Étape 42

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Dimanche 12 Mai

San-Sebastian / 9 kms avant Orio :
26 kms 950 - (1052 kms 790)


     Ce matin en sortant de ma tente, je m'aperçois qu'il y a des dizaines de limaces qui s'y sont agrippées. Je m'attendais à mieux pour mon premier réveil ibère. Pas forcément à un plateau avec des oeufs à la coque ou brouillés, des tranches de lard frits et un jus de pamplemousse mais à quelque chose de moins "gastéropodique". de moins repoussant. C'est simple, je trouve ça juste dégueulasse comme bestioles avec leurs grandes traînées de bave rutilant au soleil. Il y a sûrement une utilité à cet étalage de mucus mais pourquoi sur ma tente, bordel ? Il est vrai que j'aime les animaux, je ne vais pas revenir là-dessus mais comme dans tous les domaines, j'ai mes limites et là, nous y sommes.

     San-Sébastian qu'on appelle aussi "La perle du Cantabrique" est encore loin. C'est la capitale de la province du Guipuscoa. Une des trois provinces du pays basque espagnole. Je suis toujours sur cette nationale qui je ne sais comment, se transforme par magie en autoroute avec des tronçons à cinq voies.

     Comment ai-je pu me retrouver dans une telle situation sans avoir vu le moindre panneau signalétique ? Je veux bien concéder que je ne parle pas un mot d'espagnole, hormis les plus gros gros-mots, mais je peux encore décrypter un dessin. je ne suis quand même pas devenu con-con en une seule nuit ? Si... ?

     Quoiqu'il en soit, je ne suis pas fier du tout et ai les miches bien sérrées. Je cavale ce que je peux pour me sortir de là. Environ sur quatre kilomètres lorsque j'aperçois enfin en contre-bas, une poignée de maison que je m'empresse de rejoindre. je passe sur le fait que pour cela, je dois escalader un grillage de deux mètres avec mon sac cloué au dos. Dévaler une pente parsemée de ronces et d'orties à mi-hauteur d'homme. Je vous rappelle aussi à toute fin utile que je suis en pantacourt qui n'est pas loin d'être un short.

     Voilà ! J'ai les mollets et le bas des cuisses déchirés, mais suis sauvé...

     Il n'y a pas 24 heures que je suis là et je peux déjà dire que l'Espagne est vraiment un pays où l'on pratique le vélo de route. Partout, il y a des gars qui s'entraînent et je comprends mieux maintenant pourquoi les hispaniques sont toujours présents dans les épreuves de montagne sur les routes du tour de France. Ils y vont les gaziers et sur de gros braquets. Moi qui ai un peu pratiqué, j'ai honte à le dire tant ils grimpent avec aisance et style ce que j'appelle des murs.


-2-

     J'arrive enfin à San-Sébastian après avoir traversé quelques faubourgs de HLM et je découvre une très jolie ville balnéaire. Je suis d'abord frappé par la beauté de certaines façades d'immeubles qui n'ont rien à jalouser aux bâtisses haussmanniennes. Je tourne à droite. A gauche. Au hasard des ruelles de la vieille ville. je manque de curiosité pour la Basilique de Santa-Maria sur laquelle je me promets de revenir tout à l'heure mais pour le moment, j'ai trop faim. Il faut que je mange. Tant que ce ne sera pas fait il n'y aura rien à tirer de moi. Ca me vient comme une poussée de fièvre. Un mal de dents...

     Pour mon bonheur, les bars ne manquent pas. Des bars à tapas. le paradis des fameux "Pintxos" ; ces petits canapés garnis de tout et de deux fois rien que je ne connais pas mais j'y suis comme un gosse dans un magasin de jouets. Un gosse dans une fête foraine. les comptoirs débordent de tartines, de petits pains ronds et de petites brochettes à m'en faire tourner la tête, tant la multitude de choix est incroyable. Presque déraisonnable, éclatant de mille feux comme les pierres précieuses d'une caverne d'Ali Baba étalées ici, empilées là ou encore exposées comme des rivières de diamants.

     On parle de tomate. De poivron confit, de charcuterie et de poisson. de fruit de mer, d'oeuf et de pomme de terre. de fromage. le tout sublimé par les meilleures épices subtilement parsemées. Safran, paprika et poivre de Cayenne ou encore de curry... Un peu de persil, une pointe d'ail... Il y a aussi les "empanadas" ; Ces petits chaussons fourrés de viandes hachées ou de thon. de légumes émincés... La "Tortilla de patata", cette omelette de pommes de terre et d'oignons... Et c'est comme ça dans tous les bars.

     Si Véronique et moi vivions-là, nous aurions vite fait de devenir obèses parce que s'il est un des péchés capitaux que nous pratiquons sans aucune modération, c'est bien celui de gourmandise. J'accompagne ces merveilles d'un verre de cidre qu'ils servent à la façon dont les arabes  versent le thé à la menthe. En prenant de la hauteur. Je me ressers de deux-trois mignardises. Encore un coup de cidre et je me botte les fesses pour quitter les lieux ou je vais mourir ici.

     J'en oublie la Basilique machin et rampe jusque la baie de la Concha pour reprendre mon chemin. On voudrait que cette baie fasse partie des plus belles au monde, ce qui pour ma part serait une vérité car elle n'est en rien moins admirable que celle de Copacabana. Derrière la plage de Zurriola, c'est une enfilade de deux autres plages ; La Concha sur laquelle je suis et l'Ondarreta, le tout d'une longueur de deux kilomètres. Face à ces deux plages, l'île de Santa-Clara distante d'un millier de mètres mais je ne suis pas là pour faire trempette. J'ai encore à marcher.

     Dès la deuxième plage, on part pour des kilomètres de montées. Ca grimpe tout ce que ça peut, sans aucune pitié mais le paysage est merveilleux. Si tout à l'heure j'ai le coeur qui a battu pour la baie, vu d'en haut j'en suis maintenant amoureux et je me fiche bien d'avoir les jambes en feu par toute cette grimpette. C'est à couper le souffle. Je retire tout ce que j'ai pu penser de négatif hier. L'Espagne est un sacré beau pays que je souhaite découvrir davantage.

     Je me dois de marcher plus longtemps aujourd'hui afin de boucler mon quota de kilomètres et ce n'est qu'en début de soirée que je m'autorise à poser mon sac en pleine forêt. Je n'ai pas d'autre choix que de pendre mon hamac à un pas du chemin parce que d'un côté, c'est extrêmement pentu et de l'autre ça tombe à pic dans la ravine. En sachant qu'un hamac se retourne comme un rien, j'espère seulement que je n'aurai pas le sommeil trop agité...

Au bout du chemin : Compostelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant