Chapitre 11

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Gabriel entendit Stéphane rentrer tard cette nuit là. Il avait même cru qu'il ne rentrerait pas, mais il ne pouvait pas squatter définitivement chez son frère, qui en avait sûrement assez de le voir débarquer chaque fois que ça n'allait pas entre eux. 

Stéphane rentra aux alentours de 3 heures du matin, en manquant de trébucher sur quelque chose dans l'entrée et Gabriel l'entendit jurer. 

Il était sûrement bourré au possible, il empestait déjà l'alcool quand ils s'étaient engueulés alors ça ne l'étonnerait pas de savoir qu'il s'était encore noyé dans la boisson. Retenant de se lever et d'aller le voir, il se retourna dans son lit et se rendormit aussitôt. 

Le lendemain, Gabriel redouta presque de le croiser, mais Stéphane semblait déjà parti. Normalement il commençait plus tard que lui mais il avait pris ses précautions semble-t-il, quitte à partir beaucoup plus tôt que d'habitude. 

L'appartement était vraiment devenu le no man's land. Qu'importe, Gabriel chassa de son esprit la situation tendue et se prépara plutôt pour sa journée, qui commençait par un conseil des ministres chargé. Il allait donc avoir dans la même pièce que lui le Président et son ex. 

L'ambiance allait être électrique. Plus tous les autres ministres, dont la moitié le détestait. 

Il rejoignit rapidement son bureau pour faire sa réunion quotidienne avec son équipe, avant de saisir ses dossiers et de se rendre au conseil. En chemin, il tomba sur la Ministre du Travail, qui fit donc le chemin avec lui. 

Ils échangèrent quelques banalités, elle l'alerta notamment sur les bruits de couloirs comme quoi un attaché à l'Élysée avait la langue un peu trop bien pendue. Gabriel se renfrogna. Il connaissait les positions d'Emmanuel sur le sujet, qui se battait depuis des années pour n'avoir que de loyaux soldats, pourtant il y avait toujours des informations qui fuitaient et les mettaient dans des citations très inconfortables. 

Le Président accordait une très grande importance à sa communication : c'était lui qui annonçait ce qu'il voulait annoncer et non pas des collaborateurs ou pire encore des ministres, qui allaient balancer ça à la presse. Il fallait garder un certain contrôle sur tout ça. Visiblement il y avait toujours des soucis sur ce sujet. 

Gabriel promit à sa collègue de se pencher sur le problème, malheureusement ça faisait aussi partie de ses responsabilités de faire un peu de "RH". Mais il était débordé, il allait refiler ça au secrétaire de l'Élysée, qui adorait jouer au flic et tout serait réglé. Il n'avait pas le temps pour ça. 

Ils entrèrent tous les deux dans la pièce où allaient se réunir les ministres. Emmanuel était déjà là, en grande discussion avec le Ministre de l'Agriculture et celui des Armées, visiblement préoccupés. 

Gabriel salua tout le monde d'une franche poignée de main, le Président y compris. Tout n'était que façades en politique décidément. Emmanuel agissait de façon tout à fait naturelle et rien ne pouvait laisser penser qu'il s'était passé quelque chose entre eux. Gabriel s'efforçait lui aussi de faire bonne figure, ce qu'il faisait d'ailleurs particulièrement bien. 

Ils prirent un café et s'installèrent autour de la table. Il ne manquait que deux ministres à cinq minutes du début de la réunion : celui de la Transition écologique et Stéphane. Gabriel commençait à jouer nerveusement avec son stylo. Hors de question que le fraichement nommé Ministre des Affaires Étrangères ne se pointe pas et qu'il s'en excuse, soit par une dispute de couple et là ça mettrait Gabriel dans un sacré pétrin, soit parce qu'il était trop bourré pour tenir debout. 

En fait, dans les deux cas, Gabriel était un homme mort. 

Heureusement pour lui, les deux retardataires arrivèrent en même temps. Stéphane discutait joyeusement avec son collègue d'un accord européen sur le nucléaire, qui visiblement le passionnait. Ils saluèrent le président et Gabriel, en bon chef du gouvernement. Stéphane avait plutôt bonne mine compte tenu de la courte nuit qu'il avait eu et salua poliment Gabriel. 

Du moins c'est l'impression qu'il donnait. 

Ils purent commencer leur réunion, qui dura un certain temps puisqu'il y avait plusieurs sujets brûlants à l'ordre du jour, que ce soit les Jeux Olympiques, la reconstruction de Notre-Dame ou les propos glissants de certains membres du parti gouvernemental. 

Sur tous ces sujets il fallait avoir une maitrise complète et absolue de tout ce qui s'était dit. Être irréprochable. Emmanuel se montra intraitable sur le sujet. Autant il aimait travailler dans l'improvisation la plus totale, surtout en déplacements, changer le programme, les itinéraires (ce qui avait le don d'énerver ses collaborateurs) mais pour ses ministres il voulait le cadre le plus strict possible. 

Gabriel l'avait bien compris et avait la même vision que lui. Mais il avait la tête ailleurs ce matin. Au début il s'était réjoui de voir que Stéphane était installé loin de lui (il aurait détesté l'avoir en voisin proche) mais au final il était assis à côté du Président. 

Gabriel se renfrogna. Il n'avait aucune crainte à avoir, s'il y avait bien quelqu'un qui ne voulait pas parler de Gabriel avec le Président, c'était bien Stéphane. 

La réunion touchant à sa fin, tous les ministres prirent congés l'un après l'autre. A la fin il ne restait que quelques retardataires, Emmanuel était en grande conversation avec le Garde des Sceaux et Gérald Darmanin voulait montrer un dossier brulant à Gabriel. 

Du coin de l'oeil, le Premier ministre vit que Stéphane prenait son temps pour refermer ses pochettes. Comme s'il essayait de rester le plus longtemps possible pour lui parler, puisqu'il ne cessait de fixer Gérald comme pour lui dire "casse toi". 

Mais le Ministre de l'Intérieur avait d'autres préoccupations et Stéphane finit par s'en aller sans demander son reste. Une prochaine fois peut être. Ou alors Gabriel avait interprété de travers. Peu importe. 

Au bout d'une vingtaine de minutes, Emmanuel claqua la porte et se retourna vers son premier ministre. Ils étaient seuls désormais et la situation commençait à devenir légèrement tendue. Emmanuel se frotta les mains et passa sa main derrière ses cheveux. Gabriel l'observait sans bouger de l'autre côté de la pièce. 

Emmanuel s'approcha lentement de Gabriel, le regardant avec intensité. Comme s'il jouait un jeu, à savoir qui allait craquer en premier. Il contourna la table pour se rapprocher de son jeune premier ministre. Plus il approchait, moins Gabriel parvenait à garder de la contenance. 

– Emmanuel, murmura Gabriel, sa voix se fondant en un souffle à peine audible, je...tu ne peux pas faire ça. Nous devons être professionnels. Uniquement professionnels.

Emmanuel acquiesça, ses yeux ne le quittant cependant pas du regard. Il ne se trouvait qu'à quelques centimètres de ses lèvres. 

Gabriel voulait reculer et s'enfuir en courant mais il ne pouvait pas. Tout son corps refusait de bouger. Il ne pouvait pas ignorer l'envie qui lui rongeait les entrailles, celle de se jeter sur Emmanuel. Il ferma les yeux un instant pour tenter de s'en débarrasser. 

Quand il les rouvrit et retomba sur les deux yeux d'Emmanuel, la tension qui l'habitait augmenta d'un cran. Il avait soudainement très chaud et avait de plus en plus de mal à respirer correctement. 

– Je sais, Gabriel, mais je ne peux pas lutter. Disons que c'est plus fort que moi. 

Emmanuel avait murmuré ça dans un souffle. Il posa une main hésitant sur son torse et jouait distraitement avec le haut de sa cravate, sa main se rapprochant de plus en plus de sa joue. 

La tension entre eux créait une atmosphère électrique. N'importe qui pouvait entrer d'un instant à l'autre et les surprend dans un moment intime, interdit, indécent. 

– Je ne peux pas non plus nier ce que je ressens, admit Gabriel. 

Il ne réalisait pas qu'il venait de dire ça à voix haute. Mais à quoi bon ? Il avait eu ce "fantasme" fou il y a des années déjà. Il l'avait quelque peu oublié ces dernières années mais maintenant qu'il le côtoyait à chaque instant, c'était devenu difficile de l'empêcher de refaire surface.

Stéphane était parti pour de bon, il avait besoin de réconfort après tout, non ? 

- « Alors laisse toi faire » murmura Emmanuel. 

Gabriel laissa alors tomber toutes les barrières qu'il s'était efforcé d'ériger autour de lui. En l'espace d'un instant, il brisa tous ses codes, toutes les promesses qu'il avait faites. 

Tout tomba sous le seul regard perçant du Président de la République. 

TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant