Étape 21

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Dimanche 21 Avril

Paillé / Les -Eglises-d'Argenteuil / Vervant / Saint-Jean-d'Angely :
26 kms 470 - (551 kms 190)


     - Bonjour !

     Personne ne me répond.

     - Bonjour... !

     Décidément,  ce doit être une spécialité de la région mais le patron du café dans lequel j'envisage mon petit crème, est aussi aimable que l'autre boulangère d'hier. ici, tu claques ton pognon et tu la fermes. ici, on ne cire pas les pompes des clients. On les lui met dans le fion s'il a quelques remarques à faire. Enfin, à ceux qui viennent d'autre part parce que je n'ai pas besoin de décodeur pour m'apercevoir que les habitués sont logés à meilleure enseigne, mais je ne vais pas fairte ma mauvaise tête pour essayer de changer les cons. je ne suis pas habilité à cette tâche et je n'en ai rien à faire. J'ai très bie dormi, suis de très bonne humeur et une belle journée m'attend encore.

     J'enchaine les petits villages d'une campagne qui ne cesse de me transporter par ses joliesses et me permet aussi de constater qu'en plus d'être balbutiants, les charentais n'ont pas non plus le même système mètrique qu'en "France". Lorsqu'on vous dit que vous êtes à cinq kilomètres de tel endroit, comptez-en dix. Cela vous évitera bien des désillusions.

     Je suis depuis un ou deux jours sur une voie romaine. Un des réseaux routiers construit par les romains eux-mêmes, dont on date le premier en 400 avant Jésus-Christ. des voies favorisant l'expansion du commerce mais aussi l'invasion des Huns, des Wisigoths et des Ostrogoths. ce sont aujourd'hui des voies de randonnées sur lesquelles il est très agréable d'aller et j'ai un petit coup de coeur pour la commune de Vervant, d'autres toutes aussi charmantes. Je m'accorde alors une petite halte sur le rond-point à l'entrée de saint-Jean-d'Angely qui elle aussi est une ville historique puisqu'elle fut la demeure des Ducs d'Aquitaine. Lorsqu'on traverse la France de haut en bas, comment ne pas parler d'histoire alors que nous sommes dans un pays fait que de cela. L'histoire avec un grand "H".

     J'ai quand même une petite pensée pour ceux que cela ennuie mais c'est un pèlerinage que j'entreprends. la tournée des cathédrales, des basilliques et autres églises. Une descente dans les villages du moyen-âge et non pas la tournée des maisons closes avec arrêt-buffet au One-Two-two en hommage à Lulu la nantaise.

     Je me grille donc un cigare sur le rond-point quand déboule Richard sur son VTT, à fond sur les pédales. Il est tout en sueur, peut-être aussi à bout d'effort.

     - J'appelle les secours ou ça va aller ?
     - Pas besoin, sauf si Leïla Bekhy se déplace pour un bouche à bouche.

     Ca nous fait rire et nous nous rendons ensemble dans le centre ville, distant d'un kilomètre pour y faire terrasse. La sympathie pour un autre ne se commande pas. Cela se sent comme quand on tombe amoureux de quelqu'un que l'on croise. Un coup de coeur inéxplicable.

     Richard est un homme d'affaires venant de tout perdre. Une boîte de nuit et un restaurant. Une belle escroquerie d'un associé véreux à qui il est obligé de tout revendre pour une bouchée de pain. Je ne comprends pas pourquoi mais je compatis. Il a besoin d'en parler et je le laisse entrer dans les détails. Je lui répond oui, oui, lui fais des signes de tête entendus. je comprends surtout que ça lui est très difficile. Il me le dit, s'avoue même déprimer mais il se bat.Du moins il essaie car il ne sais plus où il en est et surtout quoi faire de sa vie. peut-être partir aux Caraïbes et revenir à un métier plus manuel. Travailler le bois est ce qu'il a appris dans une autre vie. Il se verrait bien réparer de vieux bateau. En tous cas partir de France. Voir comment sont les hommes ailleurs...

     Nous nous séparons avec le jour qui se fatigue. Il lui reste une quinzaine de bornes avant d'être chez lui. moi, il me faut trouver un coin tranquille où planter ma toile et j'ai bien peur que ce ne soit pas si simple. La nuit ne va pas tarder, aussi je ne prête que peu d'importance au caractère typique des ruelles de la ville et trotte comme je peux vers un peu plus de verdure.

     Force est de me rabattre sur la discrétion d'un parc public. je n'ai plus le temps de cavaler plus loin, ni l'envie. Un parc est un parc et il est bien difficile de s'y mettre en retrait. J'y vais donc encore au culot et advienne ce qui pourra. Je me mets derrière des troènes en remerciant le fait que ma tente soit de couleur verte et pas rouge ou bleue.

Au bout du chemin : Compostelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant