TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel Attal

Chapitre 26

Gabriel jouait avec sa fourchette en silence. Il était arrivé à 20h30 pétantes pour le dîner avec le couple présidentiel (il se surprenait à rectifier dans sa tête, le second couple présidentiel). Brigitte l'attendait déjà et l'avait serré dans ses bras, comme la bonne amie qu'elle était. Gabriel lui avait rendu la politesse, tout sourire, mais n'en menait pas large. Emmanuel lui avait confié que sa femme avait commencé à avoir des doutes, Gabriel tentait donc de chercher dans le regard et l'attitude de la première dame tout signe qui pourrait lui faire comprendre qu'il allait passer une mauvaise soirée. Au lieu de ça, elle n'arrêtait pas de parler depuis 10 minutes en lui racontant ses dernières mésaventures. Qui aurait cru que la vie de première dame était aussi trépidante ? Emmanuel allait avoir un peu de retard et c'est Gabriel seul qui devait se coltiner les ragots peu intéressants de son amie, bientôt ex amie puisqu'il n'allait pas se risquer à garder des liens comme ceux qu'ils avaient pu avoir avant avec elle. Il se tapait déjà son mari dans tous les coins du palais la nuit, il n'allait pas non plus continuer à prendre le thé et à lui raconter les grandes lignes de sa vie, c'était malvenu. 

Après ce qui lui avait semblé être une éternité, Emmanuel fit enfin son apparition, l'air ravi. Gabriel ironisait intérieurement, Brigitte devait être ravie de voir son mari resplendissant et venir vers eux tout sourire, elle aurait fait une autre tête si elle savait vraiment à qui était destiné cette mine réjouie. Après une brève salutations (ils s'étaient croisés toute la journée), Emmanuel s'assit en face de Gabriel. Brigitte, quant à elle, était entre les deux et les plats brûlants occupaient ce qui aurait pu être la place d'une quatrième personne, en face de la première dame. Ils se servirent gaiement en tartare de saumon en échangeant quelques banalités. 

- « Alors, qu'est ce que vous me racontez de beau tous les deux ? » lança Brigitte en portant son verre de vin à ses lèvres. 

Gabriel lança un bref coup d'oeil à son voisin d'en face qui n'avait pas bronché. La question était totalement innocente mais pouvait appeler à d'autres sous-entendus. 

- « Rien de très particulier, on redémarre la campagne. A l'Assemblée on est en plein dans des discussions budgétaires, au moins il y a de l'ambiance » sourit Gabriel. Il savait que la première dame fuyait autant que possible les débats houleux et les disputes, mais lui avait un faible pour les ambiances survoltées dans l'hémicycle, où l'on voyait les vrais visages de certains, les joues bouffies, le teint écarlate, qui hurlaient à s'en décrocher les poumons. Lui restait toujours très calme et les regardaient s'époumoner en vain. Il lâchait deux trois phrases virulentes et retournait s'asseoir. 

- « Il est même très bon à ce petit jeu » glissa Emmanuel, ignorant les gros yeux de Gabriel. « Même Bruno a dû reconnaître l'autre jour que pour les Questions au Gouvernement il avait dépassé le maître »

- « Ce n'est pas la première fois que je laisse ce bon vieux Bruno à la traîne » rit Gabriel. A force de le mettre au tapis, le ministre de l'économie allait finir par croire que c'était une vendetta personnelle. Alors que non, juste Gabriel avait un talent inné d'orateur et que depuis qu'il était Premier ministre, ça se voyait davantage. Puis Bruno, mis à part insulter tous les partis de "pro Hamas" ou "pro Poutine", il manquait un peu d'arguments à la longue. Il fallait changer de disque pour rester au niveau. 

Brigitte sourit. Elle était fière du parcours de Gabriel, autant que celui de son mari, qu'elle avait soutenu depuis le début de son engagement en politique. Elle lui avait apporté les contacts qu'elle avait déjà, des journalistes, des politiques, des hommes et des femmes de terrain. Elle l'avait construit et fait de lui un président remarquable. Elle voyait en Gabriel la relève que tous, au sein de la majorité présidentielle, attendaient depuis un long moment mais que certains n'étaient pas forcément ravis de valider.