Épilogue

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Le gravier crissa sous ses pas. Gabriel ajusta le haut de sa veste et poussa un long soupir. Il pleuvait en discontinue depuis des semaines et il frissonnait malgré lui. Octobre était vraiment le mois qu'il détestait le plus. Il pressa le pas et atteignit le début de la pelouse. 

Il parcourut les allées d'un pas assuré et chercha des yeux l'endroit qu'on lui avait indiqué. Il n'avait pas hésité une seule seconde quand il avait appris la nouvelle. C'était l'occasion ou jamais de réparer les erreurs dont il s'en voulait tous les jours depuis tant d'années. Il contourna un caveau familial d'une taille et impressionnante et aperçu les détails de sa silhouette de loin. Il était bien là. Même à plus d'une cinquantaine de mètres, à travers la brume matinale, il l'aurait reconnu entre milles.  

Plus il s'approchait de lui, plus les battements de son coeur résonnaient à travers sa cage thoracique. Il inspira profondément et expira lentement. Les mains dans les poches, il triturait nerveusement les restes de papiers qui s'y trouvaient. Machinalement, il se mordillait la lèvre supérieure. Ce tic ne l'avait pas lâché depuis des années et le trahissait sans cesse mais il n'arrivait pas à s'en débarrasser. Il se retenait de trembler. A cause du froid ou à cause de ces retrouvailles, au fond de lui il n'en savait rien. 

Il arriva rapidement à sa hauteur, inconsciemment il avait marché plus vite, pressé, en manque. Heureux de le retrouver après toutes ces années. Crispé à l'idée de voir sa réaction. Il remarqua qu'il s'était quelque peu épaissi avec le temps mais il était toujours le même. Gabriel repéra quelques cheveux blancs supplémentaires depuis la dernière fois. Mais il avait toujours cet air fier, cette silhouette athlétique, puissante. Il n'avait pas changé. 

5 ans étaient passés depuis l'accession de Gabriel au pouvoir. Les élections un mois après le 9 juin 2024 avaient été triomphantes, il n'avait eu aucun mal à mettre au tapis ses adversaires malgré une campagne éclair et une abstention -encore une fois- record. Son quinquennat venait de s'achever et il n'avait pas souhaité se représenter. Bruno, qui avait repris le flambeau, venait de concéder la victoire. La République en Marche allait peu à peu s'effondrer, tous le savaient. C'était la fin d'une ère. 

5 ans que Gabriel n'avait pas revu Emmanuel. Au début, ils étaient restés en contact pour des raisons purement politiques. Des messages, des appels, des réunions en visio-conférence mais le cadre était uniquement formel. Ils avaient tenté de se revoir, peut être pour entretenir une flamme qu'ils croyaient toujours vivace et promise à un bel avenir. Mais le feu de la passion s'était peu à peu éteint. Emmanuel, désemparé et au bord de la dépression, avait fait silence radio côté relationnel. Gabriel, occupé par ses nouvelles fonctions, s'occupait de redresser la barre du pays. Il y était parvenu, péniblement. Le succès n'avait été que temporaire cependant, les crises s'étaient enchaînées. Au final il avait presque tenu bon, il avait terminé son quinquennat sur une note positive. Une note positive parmi un océans de scandales et d'échecs. 

Les deux hommes s'étaient uniquement vus par interviews interposées au fil du temps mais depuis cette scandaleuse révélation il y a bien des années, l'ancien président s'était considérablement reculé de la scène politique. Il en avait même presque disparu. Il accordait rarement des interviews et s'était retiré avec Brigitte dans leur maison secondaire.   

Alors, peu après la fin définitive de son quinquennat, il avait appris la nouvelle. Il avait appris le décès d'une femme qu'il considérait à une époque comme une grande amie et qu'il n'avait jamais cessé de respecter et d'admirer au fond de lui. Une femme qu'il avait profondément blessé et qui avait réussi le miracle de lui accorder son pardon, du moins selon ses dires. Brigitte s'était éteinte paisiblement, entourée de son mari et de ses amis proches, six jours auparavant. L'enterrement s'était fait en comité restreint, selon les volontés de la famille. Gabriel, comme la majorité des personnalités politiques de son temps, n'y avait pas été invité mais il respectait les volontés de l'ancienne première dame. 

TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant