Chapitre 28

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Calée contre le torse puissant de Marius, Solange tourna précautionneusement une nouvelle page du carnet qu'il lui avait collé dans les mains. Ce n'était pas l'énorme volume qu'elle avait feuilleté dans la crypte, mais quelque chose d'adapté au voyage.

Ou a la prise de note sur le terrain.

Celui-ci n'était définitivement pas organisé. C'était comme avoir droit à une entrevue de ce qui pouvait se jouer dans son crâne au jour le jour. Chaque rature lui donnait l'impression d'avoir droit à une intimité inédite, bien loin de celle qu'il venait de partager.

— J'adore ton écriture.

La main sur sa cuisse s'agita paresseusement.

Solange savait qu'il ne dormait pas, mais la manière qu'il avait de paresser était absolument adorable.

Marius avait rempli la baignoire avec tant d'eau chaude qu'elle avait cru que sa peau allait se détacher de ses os. Il était rentré dans le bac avant elle et lui avait laissé tout le temps du monde pour s'installer à son tour entre ses cuisses.

Depuis, il avait calé son crâne contre le rebord et somnolait sans jamais cesser de la toucher. Une paume contre son sein, l'autre à la naissance de sa cuisse, il gardait le silence depuis, la laissait lire en paix.

— Vraiment, elle est jolie.

— Plus efficace que jolie, si tu veux mon avis, rétorqua-t-il. C'est ma manière de prendre des notes.

Ça se voyait que chacun de ses mots avait été saisi sur le vif. Mais ce qui fascinait le plus Solange, c'étaient les croquis dont les pages recelaient. Il y en avait de toutes sortes, des paysages aux précisions anatomiques, en passant par elle.

Surtout elle.

Ses propres yeux l'avaient regardée bien en face à sa plus grande surprise. Marius l'avait représentée tant de fois que la jeune femme avait découvert de nouvelles facettes de sa personne.

Elle s'était découverte exactement comme il la voyait.

Une page entière était consacrée à ses habitues alimentaires, évaluant les aliments sur trois pour savoir ce qu'elle préférait. En deux ans, ils avaient eu le temps de faire le tour des saisons, sans parler de l'approvisionnement plutôt généreux de l'abbaye.

— Tu aurais pu me demander, tu sais ?

Marius bougea derrière elle.

— De ?

— Ce que j'aimais manger

Avec un baiser sur son crâne, il déclara :

— Je l'ai fait. Je suis juste observateur.

Oh, il l'était. Solange n'avait pas besoin de se plonger dans son carnet pour le réaliser. Il n'était pas vraiment le genre d'homme qui parlait beaucoup, en tout cas pas au-delà du nécessaire. En dehors des ordres qu'il débitait toujours efficacement, il ne se lançait pas dans des discussions futiles.

Cette réserve presque glaciale l'avait beaucoup déstabilisée lors de leur rencontre. Être observée par un homme masqué dont seuls les yeux étaient visibles n'était déjà pas chose aisée, alors quand en plus il ne parlait pas...

Ce léger malaise n'avait pas été réciproque, pas si elle en croyait ce qu'il avait écrit. Marius avait plié dès le premier jour, et rien n'avait changé depuis. A part peut-être la profondeur de ses sentiments.

Elle tourna à nouveau une page, cette fois pour découvrir quatre visages graves, visiblement figé sur le vif. Ce n'était pas un simple croquis comme tous les autres ; les traits simples et superposés avaient laissé place à une scènes d'une profondeur incroyable malgré ses teintes de gris.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant