Chapitre 35

386 30 8
                                    


Même s'il se doutait de l'inutilité de sa précaution, Stiles eut le réflexe d'essayer de se faire tout petit, d'essuyer ses larmes et de se pelotonner sous sa couverture. C'était bête, mais il continuait d'espérer et avait émis une hypothèse simple, mais qui pouvait toutefois tenir la route : Derek ne descendait pas pour lui. Sans doute avait-il un petit creux, ou tout simplement soif. Tout ne tourne pas autour de toi, lui rappela une petite voix qu'il connaissait bien et... Qui n'avait pas complètement tort, à ses yeux. Stiles ne comprenait toujours pas pourquoi il partait souvent du principe que Derek faisait attention au moindre des changements le concernant. La preuve en était qu'il l'avait laissé s'enfoncer après ce putain de baiser. Et, si on demandait son avis à Stiles, il finirait par dire que c'était complètement normal. Après tout, il était le seul à accorder de l'importance... A une erreur. Sa réflexion avait effectivement évolué, faisant passer ce moment d'égarement à une faute pure et simple.

Alors il fit au mieux pour réprimer toutes ces émotions qui le tiraillaient de part en part et s'imagina même ne plus rien ressentir : s'il arrivait à se convaincre rapidement de tout cela, peut-être que Derek ne se rendrait compte de rien. Stiles avait juste besoin d'un peu de temps, car ledit temps habituait à tout.

Il s'était tellement concentré sur ce fait qu'il ne perçut pas vraiment les pas se rapprochant peu à peu... Mais il sursauta lorsque le plaid lui fut à moitié retiré et rouvrit si brutalement les yeux qu'il peina à se rendre compte de ce qu'il voyait, à constater... Que Derek était là, penché sur lui. S'il n'était pas extrêmement proche, Stiles ne put toutefois s'empêcher de tressaillir. Qu'importe de quoi il voudrait se convaincre, la lumière tamisée de la lampe à côté du canapé ne cacherait rien de la rougeur qui s'était installée dans ses yeux... On ne peut plus larmoyants.

En somme, Stiles ne pouvait plus se cacher.

Et pourtant, il le fit.

- Retourne te coucher, ça va.

La demande, énoncée d'une voix un peu rauque, ne fit pas bouger Derek. Il ne cilla pas un seul instant. Alors Stiles hésita à lui demander s'il avait bien étanché sa potentielle soif, éventuellement sa faim nocturne... Mais décida finalement de garder la bouche close. Chaque mot prononcé par sa voix quelque peu tremblante trahissait davantage son état. Si l'on ajoutait cela à ses yeux rougis, autant dire qu'il était fichu. Il n'y avait plus grand-chose qui puisse être dissimulé au regard perçant de l'alpha. Alors Stiles soupira et se saisit du bord de la couverture, encore entre les doigts de Derek... Qui ne la lâcha pas – Stiles crut même voir sa poigne se resserrer légèrement sur la laine. De son côté, l'humain refusa de lever la tête vers lui, d'essayer de le regarder dans les yeux... Tout simplement parce qu'il n'y arriverait pas. Avait-il seulement envie de tenter le coup ? Non, pas plus que l'énergie, d'ailleurs. Il n'aspirait qu'à se rendormir – en espérant ne faire aucun cauchemar et simplement laisser ces quelques heures s'écouler sans les sentir passer.

Alors oui, Derek devait retourner dormir, ne pas s'attarder ici, avec lui. Or, il ne bougeait pas. Et même si Stiles gardait la tête baissée, redressé sur le canapé, il sentait son regard brûlant posé sur lui. Il ne fallait y voir aucun sous-entendu – Derek le fixait simplement avec une insistance certaine.

- Va-t'en, s'entendit prononcer Stiles.

Pas qu'il veuille se montrer méchant, mais... Il n'avait pas besoin de l'attention de Derek pour se rendormir. Il était même en mesure de dire que le parfait contraire lui siérait mieux. Dans un sens... Il pouvait effectivement ressentir une forme de colère. Pourquoi Derek venait-il le voir maintenant alors qu'il s'évertuait à ne faire que le strict minimum ? Son comportement avait véritablement changé. De manière subtile, mais Stiles était observateur et il savait reconnaître la gêne quand il la voyait. C'était comme ça que son isolement de la meute avait commencé.

Il en gardait un souvenir atrocement frais.

- Fais comme si je n'existais pas.

Ces mots-là étaient sortis tous seuls. S'agissait-il d'une pique, ou d'un appel à l'aide ? Dans tous les cas, Stiles n'avait pas la moindre intention de faire durer cet échange... Qui n'en était finalement pas un.

- Je ne peux pas ignorer ce que je sens, Stiles, finit-il par entendre.

Et cette voix, il avait l'impression qu'elle caressait sa peau tant elle était particulière, unique. Douce sans l'être. Bordel, ce qu'il l'aimait, cette voix. Pourquoi diable Derek avait-il gardé le silence jusqu'à maintenant ? Stiles se mordit la lèvre, mais ne put finalement retenir plus longtemps ce bout de colère qui fendait son cœur en deux :

- Jusqu'à maintenant, ça ne t'a pourtant pas dérangé...

Le reproche, il le lui faisait sans trop insister non plus. Ce qui sortait de sa bouche n'était pas grand-chose, si ce n'est une vérité – la sienne, uniquement. Celle qui lui sautait aux yeux depuis... Depuis que ça avait eu lieu. Stiles comprenait que Derek puisse vouloir ignorer certains de ses ressentis – la chose pouvait être usante, à la longue, surtout que le retour de l'hyperactif chez lui ne semblait pas près d'arriver. Ce qui dérangeait véritablement Stiles, c'était sa façon de faire... Comme si le baiser qu'ils avaient malencontreusement échangé était l'excuse parfaite pour commencer à s'éloigner de lui. D'ailleurs, pourquoi avait-il eu lieu ? Pourquoi diable avaient-ils joué avec le feu ? Sur le coup, Stiles n'avait pas eu l'air d'en avoir conscience... Et Derek non plus. C'était quelque chose qui s'était fait ainsi, qui les avait pris par surprise.

Mais la considération qu'ils lui accordaient différait. Stiles y pensait beaucoup et s'efforçait d'accepter que cela avait eu lieu pour mieux oublier. Derek ? Il s'éloignait petit à petit, sans le montrer directement tout en ignorant sciemment son odeur – c'était en tout cas sa conclusion. Cependant, Derek oubliait à qui il avait affaire : Stiles était peut-être affaibli par sa solitude, par ses blessures personnelles... Mais il restait observateur. Il avait besoin de voir les choses avant qu'elles n'arrivent – ça le rassurait.

Ainsi, il avait compris – du moins, il le pensait. Avait-il néanmoins envie d'affronter la situation maintenant ? Non, tout simplement parce qu'il n'était pas réellement en état. La nuit, c'était fait pour dormir : il ne lui manquait qu'à fermer les yeux, s'efforcer de vider son esprit et s'obliger à retrouver les bras de Morphée. Sombrer, c'était laisser passer les heures, se rendre victime du temps, se laisser porter par celui-ci. Or, faire face à Derek tout en sachant qu'il n'avait aucun moyen de tenir le coup et que ses yeux le piquaient atrocement ne lui plaisait pas beaucoup. Lorsqu'il se devait d'avoir une discussion sérieuse, Stiles aimait être maître de lui-même, maîtriser ses émotions. Actuellement, il était dans la pire position de faiblesse qui soit.

Face à lui, Derek soupira.

- Ce n'est pas ce que tu crois, Stiles, finit-il par lâcher après avoir laissé s'égrener quelques secondes d'un silence des plus pesants.

Un silence que Stiles endura comme une sentence qui alourdit davantage son cœur, noua un peu plus sa gorge.

- Peu importe, articula le châtain, l'air à bout. Bonne nuit.

Sur ces mots, il récupéra la couverture sans rencontrer la moindre résistance de la part de Derek et se rallongea correctement. Il ferma les yeux, se mit dos au loup-garou.

La discussion était close... Pour lui.

Help me, love me, save me...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant