Chapitre 34

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Stiles s'était promis une chose avant d'aller se coucher : ne rien faire pour enquiquiner Derek et laisser couler. Cette histoire de baiser ne devait pas le perturber outre mesure. Il devait se convaincre du fait qu'il ne s'agissait de rien de plus qu'un moment d'égarement et que... Des choses comme ça, ça arrivait. Qu'il ait peut-être ressenti quelque chose, eu des frissons et hypothétiquement apprécié... Ce n'était rien de plus que son problème – qui ne concernait pas Derek. De fait, Stiles s'était fait discret toute la soirée, en particulier dans sa manière de mettre ses émotions de côté, sachant que pour lui... Elles n'avaient pas vraiment lieu d'être. De par le silence de Derek quant à ce sujet, Stiles partait du principe qu'il se devait de prendre sur lui pour tout effacer de sa mémoire. D'accepter qu'il n'y aurait rien de plus, qu'il devrait peut-être en avoir honte. Oui, avoir honte d'avoir apprécié quand, au même moment, il savait Derek gêné. Ses yeux parlaient plus que sa bouche.

Stiles avait conscience de trop se prendre la tête avec cette histoire et cela continuait même alors qu'il rabattait le plaid du canapé sur lui. Songer qu'il allait vraisemblablement passer l'entièreté de sa nuit seul lui fit se dire qu'il avait tout rater. Ne pas répondre au baiser de Derek, voilà ce qu'il aurait dû faire ou alors... Ne pas ressentir quoi que ce soit à ce sujet. Car voilà où devait résider l'origine de la gêne de Derek : non pas dans le geste qui n'était rien de plus qu'une bêtise, mais bien dans l'appréciation de Stiles. Ce dernier partait du principe que le loup-garou, de par la légère ambiguïté qu'il y avait entre eux, avait dû céder malgré lui à une sorte de pulsion animale, quelque chose qu'il n'avait pas eu le temps de réfréner. C'était ce qui lui paraissait le plus crédible. Et Stiles devrait lui en vouloir, lui reprocher ce geste qui avait d'ores et déjà changé la nature de leur relation qui lui était pourtant si bénéfique.

Sauf qu'il s'était rendu compte qu'il en avait eu envie, dans un sens. Qu'un tel contact, il n'en avait pas eu depuis longtemps et qu'il avait eu, durant un court instant, la sensation d'être aimé, désiré. Entre les bras de Derek, Stiles s'était senti bien. Tout autour de lui s'était envolé et il avait réussi à mettre de côté toutes ces choses qui le minaient chaque jour. Il n'avait pas eu peur que les choses dérapent davantage, peur d'aucun autre geste que Derek aurait pu avoir. Peut-être était-ce parce qu'il lui plaisait ou qu'il avait confiance en lui – le mélange des deux n'était pas impossible. En tout les cas, l'humain n'irait sans doute jamais lui reprocher ce baiser dont il avait eu, au fond, terriblement besoin – avec du recul, il s'en rendait compte.

Mais ce qui était difficile pour lui, c'était de faire face à son ennemi de toujours : le sens unique. Stiles cala confortablement sa tête sur l'oreiller mis à sa disposition et ferma les yeux. Dire qu'il n'avait pas l'habitude de la solitude reviendrait à mentir – il ne l'appréciait pas pour autant. Il se mit simplement en tête de redoubler d'efforts pour, dès le lendemain, faire oublier ce dérapage à Derek. Stiles devait accepter que ça s'était passé, que cela avait été une erreur et ce, même si c'était quelque chose qu'il avait vraisemblablement aimé. Peut-être même que la véritable connerie, c'était cette appréciation qui n'avait pas lieu d'être. Et ça, c'est quelque chose que Stiles se reprocha longuement. Mentalement, au lieu de dormir, il s'insultait de tous les noms : pour lui, Derek ne méritait pas d'être mis dans un tel embarras. C'était de sa faute. N'importe quelle forme d'indifférence ou de dégoût aurait été mieux perçue par le lycanthrope.

Stiles tenta réellement de s'endormir au plus vite – il fit de son mieux. Pensa autant que possible à tout, sauf à ce baiser infernal qu'il regrettait pour la simple et bonne raison qu'il rendait Derek intrinsèquement distant. Si son comportement avec lui n'avait pour l'instant pas changé, Stiles savait qu'il maintenait les apparences... Simplement pour ne pas éveiller sa méfiance. Or, c'était déjà fait. Stiles avait vu la différence, le changement qui s'était opéré dans son regard et ça, ça ne lui allait pas. Pour sa santé mentale et pour le bien-être de Derek, il voulait récupérer ce qu'ils avaient avant cet épisode. Cette proximité normale, cette absence de gêne qui le faisait se sentir si bien à ses côtés... Cette impression que tout irait bien, qu'il comptait, que Derek n'avait pas peur de se montrer détendu en sa présence.

Stiles se tourna et se retourna tout en faisant attention à sa jambe. Pas pour éviter la douleur en tant que tel, juste pour ne pas alerter Derek, dans la mesure du possible. L'humain partait dans l'idée que se faire le plus petit possible aiderait à apaiser les choses, à... Les faire revenir à la normale. Il s'agissait également d'une manière de minimiser tout autant ses propres ressentis que l'importance de certains souvenirs, dont celui qui n'aurait, au final, dû jamais exister. Stiles savait pertinemment que ce genre de comportements participait d'ores et déjà à le faire replonger, mais... Il alla se dire que ça irait. Qu'il pouvait gérer. Que ce n'était pas complètement pour lui qu'il faisait ça, de toute manière. Au pire, il n'aurait qu'à fouiller le loft lorsque Derek s'en absenterait. Doubler la dose de sa médication ne suffirait pas pour le shooter : il l'avait déjà fait et n'en était pas mort. Puis, ce ne serait que le temps de quelques jours, le temps que tout revienne à la normale. Car même si ça n'allait pas, Stiles n'avait pas l'intention de tomber aussi bas qu'il l'avait déjà été. Enfin, il essaierait.

Le temps s'égrena avec une lenteur folle, tant et si bien que l'hyperactif poussa un soupir qui se fit de plus en plus découragé au fur et à mesure qu'il regardait l'heure à peine bouger sur son téléphone. Chaque fois, il essayait d'attendre un maximum, d'espacer ces moments-là, dans l'espoir de constater que le temps avançait, de se dire qu'il somnolait de temps à autres, en vain. Stiles n'arrivait pas à dormir et plus que l'énerver, cela ne faisait qu'ajouter à sa tristesse, à ce poids qu'il sentait toujours plus lourd sur ses épaules. Il avait un peu froid, aussi, comme si le plaid ne lui suffisait plus – ou que la fraîcheur se révélait plus intérieure qu'extérieure. L'hyperactif justifia cette espèce de faiblesse par l'habitude qu'il avait en ce moment de rejoindre le lit de Derek – après que celui-ci l'y ait invité. Une habitude qu'il ferait mieux de supprimer de son esprit, et pas juste parce qu'elle rendait les limites de leur relation floue.

Mais parce que c'était aussi quelque chose qu'il aimait. Peut-être au même titre que ce baiser de la honte. Alors oui, Stiles commençait à mettre de côté chacun de ces petits détails pour mieux les effacer. C'était mieux ainsi, non ?


Et même si son esprit avait décidé d'être des plus actifs ce soir, Stiles finit tout de même par s'endormir un temps infini plus tard... Pour mieux se réveiller au milieu de la nuit, fébrile. S'il ne pleura pas, ne lâcha pas une larme, son cœur lui faisait mal. Et pourtant, il ne se souvenait pas d'avoir rêvé de quelque chose en particulier. Il ne savait même pas s'il avait rêvé tout court. L'incertitude n'empêchait pas ses mains de trembloter un peu alors qu'il se les passait sur le visage, y essuyant des larmes qui n'existaient pas. Pourtant, l'odeur de Stiles en était une. Parce qu'il ne supportait d'ores et déjà pas l'isolement qu'il s'imposait lui-même. Et en même temps, que faire d'autre ? Derek n'avait pas une fois abordé le sujet après que celui-ci ait eu lieu, comme s'il avait tout de suite cherché à en enterrer l'existence. Alors s'il y avait une autre façon de faire, c'était sans doute Derek qui lui en ferait part... S'il cessait son mutisme à ce propos. Or, Stiles n'avait pas l'impression que ça arriverait de sitôt. Techniquement, c'était même à lui de mettre ce sujet sur la table s'il en ressentait le besoin, sauf qu'il savait fort bien qu'il ne le ferait pas. Si Derek avait fait comme si ce moment n'existait pas, ce n'était pas sans raison et il le savait.

Sauf qu'il se méprenait complètement sur leur nature.

Alors, Stiles fit au mieux pour se rendormir et chasser cette tristesse qu'il voulait, comme le reste, museler. Ignorer serait plus juste. Oui, il voulait en ignorer la teneur. Ne pas tenir compte de son importance.

C'est à ce moment-là que vinrent enfin ses premières larmes. Peu nombreuses mais chaudes, il les cacha de ses mains. Pourquoi ses yeux le piquaient-ils ? Stiles se retourna encore, cette fois-ci sans faire attention à sa jambe immobilisée. Un discret gémissement passa la barrière de ses lèvres et... Il s'en voulut, grimaça. Espéra que Derek n'avait rien entendu, avant de se faire la réflexion qu'à cette heure-ci, l'alpha devait dormir d'un sommeil lourd, duquel un petit cri comme le sien ne pourrait le sortir.

Là aussi, Stiles avait tort, et il le sut lorsqu'il entendit le pas ni lourd ni léger de Derek descendant les escaliers.

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