Chapitre 17

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Marius refusa de regarder derrière lui pour s'assurer que Sol était bien rentrée. Pour une fois, il fallait qu'elle lui ait obéi. Parce que l'homme qui lui faisait face était un foutu cauchemar qu'elle ne méritait pas de connaître.

— Qu'est-ce que tu fais là, Charles ?

Le sourire qui creusa les joues de sa vieille connaissance n'illumina pas ses yeux. Ça n'arrivait jamais ; il était mort de l'intérieur, au-delà de toutes limites raisonnables. Son humanité avait foutu le camp bien des années auparavant.

Quelque part, c'était presque un miracle qu'il tienne encore debout.

— Je cherchais une cible et je suis tombée sur une femme qui ne tarit pas d'éloge pour toi, déclara Charles, les mains dans les poches de son pantalon. Figure-toi qu'elle m'a demandé en mariage alors qu'on parlait de toi.

Agathe...

— C'est le moment où tu m'annonces tes noces et que tu m'invites à l'union.

— Je crains que ce genre de connerie ne soit pas pour moi. Toi, en revanche...

Charles avança jusqu'à se retrouver face à lui, comme s'il n'y avait aucune animosité entre eux, que Marius ne se sentait pas excessivement possessif. Il avait atteint ses limites à cause de l'incompréhension avec Solange.

Une simple provocation et son contrôle céderait.

— Attention, Charles.

Celui qui avait un jour été un camarade, un frère d'arme, haussa un sourcil.

— Du calme, je ne suis pas là pour te voler ton lapin, dit-il tranquillement. Elle est jolie, mais trop innocente pour moi.

— Charles !

— J'ai des yeux, Marius. Je ne vais pas faire semblant de ne pas l'avoir vue pour te faire plaisir.

Non, ça aurait été trop beau. Beaucoup trop beau.

Ils n'étaient pas à proprement parlé amis tous les deux. Leur relation était un peu trop sauvage, un peu trop unique, pour ça. Les deux hommes se ressemblaient tellement qu'ils avaient tendance à vite devenir hargneux quand ils se retrouvaient trop longtemps au même endroit.

En tant de guerre, c'était un atout. Le surplus d'énergie les rendait salement dangereux pour pas grand-chose.

A cet instant précis, en revanche ? C'était dangereux. Pour eux deux, comme pour les personnes qui auraient le malheur de croiser leur chemin.

— Elle est hors d'atteinte.

Charles haussa les épaules.

— C'est noté. Mais je ne suis pas là pour parler d'elle : je me rends à une soirée de la haute ce soir. Tu veux m'accompagner ?

Marius fronça les sourcils.

Ils ne s'étaient pas vus depuis quoi ? Quatre ? Cinq ans, peut-être ?

Charles avait encore plus la bougeotte que lui. Il n'était pas fait pour vivre en société plus de quelques jours par mois, et uniquement quand il le décidait. C'était ce qui l'avait poussé à devenir un homme de main.

Il ne faisait même pas ça pour l'argent, mais pour le plaisir de tuer.

Son héritage n'était pas des plus glorieux, rempli de crimes et d'un bon paquet de morts, pourtant il s'était débrouillé pour se faire une place dans ce monde. Et pour survivre alors qu'une épidémie agressive ravageait l'Europe.

— Comme au bon vieux temps ? demanda le médecin.

— Comme tu dis.

C'était le genre de souvenir que, normalement, on n'évoquait pas. Ce bon vieux temps avait parfois été... sanglant.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant