Chapitre 4 - Un village pas si paisible

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Agenouillée sur la berge du fleuve sur une grève formée de pierres et de sable rocailleux tout en prenant soin à ne pas salir sa jupe avec du limon, Lucille trempait le linge dans l'eau avant d'énergiquement le frotter sur une planche avec du savon dont l'odeur saturait ses narines.
Soigneuse, elle s'appliqua mais termina rapidement et déposa le linge détrempé dans son panier qu'elle coinça sous son bras en se relevant puis elle regagna le village après avoir salué les autres femmes venues faire leur lessive.
Construit directement sur la rive du fleuve, la distance avec le cours d'eau n'était guère importante, seulement quelques mètres, et Lucille fut rapidement entre les premières chaumières.
Historiquement, il s'agissait d'un village de pêcheurs et beaucoup d'habitants vivaient encore de ce qu'offrait le fleuve, comme en témoignaient les barques, les nombreux fils sur lesquels séchaient les prises ainsi que les filets présents un peu partout le long des chemins en terre battue, mais une partie s'était également tournée vers l'agriculture, élevage et culture et une autre, plus réduite, travaillait dans ce qu'on aurait pu nommer les services, comme le boulanger, la petite et unique taverne, le tailleur et la guérisseuse, chez qui se rendit Lucille avec son panier de linge.
Il s'agissait d'une chaumière à deux étages, le premier étant en pierres, comme les fondations, et le second en bois. A côté, s'étendait un petit potager où étaient cultivées quelques plantes médicinales et, de l'autre côté, se trouvait une corde tendue entre deux rondins de bois à côté de laquelle Lucille posa son panier pour y suspendre son linge mouillé.
Certainement était-ce la maison la plus connue du village, celle à laquelle se rendre dès qu'on avait des maux à soulager, blessure, maladie ou même peine de cœur, la guérisseuse adoptant volontiers le rôle de confidente, cependant, si elle savait identifier les problèmes de santé de ceux venant la consulter ainsi que les méthodes à appliquer pour les soigner, elle ne savait pas forcément comment fabriquer les remèdes adéquats, surtout lorsqu'il s'agissait d'un traitement complexe, alors, pour palier à ce problème de fabrication, elle commerçait avec une apothicaire vivant non loin à quelques kilomètres à côté de la demeure du plus riche propriétaire terrien de la région, un accord qui les arrangeait l'une comme l'autre.
Même si les échange entre l'apothicaire et la guérisseuse du village étaient réguliers et fréquents, Lucille ne s'en était jamais chargée, seule ou seulement accompagnatrice. D'ailleurs, jamais elle n'avait quitté le village, par sécurité.
En effet, ici, où tout le monde la connaissait et ne se posait donc aucune question à son propos, à l'extérieur du village, la curiosité qu'on aurait pu manifester à son égard, celle envers l'inconnue, aurait risqué de faire remarquer la particularité qu'elle dissimulait, même si ses yeux bleus clair passaient aisément pour ceux d'une personne ordinaire, ce que tous les villageois pensaient qu'elle était.
La seule qui partageait son secret à propos de sa nature de magicienne était la guérisseuse, pour qui ses capacités étaient fort utiles. Jamais elle n'avait ignoré qu'elle était une magicienne, malgré la teinte assez habituelle de son regard qui ne la désignait pas directement comme magicienne, tout simplement car c'était la raison pour laquelle sa famille avait tenté de se débarrasser d'elle lorsqu'elle était une jeune enfant.
Elle ne se souvenait pas de sa famille ni de rien de la vie qu'elle avait connue avant d'emménager dans ce village, certainement à cause du choc. En effet, elle avait manqué de se noyer dans le fleuve, le même que celui dans lequel elle allait laver le linge aujourd'hui, lorsqu'elle était enfant et elle ne devait sa survie qu'à la guérisseuse du village passant par là et qui l'avait trouvée à moitié immergée sur la berge.
Elle avait réussi à la sauver et l'unique chose dont la jeune fille s'était souvenu en reprenant conscience, en plus de son prénom, était qu'elle s'était ainsi retrouvé charriée par la fleuve, qui aurait pu ravir sa vie, car ses parents avaient souhaité se débarrasser d'elle en découvrant qu'elle était une magicienne lorsque ses pouvoirs s'étaient réveillé.
Au lieu de la dénoncer, la guérisseuse l'avait recueillie, hébergée et avait dissimulé sa véritable nature, lui offrant l'occasion de mener une existence normale loin de la crainte de l'inquisition, autant que possible du moins car, lorsque l'on était magicien, la menace de l'inquisition planait toujours quelles que soient les circonstances. En échange de tout ce que la guérisseuse avait fait, et faisait encore pour elle tous les jours, Lucille s'efforçait de lui rendre service en effectuant diverses tâches, comme la lessive de la journée qu'elle était en train d'étendre, perdue dans ses pensées, dont elle fut soudainement extirpée.
Alors qu'elle tentait de suspendre un draps, qui lui retombait dessus à cause de l'humidité dont il était lourd, deux mains se posèrent sur ses hanches, la faisant violemment sursauter.
Surprise, elle se retourna vivement mais soupira de soulagement en constatant qu'il ne s'agissait que d'Adriel qui lui adressa un sourire désolé en dressant les mains ouvertes devant lui en signe d'apaisement. Le rassurant, Lucille lui renvoya un doux sourire lumineux, qui le fit légèrement rougir, ne lui reprochant pas de l'avoir effrayée.
D'un naturel doux et compréhensif, elle ne se courrouçait pas pour si peu, surtout alors que c'était involontaire.
D'ailleurs, ce fut uniquement en une constatation et non comme un reproche qu'elle fit remarquer au jeune homme :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 6 : Couleurs passé [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant