Étape 24

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Mercredi 24 Avril

Les-Gonds / Saint-Léger / Pons :
24 kms 480 - (615 kms 710)


     j'ai sans doute bu trop de café la veille et à 03h00, j'étais encore à aligner des bonbons verts ou rouges sur mon téléphone pour passer les niveaux. Au moment de me lever je me serais bien laissé faire à m'endormir. le vent et la pluie sont toujours de la partie. J'entends que ça s'en donne à coeur joie derrière la fenêtre et le volet que je dois laisser fermer. Je démonte mon lit en repliant draps et couvertures que je dépose sur le matelas. Je range la cuisine et verrouille la porte d'entrée, puis glisse la clef dans la boîte aux lettres. Cela a été convenu ainsi puisque je pars avant la venue de Lucille.

     Ce n'est pas facile de s'engouffrer sous le mauvais temps. Il faut se botter les fesses et ne pas trop réfléchir. Souvent, la pluie m'amène des images de l'époque à laquelle j'étais enfant. Pas bien grand, une douzaine d'années. Je traversais alors ma ville chaussée de bottes en caoutchouc pour me rendre à l'école. J'adorais les mettre et tout le long du chemin, je recherchais les flaques d'eau les plus profondes pour les traverser d'un pas de paysan foulant ses terres. Aujourd'hui ce sont des plaines que je foule ce qui m'oblige à plus d'effort parce que je suis à découvert. Pas d'arbre, pas de bâtisses pour me protéger des rafales qui me fouettent le visage. Si ce n'est pas la pluie essayant de faire mentir ma veste prévue à cet effet, ce sont les bourrasques de vent qui testent ma verticalité et c'est vraiment usant.

     Sur la commune de Saint Leger, j'ai la surprise de croiser une station pour pèlerins établie dans une sorte de grange en pierres apparentes complètement restaurée à neuf. En signe de bon accueil et pour nous inviter à entrer est inscrit sur son fronton : "Pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, bienvenue à Saint-Léger 17800. Prends ta halte avec un instant de repos. Poursuis ton chemin. Bon courage et bon souvenir". L'intérrieur est fait de pierres sèches. Au sol, des graviers blancs. Une table rectangulaire assez grande pour 5 ou 6 personnes avec des bancs. Une autre ronde. Dehors, un robinet d'eau potable. Mais quelle bonne idée ! Quelle gentillesse que cette main tendue vers nous pour nous réconforter et nous encourager ! Je m'adresse ici à la ville de Saint-Léger, vous qui savez combien cela nous fait chaud au coeur. Combien cela peut nous regaillardir ;  Merci à vous tous !

-2-

     Il ne reste plus grand chose de la forteresse des Sires de Pons mais son donjon quadrangulaire de 30 mètres de haut n'en est pas moins l'emblème de cette ville. Richard coeur de Lion s'est battu à ses pieds. Les armées de Louis XIII y ont sévis et il est toujours là comme une tour de guet. Une vigie sur la vallée de la Seugne.

     Pons est ma ville étape et je m'y ravitaille comme je devrais le faire à chaque fois. Après être monté sur les hauteurs de la ville, je reviens dans la ville-basse et tout près de l'église Saint-Vivien, je fais la connaissance du fameux rond-point de Pons sur lequel cinq marcheurs en simili bronze sont scellés en direction de Saint-Jacques de Compostelle. Cinq pèlerins né du talent de Jean-Luc Plé. Cinq pèlerins très certainement pressés d'arriver à l'hopital-neuf, appelé aussi Hôpital des pèlerins, érigé au XIIe siècle dans lequel les nécessiteux, les malades et les marcheurs trouvaient assistance.

     On y entre par un grand porche vouté dont les portails sont ornés de nombreuses sculptures, de colonnades et de chapiteaux. Les murs sont creusés de graffitis médiévaux. je souhaite y faire tamponner mon carnet. L'accueil est tenue par une toute jeune femme qui pourrait bien être une étudiante se faisant hôtesse pour arrondir ses fins de mois.

     - Vous avez réservé quelque chose, un hébergement pour ce soir ? Me demande-t-elle.
     - Non, je dors dans ma tente.
     - Il y a un pré juste derrière le parking. Allez-y. Vous y serez tranquille.
     - Cela est permis ?

     Elle me regarde en souriant et je comprends que je fais bien de poser la question ;

     - Quand il fait mauvais temps, beaucoup de choses le sont. J'ai déjà vu des gens y passer la nuit et jamais on est venu les déloger.
     - D'accord. Je vais suivre votre conseil et je vous en remercie.

     Je termine à peine d'installer mon bivouac quand la pluie redouble d'intensité, aussi je me calfeutre sous la toile. Il n'est pas bien tard. 17h45 mais c'est pour moi une fin de journée. Même si je suis encore alerte, je n'ai rien à faire d'autre dehors que d'attraper la crève, alors je me résigne à sortir saucisson, jambon blanc et pain de mie. Il est temps de fermer boutique. Manger un bon bout et me refaire la cerise en croisant les doigts pour qu'il fasse meilleur demain. D'après une frise que j'ai lu sur un mur de l'hôpital, je suis encore à 1183 kms de Saint-Jacques.

Au bout du chemin : Compostelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant