Chapitre 38

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- J'ai eu l'impression d'avoir profité de toi.

Derek n'avait pas trouvé d'autre moyen de le dire. Il voulait prendre des pincettes et se dit qu'il aurait peut-être dû peser ses mots avant de parler mais en même temps... Il fallait que ça sorte, que sa bouche arrache de son cœur ces mots si vrais – de son point de vue. Finalement, il n'y en avait pas de plus juste pour décrire ce ressenti qui était le sien et qui représentait la vérité. Pouvait-il seulement en être autrement ? Lorsque Derek se repassait mentalement le film de ce moment, la réponse lui venait toute seule.

Non.

Et là encore, il ressentait encore le plaisir, une absence totale de dégoût physique dans ce geste qui pouvait paraître frivole mais qui revêtait pour lui une intimité certaine. L'alpha n'embrassait pas n'importe qui et la plupart du temps, ç'avaient été des erreurs monumentales. Mais le baiser qu'il avait échangé avec Stiles ne lui donnait pas cette impression... Et c'était peut-être ça, le pire. Parce qu'il devrait regretter, ne serait-ce parce que songer au fait qu'il avait aimé le faisait se sentir atrocement coupable. Si Stiles allait bien, s'il n'était pas aussi mal en point récemment, peut-être que Derek penserait différemment. Puis peut-être que le baiser n'aurait tout bonnement pas eu lieu. Comment était-ce arrivé, d'ailleurs ? Comment était-ce vraiment arrivé ?

Était-ce seulement honnête d'affirmer qu'il ne s'agissait que d'un dérapage à cause... De cette espèce de rituel étrange qu'ils avaient commencé à développer ? Derek aurait bien voulu le qualifier de dangereux mais ce serait donner plus d'importance à des pulsions stupides qu'à la réalité : ce baiser qu'ils avaient échangé. Et qu'importe qui l'eût initié. Le fait est que Derek n'avait pas reculé tout de suite, même en sachant... Même en sachant que ce n'était pas juste vis-à-vis de Stiles.

- Tu plaisantes ?

Derek eut bien du mal à regarder l'hyperactif en face, pour la simple et bonne raison que la honte continuait de l'habiter – elle n'était pas près de l'abandonner.

Et pourtant, il vit bien la mine effarée de Stiles : ses yeux écarquillés teintés d'un agacement certain, sa bouche entrouverte, la tension qui s'était emparée si soudainement de son corps.

- Tu penses que c'est mon genre ? Rétorqua-t-il, un sourcil haussé.

Il ne savait pas vraiment rire mais surtout, il ne concevait pas l'idée de plaisanter au sujet de quelque chose qu'il jugeait important. La dignité de l'humain l'était. La façon dont lui, Derek, aurait dû agir, aussi. Son geste, il refusait de le prendre à la légère. Stiles manquait cruellement d'affection. L'embrasser, c'était... Dans ces conditions, c'était mal.

- Non mais t'es complètement con ?! Eclata soudainement l'hyperactif.

Il s'était redressé soudainement, comme mû par cette colère qu'il n'exprimait pas vraiment. Cette fois-ci, elle se montrait telle qu'elle était : sans artifices, sans fioritures. Pure, mais retenue – dans une moindre mesure. Et cette émotion perturba Derek. Parce que s'il pouvait tout à fait concevoir l'idée que Stiles puisse être en colère, il sentait que la chose n'était pas tournée dans le bon sens – sans qu'il puisse expliquer ni le pourquoi, ni le comment de son raisonnement.

- Pardon ? Fit-il, perplexe.

- Tu t'en veux pour quelque chose qu'on a fait et le seul truc que tu trouves à faire pour arranger la situation, c'est de m'ignorer ?

Derek devait reconnaître que ce n'était malin et en même temps... Il avait toujours agi de cette façon lorsqu'il lui fallait réfléchir à une situation – dans laquelle il pouvait avoir une certaine responsabilité.

- Je sais, c'est stupide, avoua-t-il.

Stiles n'imaginait sans doute pas à quel point c'était dur et Derek le comprenait. Ils n'étaient pas les mêmes, agissaient et réagissaient généralement tous deux de façon différente. L'hyperactif s'ouvrait facilement lorsqu'il le fallait, au contraire du loup-garou. Etant donné que l'affaire les concernait tous les deux, ils auraient dû établir un consensus, parler pour faire des compromis par rapport à la gestion de cet évènement – que Derek jugeait d'ailleurs comme un problème.

- C'est pas stupide, c'est égoïste, rétorqua Stiles en croisant les bras sur sa poitrine. Tu as réagi sans penser à moi, sans t'imaginer ce que je pouvais ressentir.

Derek entendait parfaitement le reproche qui lui était fait et il avait suffisamment d'intelligence pour l'accepter. Dans un sens, Stiles avait raison : l'alpha ne s'était pas une seule seconde préoccupé de ce que cette distance soudaine pouvait lui faire tant il était obnubilé par l'idée d'avoir profité de lui.

Mais n'était-ce pas justement en grande partie parce qu'il le voyait se renfermer sur lui-même et suinter l'amertume qu'il avait finalement décidé de lui parler ? D'envoyer valdinguer ses habitudes pour faire taire la douleur qui émanait de l'humain ? Derek n'était pas aveugle, il voyait bien que cet éloignement n'avait fait que dégrader leur relation, d'où ses efforts pour tenter de réparer ce qui avait été au mieux mis à mal, au pire brisé.

Alors, il ne nia pas.

- Oui.

C'était tout de même un comble : s'en vouloir pour avoir profité de lui mais ne pas s'enquérir de la façon dont il aurait pu se sentir. De lui imposer sa manière de faire à lui. De le silencer en évitant le sujet pour mieux réfléchir de son côté. Derek ne pouvait que l'avouer... Il s'agirait d'une erreur qu'il ne ferait plus. Elle lui avait permis de penser, de songer à tout ça de façon posée... Mais à quel prix ? Il était hors de question qu'il fasse replonger Stiles, d'une manière ou d'une autre. L'hyperactif n'avait pas besoin qu'il l'enfonce davantage.

- Tu ne t'es même pas demandé si j'avais pas fini par avoir envie de moi-même, par apprécier. Maintenant que tu m'as dit ta version, moi je vais te raconter la mienne. Je vais te dire ce que j'ai ressenti et ce que j'aurais... Ce que j'aurais aimé que tu fasses, lâcha Stiles d'un trait.

Derek tourna la tête vers lui, tout ouïe. Quant à la première partie de son court monologue, il était parfaitement d'accord. Il ne s'était en effet enquis de rien, d'où la rapide montée en puissance de sa culpabilité. Enfin, il voyait tout de même un point positif dans cette situation des plus épineuses : Stiles lui parlait sans détour, sans sembler avoir peur de le faire contrairement à ces derniers jours. Et son visage exprimait beaucoup de choses. En somme, il s'ouvrait.

- Tu as dit que tu avais profité de moi, commença l'hyperactif en ancrant ses yeux dans les siens. Je sais que je n'étais pas en position de force, mais je me pense assez lucide pour savoir si je suis d'accord ou non pour faire quelque chose. C'est moi qui dois juger si tu as profité de moi ou non, pas l'inverse.

Derek dut s'avouer intérieurement que ça se tenait, d'autant plus que rien dans le rythme des battements de cœur de Stiles ni dans son odeur ne faisait montre d'une quelconque sorte de mensonge. Il lui apparaissait dur, sûr de lui – et en colère.

Une émotion que le loup-garou trouvait parfaitement saine, encore plus dans ce genre de situation. Être en colère, c'était être vivant. Résister face à la douleur, la dompter pour mieux s'élever. C'était ce qui l'avait fait survivre, lui, Derek Hale. Ce qui lui avait permis de rebondir malgré le fait qu'il savait pertinemment qu'il avait tout perdu en une nuit.

Alors il écouta Stiles faire état de cette colère de façon aussi simple que saine et ce, sans chercher à l'interrompre même s'il sentait déjà qu'il avait des choses à dire.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 30 ⏰

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