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Aliénor

Le thème du concours est l'au-delà. Illustrez le à votre façon : une peinture, un dessin, une photographie, un court métrage, une œuvre musicale, peu importe. Un gagnant sera tiré dans chaque forme d'art. Les inscriptions seront closes le 29 Novembre, et vos travaux sont à rendre pour le 15 Janvier. Que vous gagniez ou non ne change rien, vous serez évalués par des professionnels du domaine, vous avez donc une grande opportunité de vous démarquer à  votre sortie de l'école. Nous acceptons toutes les candidatures à l'administration avec plaisir.

Les affiches étaient placardées partout dans les couloirs de l'école. Les inscriptions étaient ouvertes depuis la semaine dernière, Aliénor et Emiliane y avaient couru. Aaron était déjà excédé par leur énergie débordante et toutes les idées qu'elles avaient, même si aucune n'était assez bien. Ce n'était pas pour rien si elles faisaient partie des meilleurs élèves de la filière cinéma, elles étaient affreusement perfectionnistes, de quoi en énerver plus d'un. Et quand elle ne travaillait pas pour le concours, elle aidait Gabriel.

En résumé, Aliénor ne dormait presque plus, et buvait beaucoup trop de café et elle ne s'en rendait même pas compte.

Elle était actuellement à la bibliothèque, devant son ordinateur à faire des recherches inintéressantes au possible, elle avait totalement oublié que Gabriel devait la rejoindre. Il s'assit face à elle, en silence et la regarda travailler, mais c'était à peine si elle le remarqua. Il tenta de lui adresser la parole, elle le coupa immédiatement.

- Je n'ai pas fini.

- Etes-vous donc en retard ?

Elle le fusilla du regard.

-  J'étais même en avance.

- Le temps est relatif.

Elle ne répondit pas, elle n'était pas d'humeur. Elle détestait qu'on la coupe alors qu'elle travaillait, et c'était pire quand ça venait de lui.  Ce n'était pas dans ses habitudes de manquer de répondant, elle n'avait juste pas envie aujourd'hui. Et il fallait qu'il le remarque si ce n'était pas assez !

- Tout va bien ? demanda-t-il.

- Quand vous serez mort, je regarderai le ciel avec satisfaction.

- La mort n'est pas au ciel à mes yeux.

-  Et où alors ? Quelque part en enfer ?

Elle vit la confusion dans les yeux de Gabriel un instant. Comme si pour une fois, il réfléchissait à ce qu'il voulait dire, toute leur conversation était étrange.

- Disons dans un autre endroit, totalement parallèle à cette vie. La mort se passe indépendamment de la vie, reste à savoir si elle laisse des souvenirs ou non. Si vous tenez tant à l'associer au ciel, disons qu'elle se trouve sur la face cachée de la Lune, elle tourne autour de la vie sans vraiment s'en soucier.

- Vous avez réellement pris le temps d'y penser, répondit-elle, incapable de trouver quoique ce soit d'utile à dire.
Elle détestait ça

- L'ennui pousse à la réflexion.

- Vous devriez vous ennuyer plus souvent dans ce cas.

- Et me priver de nos échanges ? Vous êtes bien trop distrayante pour cela, ma chère. Maintenant si vous le voulez bien, terminez votre travail et reprenons nos recherches.

- Distrayante ? Est-ce sincèrement la seule qualité que vous me prêtez ?

Il la laissait pensive. Elle était d'accord avec lui : leurs échanges étaient distrayants, une simple occupation, un jeu de répartie pour s'occuper entre leurs recherches, pour donner un sens à leur rencontre.

- N'avez-vous donc pas confiance en vous pour tant chercher ma validation ?

- J'ai suffisamment confiance en moi pour ne chercher que mon approbation. Pour une fois, vous avez raison : laissez moi travailler et reprenons nos recherches.

Il lui sourit, amusé par la tournure que prenait leur conversation, sourire qu'elle lui rendit. Ils se voyaient depuis environ trois semaines à la bibliothèque maintenant. C'était toujours la même chose : des pics, des débats inutiles pour entrecouper les recherches, puis des heures de travail jusqu'au petit matin.

Aujourd'hui ne changea rien, jusqu'au moment où Gabriel décida qu'il en avait assez de faire des recherches et qu'il allait l'empêcher de travailler.

- Parlez moi de vous Alienor. Nous nous voyons depuis plusieurs semaines et je ne sais rien de vous si ce n'est que vous travaillez bien trop. C'est étrange, lâcha-t-il.

- Culotté venant de vous, sachant que vous n'êtes pas un livre ouvert non plus.

- Qui sait si je peux vous faire confiance ? Vous pourriez utiliser mes secrets contre moi.

Il avait dit cela d'un ton dramatique, mais elle sentait la méfiance dans sa voix. Gabriel ne parlait jamais de lui, et elle n'était personne pour le blâmer à ce sujet.

- Bien, posez moi une question, j'y répondrais. Puis ce sera à mon tour de vous interroger.

- Je vous promets mon honnêteté. Pourquoi travaillez-vous autant ?

- Pour que ça soit parfait.

Pour que ce soit satisfaisant, passable, juste assez pour qu'elle ne déteste pas ses travaux. Aliénor ne se laissait pas passer la moindre erreur, et au vu du temps qu'il avait passé à la regarder travailler en silence, il avait dû le deviner. Il hocha la tête, comme s'il s'agissait d'une évidence.

- Comment êtes-vous mort ?

Haunted SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant