qu'Aliénor avait voulu dire par « c'est étrange de parler à un mort », sauf que son mort à lui ne répondrait jamais. Ça valait mieux pour lui.

Il resta encore planté là un instant, quand il entendit une branche craquer. Il se retourna vivement et vit April, pieds nus, en pyjama, sa guitare à la main. Ce n'était rien d'étonnant la connaissant, mais elle n'avait rien à faire là.

- Qu'as-tu entendu ?

Il était froid. Gabriel détestait qu'on l'entende vider son sac et qu'on en sache trop sur lui. Il avait peur qu'on le voie ensuite comme quelqu'un de faible et incapable d'encaisser. April eut un sourire d'excuse et regarda Gabriel tout en ignorant sa question. Elle se rapprocha ensuite de la tombe, d'un pas presque sautillant malgré tout, où il était marqué :

Haunted SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant