Étape 41

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Samedi 11 Mai

Socoa / Hendaye / Irun / 13 kms avant San-Sébastien :
24 kms 590 - (1025 kms 840)

     Il a plu toute la nuit et ce matin encore ça tombe. Je me réveille sur le texto de mon ami Gilles qui suit mes avancées religieusement :

     "Bientôt l'Espagne ! Grouille toi d'arriver ; Le pinard et les putes y sont moins chers..."

     j'entends d'ici les associations féministes hurler aux sacrilèges et vouloir nous passer par les plumes et le goudron. Nous traiter de gros beaufs de machos juste bons à être émasculés mais moi, c'est cet humour-là qui me fait rigoler et j'emmerde la nouvelle bien-pensance qui trop souvent prend des allures d'inquisiteurs. Des dictateurs de l'intelligeance. Oui ! Dix fois oui ! Ca me fait rire à me plier en deux.

     Sur ma droite, j'ai l'océan atlantique nord allant chercher la mer des Sargasses, la mer des caraïbes et l'Île de Terre-Neuve. Le Golfe du Saint-Laurent caressant la mer du Nord, la mer de Norvège et la mer du Labrador jusqu'au Groenland pour flirter avec le tropic du Cancer, l'équateur et le tropic du Capricorne. Plus bas au sud, les côtes brésiliennesd et argentines se mettant au lit entre le Cap-Horn et le Cap de Bonne-Espèrance. les embruns du large se mêlent à la pluie et aux parfums de ce qu'il y a de plus iodé en matière d'eau, pour ne laisser sur mon visage que son sel, m'encourageant à ne rien lâcher. Nevr Give-up ! Le cri des mouettes et celui des Goélands me soufflent leurs odes à la liberté.

     Sur ma gauche, des kilomètres de Lande où le bonheur des genêts et des bruyères, ainsi que toutes les espèces d'Ajonc n'est plus à sous-estimer. Une flore endèmique me rappelant celle des côtes Ecossaises et des côtes irlandaises, mais c'est bien en france que je suis et comme pour souligner le relief esquinté de ce coin de monde, un ruban d'asphalte prenant le nom de départementale s'enfonce dans mes Pyrénées...

     Face à moi, un horizon où se confondent les nuages et la montagne. Ce sont des déclinaisons grises. Des camaïeux aux reflets de palettes dont les pigments seraient mélangés par des maîtres de la peintures hollandaise tels que Jacob Van Ruisdael ou vermeer. L'orage est là-bas qui peut-être me cherche. En tous cas, il s'avance dans ma direction comme pour me dire que je peux venir mais qu'avant cela, je vais devoir le mériter.

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   J'entre en Espagne à 13h37 en traversant la Bidassoa par le Pont Saint-Jacques à irun. Plus de 1000 kilomètres d'envoyés par le petit bonhomme que je suis. 1000 bornes d'un trait. Presque toute la France dans sa longueur la plus grande à pied. A Pince. Sur mes deux guibolles de serin. Mes pattes de poulet...

     J'aimerais partager cette arrivé avec un proche tant je n'en reviens pas moi-même d'avoir tant marché, mais je n'ai que ma solitude pour témoins de l'émotion qui m'envahit. J'essaie d'appeler Véronique mais elle n'est pas disponible. Tant-pis... Le ciel est gris. Gorgé d'eau. Prêt à se répandre et comme lui, je dois me reprendre pour ne pas verser quelques larmes...

     Je ne fais pas dix mètres derrière la frontière qui n'en est plus une qu'un dealer vient m'accoster ;

     - Tu veux du shit ? de la beuh ? De la coke ? J'ai ce que tu veux.

     C'est un petit jeune d'une vingtaine d'années à la tête de rat. Je passe en un millième de seconde du calme à la colère. Je ne supporte pas qu'on vienne me proposer cette merde et je cherche à le provoquer :

     - Si ta soeur est disponible, je suis assez en forme pour passer du temps avec.

     Ses yeux virent au meurtre? J'entends son sang bouillir dans ses veines mais il en reste là et c'est tant mieux parce qu'il y aurait eu pas mal de poussière avec nous deux qui faisons le même gabarit. J'ai toujours aimé la bagarre et si aujourd'hui je ne lève plus la jambe comme Van Damme et que je souffle comme un taureau pour un oui ou pour un non, je n'en suis pas moins dangereux. Je ne frappe plus pour faire mal mais pour démolir. Le plus rapidement possible. N'ayant plus de cardio, cela doit-être expéditif. les dealers me fouttent la gerbe et ça ne m'aurait pas dérangé de me taper avec cet étron mais je dois le dire ; Je serais aller à ma perte parce qu'il n'est pas le seul revendeur sur le pont et ses environs. Ils sont en fait toute une armada.

     Sans aucune transition, je passe du merveilleux aux bas-fonds et c'est sans grande motivation que je me dirige vers le centre de la ville. Il y a d'ailleurs un grand nombre de personnes qui semble à la dérive et proche de la clochardisation. J'en ai perdu l'habitude et je trouve cela très agressif. Bien évidemment, je n'ai rien contre ces êtres démunis. On pourrait même me prendre pour l'un d'eux car je suis à la même enseigne. A la différence que j'ai dans ma poche une carte bleue qui à tout instant, peut me sortir de cette condition choisie. Une différence de taille...

     Je suis un peu dérouté par l'accueil de ce pays dont je n'ai pas les codes et vais devoir me mettre à la page rapidement. Pourtant je ne suis qu'en espagne alors que j'ai crapahuté en Indes et en Chine pour ne parler que de ces destinations. Moi qui me faisais un joie réelle d'arriver, j'avoue que je suis déçu des premiers instants passés sur son sol. je fête tout de même mon arrivée en allant manger chaud dans une petite gargot. Histoire de marquer le coup mais mon assiette a aussi triste mine, bien que la serveuse se soit démenée pour me faire plaisir.

     Une fois n'est pas coutume, je me perds en sortant du bouis-bouis. Impossible de retrouver le chemin de Compostelle. Alors je le continue sur la nationales de San-Sébastian en louant le fait qu'elle possède une piste cyclable, parce que les voitures déboulent à vive allure.

     Contrairement à la France, le bivouac ici est interdit et je peine à m'installer. je n'ai pas du tout le moral mais je sais que je vais me reprendre. Si j'ai un pied en espagne, je n'en connais rien.Ca ne peut que s'améliorer vu que j'ai commencé par le pire. je dois rester optimiste et attaquer la deuxième partie de mon périple avec le même enthousiasme que la première.

     Mettons-nous là et je verrai demain. Là ? C'est dans la courbe d'une rocade, au milieu des bosquets et des hautes herbes...


    

    

 

Au bout du chemin : Compostelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant