Chapitre 19

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Une chose était sûre avec Brigitte Macron, elle ne passait pas par quatre chemins. Gabriel, lui, avait du éviter trois crises majeures au sein de son gouvernement, pas moins de quarante appels de ses collaborateurs et un message d'Emmanuel qui lui disait, gentiment, de se démerder, tout ça pour rejoindre la première dame pour le dîner, quatre jours après cependant puisque malheureusement le pays était en pleine crise et il n'avait pas pu se libérer. Autant dire qu'il laissait le pays à feu et à sang pour un pavé de saumon et un excellent dessert. 

Il écoutait la vieille femme (sans vouloir la vexer) déblatérer tout un argumentaire sur comment les pièces jaunes avaient mal marché cette année. Si lui se lançait dans le récit de ses problèmes, ça pouvait vite tourner au récit dramatique et complètement lunaire. Autant rester sur les pièces jaunes, ça valait mieux. Il avait sûrement l'air complètement épuisé, en même temps il l'était. Il avait des cernes depuis des semaines, ne dormait pas bien, du moins pas souvent, avait la tête dans ses dossiers du matin au soir et les journalistes aux fesses, l'attendant à chaque tournant. Malgré cela, Gabriel adorait ce qu'il faisait. Sauf, comme dans le cas présent, la présence obligatoire presque à ce genre de diner alors qu'il avait beaucoup mieux à faire. Il n'avait pas vu Emmanuel depuis la dernière fois. Enfin, rectification, ils s'étaient vus mais jamais assez longtemps seuls. Ils avaient échangé quelques baisers furtifs mais Gabriel avait grandement besoin de se détendre et il ne connaissait personne pour l'y aider, à part le président. 

– « Tu n'es pas très bavard ce soir » remarqua Brigitte, qui daignait enfin le regarder pour de vrai. Gabriel chassa aussitôt de son esprit l'image des mains d'Emmanuel parcourant tout son corps. C'était pas vraiment le moment.  

– « Désolée, beaucoup de travail en ce moment » sourit Gabriel en guise de réponse. Elle devait avoir l'habitude de toutes façons. Emmanuel était au pouvoir depuis des années et était un grand habitué de soirées interminables, de nuits nocturnes et autre. 

Comme si elle lisait dans ses pensées, Brigitte répondit sur le même ton. 

– « Oui je me doute, Emmanuel m'a habituée à ça disons » rit-elle. « Hier encore il est rentré tard à cause d'une réunion »

Gabriel fit d'incommensurables efforts pour ne pas s'étouffer de surprise. Oui, une réunion, évidemment. Il hocha la tête. Quoi répondre de plus de toutes façons. Comme si Brigitte se doutait de quelque chose, elle le scruta, suspicieuse. 

– « Tu n'étais pas à la réunion ? »

Alors là. Gabriel ne savait pas ce qu'Emmanuel avait bien pu raconter encore. Quant à lui, il n'avait rien mis dans son agenda non plus, donc soit il était libre, soit il était donc à cette fameuse réunion. Il opta pour le "en même temps". Technique redoutable mais particulièrement efficace. 

– « Je suis passé en coup de vent, j'avais d'autres choses sur le feu » dit-il tout simplement. Il était presque soulagé quand il vit que Brigitte ne posa pas plus de questions. Le contenu des réunions ne l'intéressait sûrement pas et ça tombait bien, Gabriel n'avait pas le courage de se lancer dans des récits d'invention ce soir. 

Le téléphone de Brigitte vibra. Elle s'exclama, la mine satisfaite. Gabriel lui, triait distraitement les légumes dans son assiette. Le diner le plus long du monde. Il aimait beaucoup Brigitte mais juste pas ce soir, et non pas au moment où il se tapait son mari dans des positions toutes les plus inconcevables les unes que les autres. 

– « Parfait ! Stéphane arrive, je vais pouvoir dire au chef de rajouter un couvert »

Cette fois, Gabriel s'étouffa vraiment avec son verre d'eau. Putain de mégère. Stéphane ? 

– « Comment ça il arrive ? » Gabriel avait lancé ça de manière plutôt sèche. 

– « Il va mieux, ce n'était qu'une entorse et pour ses côtes, il s'en remettra. Il tenait absolument à venir » souligna Brigitte. 

C'était un cauchemar. Gabriel aurait préféré que Stéphane se casse vraiment la jambe. Comment diable pouvait-il marcher ? C'était vraiment un terroriste en puissance ce type. Il se relevait de tout. 

Stéphane entra quelques instants plus tard, avec une béquille pour s'appuyer. Il avait toujours l'air très fatigué, des marques sillonnaient encore son visage mais il marchait. Il avait l'air totalement effondré à l'hôpital mais il semblait presque en forme ? Une semaine s'était écoulée mais quand même. Il embrassa Brigitte et lança un regard poli à Gabriel, mais un fin sourire s'étirait sur son visage. Gabriel ne savait pas s'il le narguait, le draguait ou voulait le tuer. Les trois étaient possibles. 

– « Bonsoir Gabriel » murmura Stéphane. Ce à quoi le premier ministre répondit par un "bonsoir" protocolaire. 

Gabriel maudissait intérieurement Brigitte. Emmanuel était au courant de leur rupture, et maintenant peut être même tout le gouvernement. Quoique, l'information n'avait pas fuité dans la presse, donc l'espoir était encore là. Mais Brigitte était forcément au courant. Pourquoi l'avoir invité donc ? 

– « Je me suis dit que c'était une bonne occasion pour vous deux » sourit Brigitte de toutes ses dents. 

Gabriel hocha la tête. Brigitte était forcément au courant de la liaison de son mari. Il ne voyait pas comment ça pouvait en être autrement. Ou alors elle faisait preuve d'une betise assez remarquable. 

– « Je reprends bientôt du service » sourit Stéphane. Il avait en effet repris quelques dossiers pendant sa -trop courte- convalescence. Gabriel en avait toujours à peu près rien à cirer, le ministre par interim travaillait d'ailleurs beaucoup mieux que lui alors Gabriel était ravi. 

– « C'est bien » dit Gabriel en posant sa serviette à côté de son assiette. Il ne voulait pas assister plus longtemps à ce piège déguisé en dîner. Hors de question de rester trois minutes de plus. 

– « Tu pars déjà  ? » s'étonna Brigitte. 

– « Au cas où tu ne sois pas au courant, » répondit Gabriel qui n'avait pas l'envie ni le temps de passer par quatre chemins cette fois, « Stéphane m'a trompé, nous ne sommes plus ensemble, il agit comme un con et je n'ai pas le temps pour ça. Merci pour l'invitation. »

Sans adresser un seul mot à son ex, il prit congé. Avant d'atteindre la porte, il fut interrompu par la voix de Stéphane qui s'adressait discrètement à Brigitte, mais pas assez discrètement puisque Gabriel avait pu l'entendre murmurer : 

– « Il changera d'avis »

Il avait l'air bien sûr de lui le bougre. Brigitte était peut être très attachée à Stéphane, plus que nécessaire. Elle avait souvent reçu le couple pour dîner à l'époque mais Gabriel n'avait pas remarqué d'attache particulièrement fusionnelle avec Stéphane. Peut être parce qu'il n'avait pas pris le temps de regarder ou peut être parce qu'il s'en fichait. Peu importe. Si l'objectif de Brigitte était de les remettre ensemble parce qu'elle n'avait que ça à faire, alors qu'elle change de préoccupation. 

Gabriel avait un nouvel amant qui faisait particulièrement bien son travail. Le simple fait de savoir que ce soit c'est lui qui allait se retrouver dans son lit et non pas l'autre momie le réjouissait au plus haut point. Il envoya un message à Emmanuel, qui était apparemment seul dans son bureau, une première. Et il avait encore une heure de libre. 

Quelle belle soirée. 

TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant