Recueil d'OS : Les histoires de Pierre et Benjamin

OS . 08

Rencontre fortuite . 08

" You had a bad day
The camera don't lie "

Bad Day, Daniel Powter

Il était encore à la bourre ce matin-là.

Il entendait presque déjà son patron lui reprocher pour la millième fois, de ne pas être ponctuel. Pierre pédalait comme un dingue et les aiguilles tournaient à vive allure. Dix minutes de retard, un virage un peu trop serré et il faillit se faire percuter par cette voiture à sa gauche. Pierre perdit l'équilibre et alla s'écraser tout droit sur le béton froid. Son menton fut râpé par le bitume et son genou également. Sa chute causa un brouhaha interminable. Les gens pressés d'aller bosser, agacés de bon matin, d'être mis en retard par idiot incapable de pédaler.
Le type de la voiture que Pierre avait percuté, sortit et pendant qu'il peinait à se relever, l'homme vint l'aider. Il se pencha vers Pierre.

- Vous allez bien ? S'assura cet homme.

Pierre grimaça de douleur et releva les yeux vers son sauveur.

- Je suis désolé, bafouilla difficilement le jeune homme.

- Ce n'est rien. Est-ce que vous allez bien ? Vous voulez peut-être que j'appelle les pompiers ? Ou quelqu'un d'autre ?

- Non, ça va aller. Je-je... J'étais à la bourre et j'ai pas vu votre voiture. Désolé encore.

Pierre tenta de se lever, mais c'était douloureux alors l'homme l'aida à se relever et les klaxons reprirent dans une mélodie stridente. Les gens s'impatientaient de plus en plus.

Pierre malgré la douleur, récupéra son vélo, s'excusa encore et l'enfourcha avant de s'en aller à vive allure. Il avait un tournage important ce matin et il était vraiment en retard sur l'horaire. L'homme le regarda disparaitre au loin et remarqua que le jeune homme avait fait tomber son portefeuille dans la collision. Il ramassa l'objet et ne tarda pas à remonter dans sa voiture puis démarra. Sa voiture n'avait rien, mais il était inquiet pour ce garçon.

18 h 40

Pierre freina devant son immeuble, fatigué par sa journée.

Il était arrivé en retard, il souffrait de ses blessures légères et en prime, il s'était fait humilier par le youtuber pour qui, il bossait. Devant tous ses collègues. Qu'importe ! Façon aujourd'hui, était son dernier jour dans cette boite. Mais comme si ce n'était pas suffisant, à l'heure du déjeuner, il s'était rendu compte qu'il avait perdu son portefeuille. Certainement lors de l'accident de ce matin-là. Il avait fait opposition à sa carte bleue et pensait déjà au bourbier qu'allait être les prochains jours.

Pierre attrapa son vélo à bras le corps et le porta pour pouvoir gravir les cinq marches de son immeuble afin d'aller s'enfermer chez lui. Lorsqu'il l'atteignit, il y entra dans et déposa son vélo verticalement dans un coin du studio. Pour une histoire de place.

Pierre déposa ses clés sur la table basse et se dirigea vers la salle de bain. Il retira ses habits et remarqua qu'il avait quelques bleus, en plus de ses blessures au menton et au genou gauche. Une fois, qu'il eut fini de contempler ses blessures de guerre, il repensa au fait que deux mois plus tôt, il avait déjà dû refaire ses papiers parce qu'on lui avait volé son ancien portefeuille dans le métro . Maintenant, il devait à nouveau refaire les démarches et cela l'agaçait davantage.

Pierre retira son caleçon et alla directement sous la douche. L'eau sur sa peau était presque apaisante et ses muscles se détendaient peu à peu.

Pierre avait trouvé, un an plutôt, du boulot auprès d'un célèbre youtuber, en tant que cadreur. Une chose qui à l'époque l'avait comblé parce que, c'était dans ça qu'il avait toujours voulu évoluer. Dans ce milieu-là. D'autant plus que le youtuber en question, était un gars que Pierre avait toujours apprécié derrière son écran. Naturellement, il avait pensé que bosser ensemble aurait été une belle expérience mais il avait eu tort. De nature renfermé et timide, Pierre avait réellement du mal à trouver sa place dans cette boite donc on lui reprochait de refuser de s'intégrer et il avait la sensation d'être devenu le bouc émissaire de ce youtuber. Voilà pourquoi, un mois plus tôt, Pierre avait déposé son préavis pour tenter sa chance ailleurs. Aujourd'hui avait été son dernier jour et sans doute la pire des journées qu'il avait pu passer dans cette boite.