Chapitre 96

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Un blanc s'installa lorsque je terminai ma phrase. Que pourrait-on dire face à une histoire comme celle-ci ? Au vu de leurs têtes, je décidai de reprendre la parole.

- Je n'aurais peut-être pas dû vous le raconter. Je ferais mieux de m'arrêter et vous devriez tous aller vous coucher.

- On n'ira pas se coucher sans connaître tout ce que tu as traversé. C'est non négociable, m'ordonna Liam.

- Bien, si vous voulez que je continue, alors je continue. À vos risques et périls.

- T'inquiète pas Ella, on aime le danger nous, sourit Noah.

- Oui enfin pas trop quand même, rajouta Sarah dans tous ses états.

- Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? demanda Ava.

- Ensuite, il a attendu que je puisse me tenir à nouveau pour me faire « reprendre du service » comme il aimait bien le dire. Mais je n'étais plus la même en sortant de cette cave. J'avais perdu tout espoir de pourvoir un jour, m'échapper de de cet enfer qu'était ma vie. J'avais eu mon frère et ma sœur ; morts ou disparus. J'avais eu ma mère ; suicide. J'avais eu Lucas ; envolé. J'avais eu mon bébé ; décédé à la naissance. À quoi pouvais-je m'accrocher dorénavant ? Eh bien à la seule personne qui a toujours été là mais dont je ne vous ai pas encore parlé.

- Ton phare dans la nuit, compléta Lenny.

-  Exactement. Elle s'appelait Lucie, et c'était ma meilleure amie. Ma meilleure amie depuis l'école. C'était volontaire de ma part de ne pas l'avoir évoquée dès le début de mon récit. Parce qu'en fait, elle a toujours été présente pour moi, mais dans l'ombre. Nous étions en maternelle lorsque nous nous sommes rencontrées. Il y avait beaucoup de jeux installés un peu partout dans la classe et j'avais aussi remarqué qu'il y avait quelques personnes de mon âge qui jouaient déjà ensembles. Moi j'avais peur. Je ne bougeais pas. Je me contentais de rester debout, à l'entrée, et d'observer. Comme si j'étais dans ma bulle. Comme si j'étais invisible. Mais non. Elle est arrivée en milieu d'année parce qu'elle avait déménagé. Et quand elle a passé la porte, tous mes camarades de classe se sont rués vers elle. Tout le monde l'adorait avant même de la connaître. Moi j'étais, disons, indifférente. Je ne m'en occupais pas. Mais elle, elle n'avait pas l'air de s'intéresser aux autres qui lui léchaient les pieds. Mon indifférence l'a sûrement intriguée mais comment savoir ce qu'il se passe dans sa tête ? Elle était tellement mystérieuse. Elle est venue me parler. Elle m'a demandé mon prénom mais je n'ai pas répondu. À chaque fois qu'elle tentait une approche, je la rejetais. Un jour, j'en ai parlé à ma mère. Et elle m'a conseillé de lui parler, d'apprendre à la connaître. Je n'étais pas d'accord. À quoi cela aurait-il servi ? Mais j'ai finis par l'écouter. J'ai finis par répondre à ses questions. On a parlé. Beaucoup parlé. Et on est devenues les meilleures amies du monde. Et oui, j'en avais déjà parlé à Lenny. Il nous ait arrivé d'en discuter quelques fois. Excusez-moi de ne pas vous en avoir parlé à vous aussi mais c'était déjà assez dur d'en parler une fois, je ne me voyais pas le faire à plusieurs reprises. Au début, nous étions inséparables elle et moi. Toujours fourrées l'une avec l'autre. Mais quand mon géniteur m'a interdit de retourner à l'école, j'ai cru que ce serait la fin de notre amitié.  Mais non. Nous avons continué de se voir, mais en cachette. Je me rappelle que nous élaborions toutes sortes de plan pour se voir sans que nos parents le sachent. Elle a toujours tout su. Je lui racontais tout. Tout ce qui se passait à la maison. Tout ce dont j'avais peur. Tout ce qui me faisait mal. Et à chaque fois, elle m'a offert son réconfort et sa sympathie. Je n'aurais pas pu rêver mieux comme soutien. Sauf qu'il y a quelques années, lorsque je venais d'atteindre ma majorité, il a surprit une conversation entre elle et moi lorsqu'il a fouillé dans mon téléphone (chose qu'il faisait régulièrement sans que je ne le sache). Et cette conversation le concernait. Elle concernait tout ce qu'il se passait depuis ses débuts avec l'alcool. Elle m'incitait à aller voir la police, à le dénoncer. Et j'avais répondu que j'allais le faire. Je venais de terminer ma journée et je l'ai vu avec mon portable dans ses mains. Et la seule réaction qu'il a eu, c'est de rire. Un de ces rires cyniques qui vous font froid dans le dos. Un de ces rires que font les plus psychopathes dans les films. Un de ces rires qui vous réveille en sursaut la nuit. Il nous trouvait pathétiques. Il savait que personne ne croirait une jeune fille à peine majeure. Alors que lui, il contrôlait tout. Et tout le monde. Il a alors décidé de me punir pour trahison, mensonges et cachotteries. Il adorait énumérer mes « fautes » avant de m'indiquer ma sentence. Trois jours. Trois jours de plaisir pour ses hommes ; trois jours de torture pour moi. Mais je n'étais plus à ça près. À force de me détruire, il a réussit à créer un monstre insensible à la douleur et aux émotions. Je n'ai pas crié une seule fois durant ces trois jours. Pas une seule. Je n'ai fais qu'encaisser, me demandant quand serait la prochaine fois que je me retrouverais entre ces murs de la « pièce de torture ». Sauf qu'il n'a pas aimé ça. Pas du tout. Pour lui, je devais souffrir. C'était inimaginable de ne pas me voir souffrir. Alors il m'a attaché à une chaise. J'étais faible et blessée de partout mais je ne disais rien parce que je savais qu'il détestait ça. Il m'a placé devant une vitre qui donnait sur une pièce mais celle-ci était dans le noir, ce qui m'empêchait de voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Il m'a simplement dit « profite du spectacle ». Pas un mot de plus. Il a allumé la lumière et différentes choses me sont apparues. D'abord, une chaise semblable à la mienne au centre de la pièce. Ensuite, j'ai pu constater que quelques gouttes de sans maculaient le sol en ciment de le pièce. Et puis il y avait quelqu'un sur cette chaise. Je ne l'ai pas reconnue tout de suite, non. Mon œil blessé m'empêchait de voir les traits, pourtant si familiers, du visage de la personne en face de moi. Et puis j'ai vu. Je l'ai vue, elle ; Lucie. Sa lèvre était ouverte et elle pleurait. Quand elle m'aperçut, elle me cria ces paroles que je n'oublierais jamais : « Ella ! Oh mon dieu tu es vivante ! J'ai eu tellement peur ! Ça fait trois jours que tu ne me réponds plus ! J'ai pensé au pire ! Et tu sais quoi ? Je te demande pardon. Pardon, pardon, pardon ! Pardon de ne pas t'avoir crue au début. Quand je pensais que tu exagérais la situation parce que pour moi, il était inconcevable qu'un père puisse faire de telles choses à sa fille. Et, pardon de ne pas avoir agi ! J'aurais dû agir ! Ella je t'aime, je suis désolée ! ». Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Lucie était le genre de fille souriante en toute occasion, toujours à voir le côté positif des choses, même des plus terribles. Alors la voir pleurer de cette manière en face de moi, dans cette pièce froide et glauque, avec le sourire de mon père, qui se trouvait derrière moi, que je pouvais apercevoir dans la vitre ; j'ai su. J'ai su qu'il allait lui faire du mal ; vraiment mal. Il a appuyé sur un bouton et a ordonné, je cite : « vous pouvez entrer, c'est l'heure de la récréation ! Amusez-vous bien. ». J'ai voulu crier à ma meilleure amie de se barrer de cet endroit mais mon géniteur a vite prit le dessus en me bâillonnant, m'empêchant ainsi de prévenir ma meilleure amie. Cinq hommes sont entrés dans la pièce. Elle les a regardée avec terreur. Puis elle m'a regardée moi et mes yeux horrifiés. Et elle a compris. Elle n'a pas crié. Elle a simplement fermé les yeux et m'a adressé ces mots : « je comprends maintenant. Ferme les yeux Ella. ». Même dans cette situation, c'est elle qui a voulu me protéger. Moi, j'étais complètement impuissante derrière cette putain de vitre, une simple spectatrice de ce qui se déroulait dans la pièce à côté. J'ai crié. J'ai crié comme je n'avais jamais crié lorsque ces hommes ont commencé à la violer. Mon géniteur, ce sadique, a rapproché ma chaise de la vitre « pour qu'on puisse mieux voir les détails » et a augmenté la lumière. Tout ce qu'il voulait, c'était me voir souffrir. Et il a réussi. Il avait compris qu'il aurait pu me torturer autant qu'il voulait, jamais une torture quelconque aurait pu me faire mal à ce point. Il savait qu'il devait jouer sur les sentiments. Cet être répugnant est pleins de choses toutes plus péjoratives les unes que les autres mais s'il y a bien quelque chose que je ne peux nier, c'est qu'il est simplement extrêmement intelligent. Lorsque les hommes ont terminé leurs affaires, la lumière a simplement été coupée sur le corps de ma meilleure amie, allongée sur le sol, la respiration saccadée par des sanglots incontrôlés.

Je fis une pause, essayant de calmer ma respiration en même temps d'ignorer tous ces souvenirs qui revenaient comme des flashs devant mes yeux. Alessio serra ma main un peu plus fort et Iris m'apporte un verre d'eau que je bu d'une traite. Je ne m'étais même pas rendue compte que ma gorge était à ce point desséchée. Je la remerciais puis continuai.

- Après ce passage qui est l'un des plus affreux de toute mon existence, il m'a simplement enfermé dans la cave, pièce qui était quasiment devenue ma propre chambre. J'y passais plus de temps que dans la vraie. Mais cette fois-ci, je ne voulais pas simplement attendre qu'il veuille bien me libérer. Je devais voir Lucie. Je devais savoir comment elle allait. Je devais savoir si elle était en vie ou s'il l'avait tuée juste après. Ce dont je doutais étant donné que, le connaissant, il aurait voulu que je sois témoin de sa mort. Il fallait que je la vois. Alors j'ai attendu trois jours, le temps que je reprenne quelques forces pour élaborer un plan d'évasion. Je suis sortie le quatrième jour. Lorsque l'un des gardes de mon père est entré pour me donner une gamelle d'eau sale et usée, j'ai fais semblant d'être endormie. Mais il faut toujours se méfier de l'eau qui dort et c'était tout ce dont j'avais pour m'en sortir. C'est une des nombreuses choses que j'ai apprises durant ces années. Lorsqu'il s'est approché de moi pour vérifier que mon cœur battait toujours, j'ai pris sa tête et l'ai assommé en la cognant contre le mur d'en face. Mais cela n'a pas suffit donc j'ai dû mettre en place quelques techniques d'auto-défense que j'avais moi-même développé. Quelques coups bien placés et voilà que je réussis à lui prendre son arme. C'est donc avec deux balles dans la tête que ce garde finit. Croyez-moi, quand cela concerne une personne que j'aime, ne vaut mieux pas se mettre sur mon chemin. Durant ces quatre jours, j'avais bien eu le temps de nourrir cette hargne qui guidait maintenant mes mouvements. C'était la première fois que je tuais quelqu'un. Sur le coup, j'ai failli regretter. Mais quand je me suis rappelée qu'il avait fait parti du groupe de mes premiers « clients », la culpabilité est bien vite repartie. Je vous l'ai dis, il a créé un monstre. J'ai pris le silencieux de l'arme sur sa ceinture et je suis sortie discrètement de ma cave. Bien sûr, j'avais attendu que mon géniteur soit à l'extérieur pour mettre en œuvre mon plan. Et en fait, le reste du plan constituait à tuer toutes les personnes qui essaieraient de m'empêcher de rejoindre ma meilleure amie. Alors j'ai tué tous les gardes ignées que j'apercevais. L'un d'eux avait réussi à tirer une balle qui m'avait effleurée mais je n'en avais pas pris compte, il avait finit par mourir avec les autres. La seule chose que je voulais faire avant de sortir, c'était assouvir les pulsions qui grandissaient en moi. Alors j'ai réuni les cinq hommes qui avaient oser touchée Lucie. Je ne me rappelle plus trop comment j'avais réussi à tous les faire s'accroupît devant moi, mais c'est une vision dont je veux me rappeler. Enfin bref, après les avoir fait se noyer une bonne dizaine de fois, leur avoir tranché la chair, j'ai finis par les laisser mourir brûlés vifs. Il paraît qu'il n'y a pas pire mort. Alors c'est que ce qu'ils méritaient. J'ai fais cramer la maison, et tous ceux qui y étaient encore.

- Okay Bella, je te jure que je ne te réveillerais plus jamais à six heures du matin un dimanche, c'est promis. Et je te laisserais les dernières chips aussi.

La remarque de Noah nous fit quelque peu sourire. Je vous le conseille, ayez un Noah dans votre vie. Parce que je crois qu'un certain étonnement s'était emparé de mes amis, le récit ayant prit une tournure que personne ne croyait possible. Quelque chose d'assez surprenant en fin de compte.

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