Chapitre 15

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Il joua au chat et à la souris un peu trop longtemps à son goût. Soit Solange avait développé un sixième sens pour l'éviter en permanence, soit elle était vraiment chanceuse.

Que ce soit l'un ou l'autre, Marius s'en fichait pas mal : elle arrivait au bout de la période d'efficacité de son remède. Il n'allait pas prendre le risque d'attendre un jour de plus. S'il fallait qu'il la coince quelque part, il le ferait.

Ça l'irriterait au plus au point, mais il le ferait.

Il valait mieux que Sol soit vivante et le haïsse plutôt qu'elle soit morte. Il n'avait pas le moindre attrait pour les cadavres, même le sien.

— Solange !

La voix du médecin tonna contre les murs. Il aurait juré que même les patients en moins bon état avaient sursauté. En tout cas, la principale concernée s'était retournée, les yeux écarquillés tandis qu'il approchait à grand pas.

Ou chargeait comme un bœuf. La colère poussait Marius à dépasser toutes les limites qu'il s'était lui-même fixées la concernant.

Il s'était comporté aussi correctement que possible pendant bien trop longtemps. Elle avait eu raison la dernière fois ; il lui laissait trop de lest, lui autorisait tellement de choses qu'elle lui glissait entre les doigts quand elle devrait lui obéir.

Solange lâcha le drap qu'elle tenait et se redressa lentement. Elle ouvrit la bouche et la referma, l'air totalement perdu qu'il put l'attraper par le bras et la tirer à l'écart sans plus d'explications.

— Qu'est-ce que tu fais ? hoqueta-t-elle.

Marius la traina plus qu'il la guida. Elle trébucha plus d'une fois sur le sol irrégulier.

— Marius !

— Silence, Sol.

— Quoi, mais...

Il la poussa dans la cuisine et claqua la porte dans son dos. Puis il s'occupa de la seconde. Enclencher les loquets ne lui prit que quelques secondes, suffisamment pour qu'elle ait retrouvé son équilibre et se soit tournée vers lui.

Ce ne fut pas de la peur qui l'accueillie, mais une colère teintée d'incompréhension.

— Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? cria-t-elle avant de se reprendre. Qu'est-ce que j'ai fait ?

D'un mouvement de la tête, il désigna la table et ses bancs parfaitement alignés.

— Assieds-toi, ordonna-t-il platement.

Il n'en fallut pas plus pour que Solange explose ; elle attrapa la première chose qui lui passa sous la main – une miche de pain rassis – et le lui lança à la tête. Marius l'avait déjà vue enragée, mais pas au point de l'agresser.

Dans ses instants les plus incontrôlables, elle s'était énervée contre des objets inanimés, parfois contre elle-même, mais jamais contre quelqu'un d'autre. En tout cas pas au point de faire plus qu'échanger des remarques venimeuses quand on la cherchait un peu trop.

— C'est hors de question ! cracha-t-elle. Pourquoi est-ce que tu m'as emmené comme une gamine devant tous ces gens ?

— Ils sont à moitié mort, Sol, répondit Marius, exaspéré au plus au point. Personne ne se rappellera jamais ça.

Les jolis yeux de la jeune femme s'écarquillèrent un peu plus, au point de manquer de sortir de leurs orbites.

— Ce n'est pas la question, Marius ! Tu n'as aucun droit de me réprimander comme ça !

Effectivement, il n'en avait pas le droit. Le médecin se l'était octroyé lui-même, sans demander l'autorisation à personne.

Auprès de qui aurait-il dû le faire, pour commencer ? Son père ? Ça aurait supposé de demander sa main, de bafouer l'individualité de Solange en usant de tous les privilèges qu'un homme pouvait posséder.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant