Chapitre 6

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Marius se faufila par la petite porte qui menait à la crypte, celle où personne ne descendait. Il n'avait pas tardé à réaliser que la plupart des résidentes en avaient une peur bleue, sorte d'héritage que les moines ayant précédemment habité l'abbaye leur avait transmis.

Il n'avait pas cherché à savoir pourquoi, ou comment, mais il avait exploré ce sous-sol.

L'Eglise étant l'Eglise, il y avait une jolie petite réserve planquée dans un coin, mais il n'y avait pas touché. L'argent ne l'intéressait pas le moins du monde. L'espace, en revanche ? Il était plus qu'intéressant, et les murs de pierre si épais que personne ne pouvait entendre ce qu'il se passait ici.

L'humidité qui régnait là en bas était désagréable, même si la fraîcheur ambiante ne le dérangeait pas. Eté comme hiver, la température de la crypte ne changeait jamais. C'était le lieu idéal pour mener ses expérimentations : personne d'autre que lui n'y mettait un pied, et les conditions parfaites étaient réunies.

Juste par précaution, Marius avait recherché et détruit tous les jeux de clés qui ouvraient le lourd verrou de la porter dérobée. Il n'y en avait plus qu'une, bien fixée à sa ceinture, et si lourde que son absence ne pourrait pas passer inaperçue.

Il s'orienta purement grâce à la mémoire dans l'obscurité, la plupart des torches qu'il avait allumées la veille s'étant éteintes depuis. Une seule brûlait encore, et il prit le temps de l'utiliser pour toutes les raviver.

Un à un, les halos lumineux éclairèrent les corps qui gisaient là, tous nus et dans des états différents. Des trois installés sur des vieilles tables de bois taché, deux étaient encore vivants, mais plus pour très longtemps.

Marius ne s'embarrassait plus de sujets vivants sans pouvoir les contrôler. Les chaînes avaient leurs limites, et il ne supportait pas les cris, ni de devoir les immobiliser pour prendre ce que leurs corps avaient de plus précieux.

La femme n'allait pas tarder à rejoindre son mari dans l'au-delà, la faiblesse rendant son corps squelettique. Elle avait survécu étrangement longtemps. D'habitude, le gavage qu'il imposait à ses cobayes les permettait de tenir deux ou trois mois, tout au plus.

En supposant qu'il n'ait pas besoin de les ouvrir trop tôt.

Les sourcils froncés, le médecin jeta un coup d'œil au registre qu'il gardait ici, celui qui ne verrait pas la lumière du jour à moins qu'il ne quitte définitivement les lieux. Il ne comportait aucun nom, juste des numéros accompagnés de dates et d'observation.

Celle-ci... Il la drainait depuis six mois.

— Je serais presque déçu de te perdre, souffla-t-il en abandonnant son bureau improviser pour jeter un coup d'œil à son abdomen. Tu m'as beaucoup donné.

Marius avait mis près de dix ans à créer et perfectionner sa technique. Il avait observé le fonctionnement du corps humain dans tous les circonstances, sain comme malade. Parfois, il avait été à l'origine de la maladie.

Il n'y avait rien qu'il ne connaissait pas, pas un nerf qu'il n'avait pas extrait de sa place pour mieux l'observer. Avec le recul, c'était probablement la chose la plus impressionnante qu'il ait réalisé de sa vie : il avait passé une journée et une nuit entière à disséquer le cadavre de ce soldat dont le cœur avait défailli.

Le temps avait été compté, mais ses mains n'avaient pas tremblé une seule fois. Le spectacle avait été... saisissant. Et instructif.

Le médecin connaissait par cœur chaque organe, chaque muscle, chaque os. Il pouvait soigner la plupart des blessures à condition de les avoir prises à temps. La peste, en revanche ? Cette pute était vicieuse.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant