Étape 43

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Lundi 13 Mai

Orio / Zarautz / 2 kms après Getaria :
23 kms 520 - (1076 kms 310)


     J'ai envie de grâce matinée mais peut-être est-ce l'effet hamac dans lequel je me berce depuis que je suis réveillé. Le soleil n'est pas encore sur mon visage et je me promets de me lever lorsqu'il y sera mais pour l'instant, je suis en pleine conversation avec un rouge-gorge assez hardi.

     Est-ce le même que celui d'hier soir avec qui j'ai partagé quelques miettes ? Je ne suis pas si spécialisé dans les oiseaux pour m'avancer mais il a en commun la malice et la curiosité. le courage dois-je ajouter car il s'approche bien prêt. Il sautille à deux ou trois mètres, sachant me faire comprendre qu'il mangerait bien quelque chose. Ca tombe bien. Il me reste un pain rond pour hamburger que j'avale avec lui. Je crois qu'il aime ça aussi puisqu'il reste jusqu'au bout et ne s'envole qu'à la fin. vers où ? Vers sa liberté et je l'en remercie parce qu'il a contribué à ma bonne humeur du jour.

     Le chemin menant à Orio est très escarpé, qu'il soit dans les bois ou les prairies où paissent des troupeaux de moutons et de chèvres. L'avancée n'est pas si simple parce qu'on marche sur de la pierraille mais le paysage est encore très beau, si ce n'est que ça grimpe tout le temps et losrque ça descend, c'est juste pour vous préparer à la montée suivante. Ca grimpe pour aller à orio. Ca grimpe pour Zarautz et ça grimpe pour Getaria. En fait ça grimpe tant et tant que je devrais déjà être arrivé au ciel mais je m'accroche et ne me laisse pas faire.

     Je m'aperçois que je n'aime pas davantage les descentes que les montées parce qu'alors, vos articulations sont mises à mal et à chaque fois que votre pied repose à terre, cela résonne dans tout le corps.

     Depuis hier je croise beaucoup plus de marcheurs, à croire que nous sommes en pleine procéssion de pélerins mais il est vrai que beaucoup partent d'Irun. Pour certains, je leur trouve quelque chose d'arrogant dans l'attitude, de conquérant à la manière des colonisateurs d'antan. Ils ne vous accordent pas la moindre attention et n'ont pas la moindre politesse. d'autres se donnent le genre de tout savoir sur le chemin. Des professeurs de mes couilles se chopant le melon parce qu'ils savent différencier un radis d'une betterave mais bien incapables de dormir à la belle étoile.

     En fin de compte c'est comme dans la vie, avec les mêmes catégories de gens. Il y a ceux avec qui il est envisageable de se lier et les autres. J'imaginais qu'il en serait autrement, que les personnes rencontrées auraient plus ou moins les mêmes valeurs que les miennes mais non. Pas du tout. Peut-être cela vient-il de moi, que je prête trop d'importance à ce qui me semble être négatif mais tel est mon ressenti et cela ne m'aide pas à avoir envie de partager quoique ce soit avec mes collègues de godillots.

     Dans le nombre, je recroise Thierry et Maarten que j'avais rencontré sur le pont de Bayonne. Ceux qui cherchaient à acheter une paire de souliers. Je ne pensais pas les recroiser et ma surprise est grande mais ainsi est le chemin. Il fait et défait ce que bon lui semble. Eux sont dans la case des envisageables. Je les ai tout de suite eus à la bonne et j'ai vraiment plaisir à les revoir. Je leur demande s'ils ont les nouvelles chaussures de Maarten.

     - Oui, me répond Thierry. De quoi aller au bout du monde. Et toi, pas de souci ?
     - Ca va... j'ai un des oeillets qui a cédé mais je l'ai bricolé en perçant le cuir à sa hauteur pour y passer mon lacet. Ce n'est pas trop mal sauf que maintenant, le lacet est directement en contact avec le dessus de mon pied. A force de frottement cela me blesse mais ça va aller. C'est supportable. Je vais y remédier...

     Je passe sur le fait que je me suis mis un nouveau défi en tête ; Celui d'aller au bout avec ce que j'ai, sans ne rien remplacer en route. Juste bricoler ce qu'il faudra. Je sais que c'est bêta mais que voulez-vous, je ne vais pas me refaire...

     - Pas d'ampoule, reprend-il ?
     - Rien. Je me masse tous les soirs les pieds avec une pommade et je crois que cela me protège bien.

     Nous parlons le plus souvent en anglais pour que Maarten soit de la conversation mais sans savoir pourquoi, je m'adresse presque toujours à Thierry qui traduit pour moi ce que j'ai du mal à exprimer. Peut-être suis-je paresseux mais je n'en considère pas moins le camarade hollandais qui me plait bien aussi. Nous nous saluons et reprenons chacun nos allures de cheminement.


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     Depuis Irun, je suis sur le chemin du Nord. On le dit plus physique et plus sauvage que le chemin Français qui lui démarre à Saint-Jean--Pied-de-Port en France. Le chemin du Nord est de loin le moins emprunté. Il l'est encore beaucoup trop selon moi mais je vais m'y faire.

     Dans les villages espagnols, les ruelles sont étroites afin de ne pas laisser s'engouffrer le soleil et garder ainsi une certaine fraicheur. C'est plutôt bien gambergé. En tout cas très agréable lorsque la chaleur vous plombe au sol. Dans les bars ici et là, tout le monde s'apostrophe en rigolant. les hommes commes les femmes sont à pareil enseigne...

     L'océan n'est jamais bien loin. Parfois visible. D'autres, derrière une prairie, un bois ou une colline mais partout, on le sent présent. Il y a aussi des vaches, des moutons et des chèvres sur chaque parcelle parsemée d'herbe. J'adore !

Au bout du chemin : Compostelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant