Recueil d'OS : Les histoires de Pierre et Benjamin

OS . 11

Ma dernière clope et mon premier café

« Juste une clope sur la lune, vieux
Une seule, j'grimperai là-haut dès que vous aurez sommeil »

Clope sur la lune, Isha, Scylla, Sofiane Pamart

Troisième café.

Pierre regarda sa montre et pensa que trois heures du matin n'étaient pas une heure pour boire du café mais ça compensait et lui donnait le sentiment d'être maintenu en éveil.

Comme s'il avait besoin de ça pour une bonne insomnie des familles !

On était vendredi soir et dans les rues en bas de chez lui, d'autres jeunes en profitaient pour exhorter leurs démons jusqu'à épuisement. Lui, il se rappelait encore combien il détestait le quartier ou il vivait à cause du bruit, même si ça n'avait pas toujours été le cas.

Il s'y était installé au début de l'âge adulte parce que c'était l'endroit ou la jeunesse de sa ville y faisait la fête, mais surtout parce que son ex aimait bien cet endroit. Depuis, il était parti et Pierre y était resté plus par flemme de déménager que par nostalgie.

Après ses études, Pierre avait trouvé un boulot dans la branche pour laquelle il s'était sué à réviser chaque soir mais pas trop loin de chez lui.

D'ailleurs, c'était dans cet endroit qu'il avait fumé sa première clope lors d'une soirée entre amis. Au départ, il ne fumait qu'en soirée puis progressivement, il se mit à le faire entre deux cours ou pour accompagner son mec de l'époque. Une mauvaise habitude pernicieuse qui avait fini par l'envahir. Au début, il en était maître, mais il n'avait pas remarqué le moment où il en était devenu esclave.

La clope était devenue cette "amie" toxique qui ne le quittait jamais.

Chaque action qu'il posait se suivait immanquablement d'elle, mais depuis trois semaines, il tentait de se sevrer. Arrêter de fumer dans un milieu professionnel ou chaque pause s'accompagner d'un groupe de fumeurs qui s'empressait de sortir des locaux pour se noircir les poumons, le rendait terriblement faible.

En fait, c'était peut-être bien la seule chose que ce garçon regrettait en termes de décisions.

Surtout, depuis qu'il n'arrivait plus à dormir et toussait toutes les nuits avec cette sensation irritante chaque matin au fond de sa gorge. Son souffle ne suivait plus et son corps semblait le supplier chaque jour un peu plus d'arrêter, alors pour la première fois de sa vie, il avait entrepris la pénible marche vers la délivrance. Mais comme toutes les addictions, elle était difficile à s'en défaire. D'autant plus que son cerveau avait associé ce geste à la créativité alors chaque soir où il était devant son ordinateur, il ne parvenait plus à se concentrer s'il ne fumait pas.

Son unique réconfort était de se dire qu'au moins, il n'était accro qu'à la clope, quand il voyait combien il peinait à s'en sortir.

Le jeune homme de vingt-cinq ans avait pris l'habitude de rédiger et publier des écrits chaque soir après le travail. Des petits bouts de pensées qu'il disséminait un peu partout sur les réseaux sans réellement attendre quelque chose de cela. Ça lui faisait du bien de crier au-dessus de sa montagne et si les échos parvenaient jusqu'à au moins une personne, c'était tout aussi bien. Pourtant, ces petits moments d'évasions qu'il s'accordait seul devant son Mac étaient également les pires pour ses poumons.

« Clope sur clope, (en boucle) »

De ce fait, une dualité s'était installée au fond de lui. Dans ses tentatives pour arrêter, il avait ciblé les instants où il était le plus vulnérable donc depuis sa décision d'arrêter de fumer, il n'écrivait plus.