Chapitre 24

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Les insomnies à répétition avaient fini par retourner l'esprit de Solange. Elle ne parvenait plus à dormir la nuit et passait ses journées au lit, comme si son horloge interne s'était déréglée et refusait de retourner à la réalité.

Assise sur le matelas, les jambes sagement croisées en tailleur, elle fixait le ciel étoilé à travers la fenêtre qui se trouvait juste en face d'elle. Pour une fois, il n'y avait pas un seul nuage pour lui cacher la vue.

Cela dit, elle n'arrivait pas à apprécier le spectacle. Aucune splendeur ne parviendrait à changer le cours de ses pensées, et encore moins à l'apaiser.

La vérité, c'était que Solange ne savait pas ce qu'elle devait faire. La logique voulait qu'elle se rende immédiatement au poste de police, qu'elle raconte tout ce qu'elle avait vu, qu'elle mettre un terme au règne d'un monstre qui œuvrait dans l'ombre depuis une éternité.

Alors pourquoi est-ce qu'elle restait là, chez elle, à attendre ?

Parce que tu lui laisses le temps de se débarrasser des preuves, ma fille.

Elle n'avait pas revu sa mère depuis l'autre soir, quand elle était rentrée si paniquée qu'elle avait fini par tomber d'épuisement. La petite voix dans sa tête, en revanche, n'était pas forcément d'accord avec tout ce qu'elle faisait.

Solange avait l'impression de devoir faire face à une dualité qui n'avait pas le moindre sens, comme s'il y avait une ancienne et une nouvelle elle.

D'accord, il fallait qu'elle sorte avant de perdre la tête. Avec un peu de chance, le marché nocturne qui se trouvait dans le quartier voisin serait ouvert et lui permettrait d'avaler quelque chose de consistant.

A rester enfermée chez elle, elle commençait sérieusement à manquer de vivres et un peu de viande lui ferait le plus grand bien. Sa consommation avait changé avec son arrivée en ville, bien loin de celle luxuriante de chez ses parents, et la bonne nourriture lui manquait.

Avec un soupir, la jeune femme posa les pieds au sol. Où est-ce qu'elle avait laissé ses chaussures ?

Il régnait un bordel monstre dans son appartement. Même les buches qu'elle avait originellement rangées à côté de la cheminée fumante avaient fini par tomber en un sacré capharnaüm. Et puis il y avait les robes qu'elle avait commencées mais pas finies.

Lire n'avait pas été une option, pas alors qu'elle avait été atrocement agitée au point d'être incapable de rester en place. Coudre, en revanche, lui avait toujours permis de réfléchir correctement, de mener ses projets à bien.

En l'occurrence, Solange en avait commencé quatre différentes, toutes à différents stades d'avancement. Si les images qu'elle avait en tête se décidaient à devenir réalité, ça allait lui prendre de semaines pour les finir.

Oh, comme elle avait envie de se replonger dans sa passion et de ne jamais en ressortir le nez... Ce serait un peu ignorer tous ses problèmes de la plus lâche des manières, mais elle le besoin de juste retrouver un peu de quiétude était salement tentant.

Quitter la ville, retrouver sa famille, reprendre la couture. Voilà ce qu'elle voulait faire.

Sauf qu'elle était coincée à Paris, et pas uniquement à cause de la boutique qu'elle pouvait choisir de fermer du jour au lendemain. Si elle partait, elle mourrait. Même en supposant que Marius lui explique comment produire le remède et qu'elle y parvienne, ça voudrait dire tirer les matières premières de quelqu'un.

Ça serait difficile à expliquer à ses parents.

Ah, ses chaussures ! Comment est-ce qu'elles avaient fini à deux coins opposés de la pièce ? Aucune idée.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant