Chapitre 10

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– J'arrive au mauvais moment peut être ? dit Gabriel, l'air froid. 

Stéphane grinça des dents et se gratta l'arrière du crâne, assez gêné. Ses deux valises avaient l'air de peser une tonne chaque. Il foutait vraiment le camp avec l'intégralité de ses affaires. Tant qu'à faire il aurait pu partir aussi avec sa machine à café et le canapé. 

– J'ai laissé un mot pour toi sur la table de chevet, finit-il par lâcher. 

– Tu trouves que c'est une excuse valable ? Tu pars comme un voleur, pour une erreur que TU as commises ? Et tu me laisses une lettre ? On est encore au collège ? répondit sèchement Gabriel, agacé. 

Non, il n'allait pas le laisser partir comme ça. 

– Je suis désolé pour Alexandre. Je n'aurais jamais dû faire ça, j'étais...j'étais tellement..à bout de nerfs

– Pourquoi ?

– Tu es Premier ministre depuis trois jours et tu as déjà disparu des radars ! Tu n'es jamais là, tu ne réponds jamais et quand tu rentres tu travailles encore ! Et pour ne rien arranger, Emmanuel ne te laisse jamais de répit !

Stéphane avait presque crié les dernières phrases. Il semblait vraiment à bout mais Gabriel ne comprenait toujours pas. 

– Au risque de t'apprendre quelque chose, dit-il sarcastiquement, je suis Premier ministre, je travaille donc TOUT LE TEMPS et AVEC le Président, c'est la base du métier. Et je ne vais pas m'en excuser. Quant au reste, ça pourrait largement être conciliable si tu n'agissais pas comme un gamin de 15 ans ! Est ce que je t'ai dit quelque chose pour tes déplacements futurs de trois semaines à l'étranger ?

Touché. Stéphane ne savait plus quoi répondre mais de toutes façons il n'y avait rien à répondre. Il avait été blessé et jaloux. Son ego en avait pris un sacré coup et il avait voulu évacuer tout ça en sautant sur le premier venu. Forcément. 

– Tu ne peux pas partir, finit par lâcher Gabriel. 

Stéphane releva la tête. Il y avait un espoir alors. Il avait vraiment de la chance d'avoir Gabriel dans sa vie, qui, malgré ses conneries, lui pardonnait toujours. 

– Merci, je..je sais que c'est difficile pour toi. Vraiment, je me ferai tout petit

– Ne rêve pas trop. Tu n'es plus rien pour moi maintenant. Tu ne pars pas parce que tu ne peux pas partir, grosse nuance. Les médias font déjà de nous le super couple de l'Élysée. Donc tu ne vas nulle part, tu la fermes et ce n'est pas négociable.

Stéphane ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose mais la referma aussitôt. Il se foutait du monde ou quoi ? 

Gabriel, lui, affichait un sourire froid mais se retenait encore une fois de l'étriper. Pas question que les conneries de son compagnon ne l'affectent médiatiquement. Il allait rester ici et se la fermer, le temps nécessaire. 

Ensuite, il le jetterait dehors, prétextant des emplois du temps compliqués et irréconciliables. Ça passerait comme une lettre à la poste. Toute cette haine viscérale qu'il ressentait en lui avait suffit à effacer sa douleur. 

Et c'était tant mieux, il n'avait pas le temps pour ça. Il n'avait pas le temps de pleurer toutes les larmes de son corps, comme il en avait envie, tant il était perdu. 

– Et Monsieur se demande pourquoi je vais voir ailleurs..T'es vraiment un con de première, ricana Stéphane. 

Gabriel haussa un sourcil. Il avait passé rapidement l'étape des excuses pour sauter directement à la case "insultes et compagnie". Case qu'il appréciait particulièrement. 

– T'es tellement obnubilé par le pouvoir...Tu peux pas voir comme t'as changé. Il ne faudrait pas que Monsieur-le-plus-jeune-premier-ministre-et-futur-président soit gêné dans son ascension par un pauvre con dans mon genre !

– Je crois que j'ai le droit de demander à mon mec depuis 6 ans de ne pas me tromper et d'éviter ensuite de se barrer comme un voleur en me foutant la honte ? Tu restes, t'assumes, tu la boucles et puis dans quelques semaines je te débarrasse définitivement de ma présence, dit Gabriel en pointant un doigt accusateur sur Stéphane. 

Il s'approcha jusqu'à ce qu'ils ne soient qu'à quelques centimètres d'écart l'un l'autre. Gabriel fronça le nez, son (futur ex) compagnon sentait l'alcool à plein nez. Il n'en ratait pas une. 

– Tu perdras tout le monde à force d'être...comme ça, lâcha Stéphane. Il le méprisait du regard. 

– Et je suis comment ?

– Arrogant. Égoïste. Obnubilé par ta carrière, par ce que les gens peuvent penser de toi, par ton image. Tout passait avant moi ! Le Président, tes collègues, tes collabs. Ils passent TOUS avant moi ! A force de t'en foutre de ce que ressentent les gens tu finiras seul comme un con.

– Seul mais au pouvoir. Et sans toi dans mes pattes pour m'emmerder ou me demander un poste intéressant. Va ranger tes valises et dégage pour ce soir, siffla Gabriel à son oreille avant de se diriger vers la cuisine pour se servir un verre dont il avait grandement besoin. 

Il avait gagné la partie et ne voulait plus entendre parler de Stéphane avant un long moment. Dire qu'il allait devoir se le taper pendant toutes les réunions. Peut être qu'il réussirait à le virer avant 2027, comme pour Gérald. Un 2 en 1 magnifique. 

Stéphane saisit brusquement son poignet pour le retenir. Gabriel tenta de résister et de se dégager rapidement de son emprise. Mais Stéphane ne l'entendait pas de cette oreille. 

Il resserra sa prise et commençait à lui faire mal. Il lui faisait vraiment mal. Gabriel essaya de se dégager mais rien à faire, Stéphane le toisait d'une bonne dizaine de centimètres et était bien plus fort que lui. Ils n'allaient pas en venir aux mains quand même ?  

– Lâche moi ou je te jure que je t'en colle une, prévint Gabriel, furieux. 

Stéphane retira sa main d'un coup sec et Gabriel se massa le poignet. Il avait déjà les contours d'un bleu. Il releva la tête, choqué et complètement furieux. 

Le coup partit tout seul, il gifla Stéphane. Un grand silence suivit, ils se regardaient tous les deux, attendant de voir ce que l'autre allait faire. Stéphane, la joue rouge et Gabriel le poignet endolori. 

– Très bien » abdiqua Stéphane en serrant les dents. Je reste aussi longtemps que Monsieur le désire. 

Sur ces mots, il reprit ses valises et les traina dans le couloir. Avant d'atteindre leur chambre, il tourna à droite. Il allait dormir dans la deuxième chambre. Hors de question de rester aux côtés de Gabriel. 

Il fit un raffut pas possible en rangeant ses affaires (enfin plutôt en les foutant n'importe comment dans le dressing) et réapparut quelques secondes plus tard. Il passa devant Gabriel en le bousculant, ouvrit la porte et s'en alla pour aller Dieu ne sait où. 

Gabriel s'en moquait. 

Il avait obtenu ce qu'il voulait. Stéphane l'avait trompé, il n'avait pas encore eu le temps d'être triste. Il était profondément blessé de cette trahison, qui au fond n'était que le résultat de la jalousie et des caprices de son compagnon. 

Mais son comportement depuis quelques temps était devenu toxique. Il fallait que ça cesse et ils semblaient avoir atteint un point de non retour aujourd'hui. 

Dans quelques semaines, ils allaient définitivement clore le chapitre de leur histoire commune. Juste pour une connerie. 

Gabriel soupira et alla dans la cuisine. Le bleu était désormais bien formé sur son poignet. La situation aurait pu empirer mais ils en étaient restés là, heureusement. Il attrapa une bouteille et se servit le grand verre dont il avait besoin. 

Après quelques gorgées, il estima qu'il était assoiffé et se décida à tout liquider. 

Il avait perdu l'homme de sa vie, la moitié de ses ministres le méprisaient, les Français le détestaient et le Président semblait hésiter entre vouloir coucher avec lui, le ridiculiser, l'abattre médiatiquement, ou les trois à la fois. 

 Au point où il en était, que pouvait-il lui arriver de pire ? 


TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant