Chapitre 19

165 46 5
                                    

Une infirmière n'avait absolument rien à faire dans les appartements du médecin. Sauf quand ledit médecin avait foutu le camp pour s'amuser avec la bonne société au lieu de rester auprès des malades pour noter leurs dernières volontés.

En réalité, personne n'avait prévu que l'homme qui était arrivé ce matin allait rendre l'âme dans la journée. La peste avait été bien avancée dans son cas, mais pas suffisamment pour qu'il trépasse avant une bonne semaine.

Solange était passée le voir pour lui donner à boire, tout ça pour le découvrir qu'il avait péri dans son sommeil. Par chance, il avait pu lui dire deux ou trois choses dans la matinée et elle les avait gardées en tête.

Ce qui la menait là, dans la chambre de Marius, à griffonner les dernières volontés de ce patient dans le cahier méticuleusement tenu qu'il avait laissé sur son bureau. Cela dit, elle louchait plus sur la ceinture lâchement déposée sur la chaise à ses côtés qu'autre chose.

Le jeu de clé qui s'y trouvait l'appelait à grands cris, d'autant plus qu'elle savait exactement ce que la plus épaisse ouvrait : la crypte qui se trouvait sous l'abbaye.

— Oh, et puis merde !

Solange referma le cahier dans un claquement et vola le jeu de clé aussi rapidement qu'elle en était capable. Il n'y avait personne pour la voir et tous les couloirs étaient déserts, de toute manière.

Sur la pointe des pieds, elle quitta les anciens appartements de l'abbé et se glissa sur la droite, vers cette porte qui avait toujours été fermée. Elle s'était demandé plus d'une fois ce qu'il pouvait bien y avoir, là en bas, mais sa curiosité n'avait définitivement pas surpassé sa peur.

La jeune femme avait toujours été terrorisée à l'idée de se rendre sous terre. Même la cave de ses parents avait représenté une foutue épreuve quand elle avait été petite. Par chance, ils avaient été bien assez nombreux pour qu'elle n'ait pas à s'y rendre.

Elle jeta un coup d'œil de chaque côté avant de déverrouiller l'énorme verrou métallique qui s'y trouvait. Cette chose était probablement plus ancienne que son arrière-grand-mère, et probablement aussi dure d'oreille.

Son poignet protesta à grand cri avant que le cliquetis de l'ouverture résonne.

Avec un soupir de soulagement, Solange se glissa dans l'ouverture et referma soigneusement la porte derrière elle. Immédiatement, une vague de fraîcheur la fit frissonner. Elle avait beau porter une robe adaptée à l'automne qui tombait doucement sur Paris, il faisait un froid de canard là en bas.

Et particulièrement noir.

Elle déglutit bruyamment, le bruit de sa propre salive résonnant comme un coup de feu dans l'escalier qu'elle descendait lentement, un pas après l'autre. Une main sur le mur pour garder l'équilibre, la jeune femme chercha à tâtons une torche.

Il y en avait pléthore dans l'abbaye, certaines plus primitives que d'autres. Quand, enfin, ses doigts en effleurèrent une, elle retint son souffle le temps d'une seconde.

Craquer une allumette ne lui prit qu'une petite seconde et, l'instant suivant, la torche s'enflammait et illuminait les alentours. Le halo lumineux n'était pas grand, mais suffisamment large pour en mettre d'autres en évidences, fixées au mur à intervalle régulier.

Solange se concentra dessus, laissant les flammes se propager à chacune d'entre elle plutôt que de songer au fais que chaque pas la conduisait un peu plus profondément sous la surface de la terre. Y songer lui donnait l'impression d'être enterrée vivante, d'étouffer un peu plus à chaque seconde.

Hissée sur la pointe des pieds, elle parvint tout de même à sourire en allumant une de celles qui se trouvaient bien trop hautes pour elle. Marius, lui, ne devait avoir aucun mal à s'en occuper.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant