Chapitre 4

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Ce ne fut que lorsqu'elle sortit dans le jardin intérieur de l'abbaye que Solange put voir si, oui ou non, sa robe était couverte de sang. Habituellement, le tablier de cuir qui la couvrait du cou aux pieds préservait un maximum le tissu, mais pas complètement.

Jamais complètent.

Pour une fois, ça l'arrangeait, cela-dit. Elle pourrait toujours faire peser un accident sur l'autopsie.

— Tu détestes toujours autant porter des vêtements souillés ?

Elle fronça les sourcils, les mains sur les hanches.

— Pas toi ?

— Disons que ma profession est aussi salissante que la tienne. Si je commence à me changer à chaque fois que je me tache, je passerai plus de temps dans ma chambre qu'avec nos patients.

Solange baissa brusquement la tête, espérant que les ombres dissimuleraient la rougeur de ses joues. Pourquoi fallait-il qu'elle l'imagine nu, occupé à laver ses longs membres de la poussière, du sang et de la sueur d'une journée de travail ?

Son esprit avait toujours été du genre à sauter du coq à l'âne très facilement. Et puis son imagination était particulièrement libérée. Cette créativité avait été un atout incroyable dans sa courte carrière de modiste.

Face à un médecin, en revanche...

— Je suis un peu tatillonne là-dessus, je l'avoue.

Avec un petit rire, Marius enleva son chapeau et le posa sur un des bancs de pierre du jardin.

— J'avais remarqué, oui. Tu veux que je te procure de nouvelles robes ?

— Non, c'est bon, je...

Solange perdit ses mots lorsque le masque à bec d'oiseau suivit, révélant un visage à la beauté sauvage qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle ne le voyait pas si souvent, mais chacun de ses traits taillés à la serpe était gravé dans son esprit.

Peut-être même qu'elle les avait immortalisés sur un carnet qu'elle gardait précieusement sous son lit.

Personne n'avait à le savoir.

Ses cheveux d'un blond sale, presque poussiéreux, étaient coupés courts et donnaient une profondeur saisissante à ses iris noires. Une profonde cicatrice traversait sa joue et coupait sa bouche, faisant échos à d'autres, moins profondes et visibles.

Lentement, elle déglutit, tentant de ne pas s'étouffer au passage. Ce que ça pouvait être difficile de ne rien laisser paraître quand il se trouvait aussi proche d'elle, encore plus tête nue ! Elle rougissait comme une enfant, luttait pour former une phrase cohérente et devait en permanence se retenir de le toucher.

Les yeux couverts de noirs de Marius se plissèrent quand il sourit. Même lorsqu'il s'assit, il eut l'air immense, et sacrément intimidant.

— J'ai de quoi faire chez moi, finit-elle par bredouiller. Je vais m'en sortir.

Ce n'étaient que des vêtements, pas de quoi en faire tout un plat.

— Sol.

— Oui ?

— Assieds-toi, tu as l'air sur le point de tomber.

De quoi est-ce que... Oh, oui, ses mains tremblaient, et pas uniquement parce qu'elle était particulièrement incertaine lorsqu'il s'ouvrait comme ça. Maintenant qu'elle s'était concentrée dessus, la douleur qui lui tenaillait le bas-ventre était absolument impossible à ignorer.

D'accord, il était vraiment temps de s'asseoir.

Une crampe ôta à Solange toute envie de garder ses distances pour éviter de se ridiculiser. Elle se laissa tomber plus qu'autre chose à côté du médecin, un gémissement coincé dans la gorge.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant