Les Yeux du Pouvoir - Tome 6 : Couleurs passé [Terminé]

Chapitre 24 - Détour par la chapelle [3/3]

Evidemment, aucun d'entre eux n'en aurait jamais terminé d'être magiciens mais ils pourraient continuer à l'être dans une région moins dangereuse pour eux, où ils seraient tous de parfaits inconnus et où l'unique obsession des autorités ne serait pas de les retrouver pour les torturer longuement avant de les exécuter dans la douleur, cependant, en attendant, ils souhaitaient seulement négliger un peu leurs soucis pour quelques heures et goûter un peu de tranquillité.
Tous se sentaient donc relativement apaisés et détendus, sauf l'inquisiteur et son jeune compagnon évidemment, autour du feu de camp alors qu'ils échangeaient à propos de banalités mais, malgré cette ambiance générale, il y avait quelque chose de fort étrange.
En effet, Gabriel, Lavande et Léo ne cessaient d'adresser des regards assez circonspects à Al assis non loin d'eux.
Effectivement, même si tous se réjouissaient doucement de cette soirée paisible où ils pouvaient éviter de s'angoisser des circonstances, la façon dont Al souriait largement par-dessus ses cicatrices et dont il se laissait aller à rire ou même dont il touchait Gabriel, installé à côté de lui, ressemblait fort peu à son comportement habituel, lui qui était à l'accoutumée distant et renfermé.
Les trois étaient les seuls à s'en apercevoir puisqu'ils étaient ceux qui avaient fréquenté le jeune homme le plus longtemps et qui le connaissaient donc le mieux. Pour les autres, Al se montrait simplement plus détendu, comme tous les membres de leur groupe, ce qui ne concernait ni l'inquisiteur ni son acolyte.
En effet, Al éprouvait une impression de légèreté fort peu coutumière dont lui-même s'étonnait et sur l'origine de laquelle il s'interrogeait, certes, il avait manifesté une grande impatience puis une joie non moins importante à retrouver Gabriel, tous l'avaient noté, mais pouvait-ce être là toute l'explication ?
Bien qu'extraordinaire, ce n'était pas réellement désagréable de sentir sa dureté, sa détermination et son obsession se relâcher pour au moins une soirée.
Si bien que, lorsque Lavande le pria de la suivre en pressant doucement son épaule, il accepta sans exiger plus de précisions ni s'agacer quelque peu, comme on s'y attendait davantage de sa part, et, se levant, il emboîta le pas à la jeune fille pour s'éloigner de leur campement de fortune avec un léger sourire détendu flottant sur ses lèvres. Prenant un peu de distance avec le reste du groupe, Lavande stoppa à un endroit où la lumière du feu entretenu par Léo leur parvenait à peine à travers les troncs, découpant tout juste leurs silhouettes sur l'obscurité du bois.
Croisant les bras sur la poitrine en penchant la tête sur le côté, Al demanda à la jeune fille ce qu'elle lui voulait pour l'attirer ainsi à l'écart.
Sans oser se tourner vers lui, bien que cela paraissait assez inutile avec le manque de luminosité, Lavande prit la parole en semblant légèrement incertaine :

« Je...je voulais te remercier pour m'avoir sortie de la forteresse de l'inquisition.

– J'ai toujours sauvé des magiciens, autant que je le peux, c'est tout. Et Gabriel aussi était là. Répondit Al dans un haussement d'épaules.

– Peut-être, mais pour moi, ce n'est pas si anodin. C'est pourquoi je tenais à te remercier mais je n'en ai pas vraiment les moyens et je ne connais qu'un moyen de le faire...

Laissant sa phrase en suspend pour faire comprendre qu'elle délaissait les paroles en faveur des actes, Lavande fit face à Al, ce que ce dernier ne comprit que par le son des feuilles mortes sous ses semelles puis il y eut un froissement de tissu et le bruit de quelque chose de mou tombant au sol.
Saisissant ce dont il s'agissait, il comprit ce que signifiaient les propos de Lavande lorsqu'elle affirmait ne pas connaître d'autres moyens pour lui faire part de sa gratitude. Surpris, n'ayant absolument pas prévu quelque chose de semblable, le premier réflexe de Al fut de faire un vif bond en arrière alors que Lavande se rapprochait lentement dans sa direction.
Dressant son bras entre eux, il la tint à distance puis, tâtonnant sur le sol du bois parmi les brindilles à la recherche des vêtements que Lavande venait d'abandonner à terre et, les trouvant, il les rendit à la jeune fille en les lui mettant dans les mains plus ou moins de force. Reprenant un peu de distance avec elle, Al chercha quelque chose à dire, que ce soit pour la réconforter, l'apaiser ou n'importe quoi d'autre, mais, finalement, il ne put que soupirer alors que ses épaules s'affaissaient face à la jeune fille.
Sa légèreté venait soudainement de s'évaporer alors qu'il constatait les dégâts que causait l'inquisition autour d'elle.
Si c'était le seul moyen que Lavande connaissait pour remercier quelqu'un, c'était bien à cause de sa détention à la forteresse maudite. En effet, gardée enfermée dans des appartements pour une seule raison, utilisée comme distraction par l'inquisiteur qui l'avait ''prise sous son aile'', il s'agissait de quelque chose qu'elle avait enduré durant des années, presque tout ce qu'elle avait connu.
Sa vie à l'inquisition ne s'était finalement résumé qu'à cet échange charnel sordide alors, il n'était pas surprenant qu'elle ne puisse manifester sa gratitude ou son attachement que de cette manière.
Cette réflexion encouragea Al dans sa détermination de secourir tous les magiciens de l'inquisition.
D'ailleurs, il était soudainement saisi par une violente envie d'aller frapper l'inquisiteur qu'ils gardaient prisonnier parmi eux, mais, y résistant pour le moment pour plutôt se concentrer sur Lavande, il se passa une main sur le visage avant de lui conseiller :