• Chapitre 3 - Effie

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La faible lumière passant entre les arbres laissait entr'apercevoir une longue traînée gluante sur le manteau du Docteur. L'animal n'était en rien effrayant. Il se colla à Yaz qui releva vivement les bras au-dessus de la tête. Le Docteur se moquait totalement de l'état de son manteau et jouait avec la créature.

De sa croupe ; le jeune équidé la poussait pendant qu'elle tentait de l'observer de plus près. Le Docteur n'hésita pas un instant à poser une main sur le court chanfrein gluant du poulain.

Des filaments se formèrent au retrait de celle-ci.

- Mais qu'est-ce que c'est ?! Yaz étira sa blouse dans un air de dégoût. Il ne l'avait pas épargné.

Qu'est-ce qu'un poulain fait ici tout seul ?

- Ce n'est pas un poulain ordinaire.

- Oh, je ne l'avais pas remarqué... Yaz lui décocha un regard faussement affligé.

Vous voulez dire qu'il n'est pas domestiqué ? On est en pleine forêt ; il...

- C'est possible.

- Dans quoi s'est-il roulé ? Vous... vous êtes dubitative ; il est venu de lui-même... Pour un animal sauvage, il... Il doit bien venir de quelq-

- Yaz tu parles trop.

- C'est moi qui dis ça d'habitude, alors chut. Yaz observait le Docteur avec un sourire.

Celle-ci auscultait littéralement l'animal ; parcourant ses flancs ; levant ses jambes...

Il n'est pas ferré.

- Il n'y a pas d'intérêt à ferrer un jeune avant son débourrage, Yaz. Au contraire, ça lui permettra de renforcer la corne de ses sabots.

Yaz croisa les bras. Le Docteur commençait à renifler l'animal.

On dirait bien que c'est une sécrétion. Une sorte de sébum naturel. Bien déterminée à identifier cette substance ; le Docteur fit un geste que Yaz redoutait. Elle se lécha les doigts.

À peine Yaz eut-elle retenu un hoquet de dégoût que des pas précipités résonnaient par-delà le talus. Le Docteur plissa les yeux en cherchant le regard de sa compagne.

Les oreilles en arrière ; le poulain regardait dans la direction du bruit. Le Docteur mit une main dans sa poche et fit voler les pans de son manteau en se retournant. Faisant reculer l'animal derrière elle.

Un homme suivit de sa fille émergea de la canopée. Cette dernière ; à peine âgée d'une dizaine d'années ; rentrait les épaules ; marchant à contrecœur.

Son père ; échevelé et sale tentait de la traîner. Frêle et tremblante ; l'enfant gardait les bras le long du corps. L'homme la lâcha lorsqu'il se rendit compte de leur présence. Il tenait fermement une arbalète à la main. Le Docteur appliqua une main plus ferme autour de son tournevis sonique.

L'ivrogne leva son arme.

- Que deux jeunes lassies débraillées font seules en ces bois ?

Parmi les nombreuses peaux ornant sa ceinture ; une fine corde enroulée à son crochet ; se laissait porter par la démarche peu assurante de l'homme.

Yaz le détailla. Aucun carreau n'était installé sur l'arbrier. Probablement gêné par une crampe ; il finit par baisser le bras. Ce fut à son tour de détailler sans vergogne les deux jeunes femmes.

Étrangères ? Belles-de-jour ? Ouvertement offusquée et consciente de cette innocuité ridicule ; le Docteur ne garda pas sa langue dans sa poche.

- Ah, vous avez tout faux, mon ami ! Nous sommes bien loin des rues pavées. Et voilà que vous trimbalez cette arme comme une belette égarée dans une cuisine ! Vos compétences guerrières laissent à désirer, tout comme vos suppositions. Détrompez-vous, vaillant messire. Votre bravoure est aussi crédible que les prétentions mondasiennes d'un Cyberman après une séance de tango.

Yaz esquissa un sourire en secouant légèrement la tête, amusée par cette créativité. Elle lança un regard complice au Docteur en laissant échapper quelques mots.

- Vraiment, Docteur ? Un Cyberman qui fait du tango ? Et pourquoi pas de la zumba ?! Le Docteur haussa les épaules.

- Eh bien, Yaz, avec les Cybermen, dans un sens, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Peut-être que la zumba sera dans leur prochaine mise à jour.

- Quel est ce parlé madame ? Vous n'êtes pas de ces lieux.

- Elle... elle voyage beaucoup. Le poulain choisit ce moment pour se montrer. L'homme bourru se ressaisit à sa vue.

- La... la créature. Faites-la venir à moi.

- Que lui voulez-vous.

- Cela ne vous concerne en rien. Oubliant qu'elle n'était pas armée ; il brandit à nouveau son arme.

- Père ! Ceci n'est pas nécessaire. La fillette attrapa le bras de son père qui ; le regard enflammé, ne semblait pas disposé à écouter la voix raisonnée de sa fille.

Alors que la petite plaidait la paix, le Docteur perdit subitement l'équilibre.

- Hm... Ah-aie !

La fillette, inquiète, regardait le Docteur chanceler. Yaz, tout en ressentant la douleur de son amie, se précipita vers la petite fille pour la protéger.

- Fausse aler...alerte. Yaz tout va bien. Ce n'était pas la première fois ; à la sortie du TARDIS, le Docteur avait été en proie à des symptômes naissants de la régénération qu'elle essayait de bloquer.

- Docteur.

- Je te promets que tout va bien. Elle se tourna vers l'enfant. Tout va bien petite, n'ai pas peur. Son père l'agrippa par ses guenilles et la jeta au sol avec une brutalité choquante. La petite s'écrasa contre la terre humide ; chassant une larme sur sa joue crottée.

L'absence de cri et de réaction heurta le cœur de Yaz. La fillette avait l'habitude d'être malmenée. Défiant le père du regard ; elle voulut l'aider à se redresser, mais celui-ci leur jeta la corde qu'il avait à la ceinture.

- Non, ne la ramasse pas. Yaz empêcha la petite d'avancer la main.

- Yaz. Laisse-la faire.

Prends-la ; prends cette corde. Écoute ce que dit ton père.

- Mais Docteur, elle...

- Non Yaz. F... Fais-moi confiance. Le Docteur restait courbée en avant ; semblant manquer de souffle.

Toi aussi.

Curieux ; l'homme regardait le Docteur prendre la corde et se tourner vers sa fille.

- Bonne femme.

Le Docteur le fusilla du regard. Après la lui avoir mise en main, elle s'écarta. Affichant une expression de soulagement. Le poulain ne cherchait pas à fuir, mais semblait visiblement irrité par la situation.

- Il va se laisser faire.

L'homme lui arracha la longe des mains et improvisa un licol.

- Pourquoi en êtes-vous aussi sûr ?

Une fois passé ; l'animal devint totalement docile.

L'homme n'eut droit qu'à un simple regard entendu, mais partagé ; de la part du Docteur.

- Mais Docteur, on ne va pas...

Elle l'empêcha d'avancer. Yaz regarda impuissante la jeune enfant prendre les devants ; escaladant la butée.
Se faisant rapidement devancer par son père ; elle se vit offrir un coup derrière la nuque.

- Attends, pe... petite ! Donne-moi ton nom.

- E... Effie.

Doctor who - Un dernier voyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant