• Chapitre 30 - Pour les enfants

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Le dîner se poursuivait tranquillement, Morag hésitait à donner sa part au Docteur, n'ayant pas envie de goûter à la nourriture humaine de cet homme. Mais Effie la persuada ; car c'était elle qui avait cultivé les légumes.

Le Docteur, bien qu'affaiblie, ne pouvait détacher son regard de Morag. Quelque chose dans les détails de leur première rencontre la perturbait encore. Elle se tourna vers Morag, rassemblant ses forces pour poser une question qui lui brûlait les lèvres.

- Morag… il y a quelque chose que je dois te demander. C’est à propos du collier que tu portes.

La concernée leva les yeux. Le collier de perles luisait à la lueur des flammes.

Ce collier… Je l’ai remarqué dès notre première rencontre. Et lorsque tu étais sous ta forme de cheval, il s’est transformé en licol. Il fait partie de toi, n’est-ce pas ?

Morag hocha la tête, confirmant l’intuition du Docteur. Elle porta la main à son collier, le touchant doucement.

- Oui, Docteur. Ce collier est plus qu’un simple bijou. Tout comme le licol de mon fils. C’est une empreinte d’identification. Il conserve mon identité, mon histoire… tout ce que je suis.

Dans ma culture, nous portons ces colliers pour préserver notre essence. Peu importe la forme que nous prenons, ils sont avec nous. Nous naissons avec. Dans ma vraie forme, il s'intègre complètement à ma physionomie. Et là, c'est impossible de s'en séparer.

Le Docteur sembla fascinée par cette explication.

- Cela explique beaucoup de choses... Mais je me demande... Ce collier, il est aussi lié à ton vaisseau, n’est-ce pas ?

C’est une sorte de clé ou un dispositif de sécurité ?

Morag acquiesça de nouveau, son regard devenant plus sérieux.

- Oui, tu as raison. Mon collier est une clé pour mon vaisseau. Il me permet d’interagir avec lui, de l’activer. Les commandes du vaisseau ne répondent qu’à moi. Ou à ses habitants. Sans lui, je ne pourrais accéder aux fonctions principales.

- Je comprends maintenant. Le Docteur se redressa sur sa chaise. On a essayé de s'y rendre, mais...

- Mais on a failli y passer.

- Yaz !

- C'était pas loin, Docteur. Le Docteur lui avait fait tellement peur ces derniers temps qu'elle n'avait plus envie de doser son humour. 

- Les légendes sur les Each Uisge disent que celui qui possède le licol d’un de ces chevaux contrôle l’animal, et que si celui-ci venait à le récupérer, il s'enfuirait en entraînant son ex détenteur dans la mort.

Effie, qui avait disparu de la table, revint avec le licol de Cluaran.

Ce sont des exagérations construites avec le temps, bien sûr, mais il y a toujours une part de vérité dans les mythes. Si ton collier a été au centre de ces histoires, c’est qu’il y a une raison.

- Each Uisge ? Qu'est-ce que c'est ?

Le Docteur prit un moment pour expliquer, ses paroles teintées d’une douce patience. Elle avait peur que cet outrage, construit au fil des âges, mette un froid à leur relation inter-espèces.

- Pour les hommes, les Each Uisge sont des créatures légendaires issues de la culture écossaise, des chevaux aquatiques capables de se transformer en humains. Selon la légende, ils séduisent les voyageurs pour ainsi les noyer. Les emportant grâce à leur pelage collant.

- Docteur, vous m'aviez dit de le garder précieusement.

- Merci Effie. Tu peux le lui rendre. Tu sais que tu ne crains rien de lui.

- Je sais.

- Tu vois, moi aussi, j'ai eu le temps de me poser des questions, de ne pas avoir confiance, mais finalement... Le Docteur dirigea son regard vers l'enfant et le poulain. J'ai eu tort.

Morag fronça légèrement les sourcils, réfléchissant aux paroles du Docteur. Elle n'avait jamais croisé quiconque d'aussi compatissant.

- Je sais que vous ne pensez pas ainsi, mais ces légendes vont nous nuire. Nous venons d'arriver. Et elles sont déjà construites.

- Non, au contraire, nous sommes à la source, à moins que je ne me trompe, votre espèce n'a jamais mis pied à terre auparavant ?

- Non, jamais. Les cristaux nous le diraient.

- C'est bien ce que je pensais, et Effie n'avait jamais entendu parler des Each Uisge quand nous avons énoncé le sujet. Et il n'y a pas de date précise...

- Je ne comprends toujours pas Docteur.

- C'est un problème, pas que tu ne comprennes pas. Mais que cette légende soit toujours présente. Enfin, ce serait surtout un problème si elle ne l'était pas.

Sans vouloir t'offenser bien sûr !
Il y a beaucoup de témoignages... Yaz prit la relève avant que le Docteur n'entre dans les détails.

- Ces légendes seront racontées dans ce futur. Cette planète parlera de vous ainsi dans quelques siècles.

- Et elle en inspirera beaucoup...

- Mais aussi dans la vie en elle-même.

- Nous ne sommes pas des... monstres. Nous sommes les Idaris, et notre existence ne se limite pas aux contes de fées humains.

Le Docteur s'en voyait désolée.

- Malheureusement, ils en feront partie.
Et une partie de la chronologie humaine s'est construite sur ces peurs. Elle avertira des dangers, fera peur aux enfants pour qu'ils ne se risquent pas à s'aventurer seul au bord des lacs et rivières. Elle évitera beaucoup de drame.

Morag soupira.

- Alors... si ces légendes peuvent empêcher d'autres tragédies comme celle que j'ai causée... si cela peut éviter que d'autres enfants ne souffrent...

Elle releva la tête de son assiette.

Même si cela signifie que les humains nous voient comme des monstres. Si cela peut réparer, ne serait-ce qu'un peu, ce que j'ai fait...

Le Docteur sentit toute la douleur dans la voix de Morag, une expression d’empathie profonde sur son visage.

Elle ne savait pas encore ce que l'on attendait d'elle, mais elle était prête à le faire, pour les enfants.

Doctor who - Un dernier voyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant