Chapitre 22

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Les mains couvertes de sang, le goût ferrique lui emplissant la bouche, Marius jeta un coup d'œil au poignard qu'il tenait. Ce n'était pas un instrument de médecine ; il n'était ni fin ni précis, et encore moins adapté pour le travail minutieux qui était le sien.

Non, c'était son arme préférée, celle avec il avait tué ses ennemis et protégés ses amis. C'était une bonne lame, il n'y avait pas à dire, et récemment aiguisée.

Elle n'aurait juste jamais dû arriver dans la crypte.

— Sacré carnage.

Tiens, il avait quelqu'un d'autre à tuer. Comme le disons disait : jamais deux sans trois.

— Qu'est-ce que tu viens faire là, Charles ?

— C'est ton petit soleil qui m'envoie.

Le sang plus glacé que les rivières qui coulaient en Prusse, Marius tourna lentement la tête jusqu'à croiser le regard de son vieil ami. Son trousseau de clé en suspension au bout de deux doigts, il l'agita jusqu'à ce que le métal cliquète.

Charles ne fit pas l'erreur d'avancer trop près. En réalité, il resta au niveau des escaliers, posant lourdement son cul sur une marche, toute son attention rivée sur le spectacle qu'il avait créé sans réellement y penser.

L'esprit du médecin avait été aux abonnés absents dès la seconde où Solange était sortie de chez lui. En une seconde, tout ce qui faisait de lui plus qu'un animal avait disparu, remplacé par une soif de sang qui l'avait pris à la gorge.

Il n'avait pas seulement eu besoin de tuer ; il avait eu besoin de faire passer ses nerfs, de relâcher toute cette énergie négative qui s'était accumulée au point de le rendre fou. Marius savait comment fonctionnait le corps humain, alors il savait parfaitement comment mettre un terme à la vie de manière rapide et sans douleur.

Ce n'était pas ce qu'il avait cherché cette nuit-là.

Si on venait à lui demander, il mettrait sa sauvagerie sur le dos de l'alcool. Ce serait toujours mieux que d'évoquer son cœur douloureux, à l'étroit dans sa poitrine. Parfois, il avait l'impression qu'il allait s'arrêter de battre, tout ça pour repartir avec une violence qui le faisait tituber à chaque fois.

Marius avait l'habitude de tout contrôler, jusqu'à ses propres émotions. Tout ça ne lui ressemblait pas. En commençant par les corps mutilés qui lui faisaient face.

Il avait massacré ses deux cobayes au-delà de toute compréhension. Ils n'étaient plus reconnaissables, ne possédaient même plus de dents permettant de les identifier à ce stade.

Au moins, le médecin n'était pas devenu totalement fou ; malgré sa rage, il avait pris le temps de brouiller les pistes. Le sang serait une véritable plaie à faire disparaître, mais une fois qu'il se serait débarrassé des corps, personne ne parviendrait à remonter jusqu'à lui.

En réalité, même le meilleur inspecteur en serait incapable s'il en avait fait moins pour couvrir ses traces. La moitié de son protocole était absolument inutile, d'autant plus avec la peste qui courait les rues désormais.

Tout ce que Marius avait à faire, c'était d'ajouter les cadavres à ceux des malades qui avaient péris, et fin de l'histoire.

— Si tu l'as touchée...

— Non, le coupa immédiatement Charles. Elle avait l'air perdue, alors je l'ai suivie. Tu savais qu'elle se parlait à elle-même ?

La main du médecin se crispa sur son arme.

— Je suis resté dehors, soupira son vieil ami. Figure-toi qu'elle voulait revenir pour verrouiller ta crypte. J'ai fait le trajet à sa place.

— Trop aimable.

Vivamus, Moriendum EstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant