Discuter, baiser, rire, dormir, dormir, dormir...
Felix va avoir dix-huit ans bientôt, l'impression que le temps passe trop vite, file à une vitesse ahurissante. Il faut grandir. C'est quand même compliqué quand on est encore qu'un adolescent paumé...
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J'ai toujours vu le monde en train de brûler, m'étouffer.
Ils dansent et dansent et dansent, le jour attendra encore un peu. Ce soir c'est la décadence, le laisser aller. Pourquoi se prendre la tête quand le monde n'a jamais vraiment été en feu ? Ce soir il n'y a pas assez de place pour hier, on s'en souvient, bien sûr, mais pas trop non plus. Ce soir, c'est les rires, c'est les gens, c'est ce monde qu'on ne regarde pas assez, c'est des bras et des chants. C'est les verres de vin et les regards euphoriques. C'est un peu de nous et un peu des autres.
Je me suis toujours dit que rien ne valait vraiment la peine. Ni même ma vie.
Felix rit aux éclats, ça sent le bonheur et le soleil. Chan le tient par la taille et observe le plissement de ses yeux parce que son sourire lui fait mal aux joues et qu'il peut même pas s'arrêter, d'être heureux.
Et peut-être que j'avais tort.
La musique change mais les gens sont fous et on en rit, et on danse, et on se prend dans les bras, même si on ne se connaît que depuis quelques heures. Peut-être que ce soir c'est suffisant, peut-être que c'est pas grave. Peut-être qu'on regrettera pas demain. Alors on chante et on chante et on chante faux, donc on éclate de rire.
Ici, les gens sont heureux, et le monde n'a jamais été aussi vrai, même en étant encore un peu faux.
Le jeu des lumières, dans cette immense salle décoré à l'effigie des années 90, où mini jupes et santiag font la paire, sont si bien géré que Felix se sent enveloppé par un sentiment de liberté qui le fait déboutonner quelques boutons de sa très fine chemise blanche, dévoilant une partie de son ventre. Puis il se jette à fond dans la musique et les bras en l'air, danse d'ivresse.
Qui est Felix quand personne ne regarde ?
En vie.
Qui est Felix quand personne ne regarde ?
Un amoureux de la vie.
De ce garçon, aussi. Celui qui le surveille du coin de l'œil. Celui pour qui son coeur bat un peu plus vite et fait résonner son prénom à chaque lendemain.
Quand Chan lui a proposé un rencard, il ne pensait pas vraiment que ça voulait dire s'introduire dans une fête d'un club de cowboys, à en juger leur style vestimentaire et le taureau mécanique au centre, où des volontaires s'offre à de longues minutes de rodéo.
Mais il ne s'en plaint pas, l'ambiance est d'enfer. Alors on continue et on s'arrête pas. On marche à l'infini dans un monde pas infini, et c'est pas si grave.
Sans prendre gare, il est déjà minuit.
Aujourd'hui est déjà hier et demain est enfin aujourd'hui. Parce que c'est bien connu que quand on est heureux, le temps passe vite. Mais au moins ce temps, on en profite à fond. Et c'est rare qu'on en profite vraiment, de vivre. Vraiment rare.
