- « Reviens ! »
Gabriel avait lâché ça un peu trop précipitamment peut être. Qu'importe. Cette fois, il n'allait pas se laisser marcher sur les pieds et se faire mener par le bout du nez comme un vulgaire pantin. Il entendit les pas d'Emmanuel s'arrêter dans le couloir et revenir dans le bureau du premier ministre. Il avait l'air étonné mais esquissait un petit sourire victorieux.
Gabriel l'invita d'un geste de la main à se rasseoir, ce qu'il fit sans se prier. Emmanuel prit d'abord soin de refermer la porte du bureau avant de rejoindre le siège qu'il avait quitté il y a quelques secondes à peine.
Les rôles étaient presque échangés. De son immense bureau, le premier ministre toisait le président, ce dernier le fixait du regard sans broncher, comme suspendu à ses lèvres et attendant qu'il s'exprime. Le jeune ministre cru presque percevoir une lueur de défi briller dans les yeux d'Emmanuel, ce regard qui l'incitait à avancer sur un terrain bien trop dangereux mais qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'emprunter. Mais Gabriel prenait presque un malin plaisir à le faire attendre. En réalité, il ne savait pas quoi dire. Par où commencer ? Il avait tellement de choses à dire mais à la fois si peu. Fallait-il vraiment mettre des mots sur la situation ? Ou l'occulter ? Peut être que toute cette histoire, ses ressentis, ses émotions, étaient bien mieux tout au fond de sa tête que révélées au grand jour. Il n'avait jamais été doué pour communiquer. En tout cas, pas sur ces sujets là. Le reste, c'était une machine de guerre. Gabriel se surprit à penser ça, il espérait se rassurer lui même. Tout ce qu'il s'était construit s'écroulait comme un château de cartes ces derniers temps.
- « À quoi tu joues ? » finit par lancer Gabriel après un temps de silence, où ils se jaugeaient en silence. Sous le bureau, la jambe droite du premier ministre tressaillait nerveusement. Emmanuel ne pouvait pas le voir et ça l'arrangeait. Gabriel n'avait aucune raison de lui donner encore un avantage supplémentaire. Il surplombait largement la conversation, même en se faisant "mener".
- « Comment ça ? » répondit Emmanuel du tac au tac, pas surpris par ce soudain changement de ton. Sa question et ses interrogations étaient-elles si prévisibles que cela ?
Gabriel l'évalua du regard. Le Président était confortablement assis dans le fauteuil en face de lui, les jambes croisées et les bras reposés sur les accoudoirs. Il était en simple chemise blanche, dont les deux premiers boutons étaient déboutonnés et semblait tout à fait l'aise malgré l'air frais de fin de soirée qui traversait le bureau à travers la fenêtre entrouverte. Il avait les cheveux un peu en bataille mais le teint un peu plus bronzé après son séjour en Guadeloupe. Emmanuel était plus attirant que jamais mais toujours aussi mystérieux. Il s'était fait une image impeccable, un regard à la fois charmant et distant et ne se laissait jamais dépasser par la situation. Ces années passées au plus haut du pouvoir lui donnaient un avantage sur les autres que Gabriel n'arrivait pas à contourner, comme si rien ne semblait réellement l'atteindre. Que fallait-il faire pour le percer à jour et le forcer à parler ? Gabriel connaissait ses talents pour enjoliver les populations, faire de magnifiques discours et rassurer par de belles paroles lyriques. Il l'avait tant vu faire. Il connaissait la bête politique qu'il était mais jour après jour il n'arrivait plus à cerner l'homme derrière le masque.
- « Tu sais très bien de quoi je parle » souffla Gabriel, lassé. Voyant qu'Emmanuel le fixait toujours sans rien dire, il poursuivit. « Si on pouvait arrêter de faire semblant trente secondes » dit-il plus froidement.
- « Faire semblant de quoi ? » Emmanuel ne l'avait pas regardé dans les yeux. Il évaluait la pièce du regard et semblait vraiment intéressé par la photo de Volta qui trônait en bonne position sur le bureau de son premier ministre. Il esquissa une petite moue, Gabriel ne sut pas deviner si c'était pour s'attendrir ou se moquer.
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TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel Attal
أدب الهواةDeux monstres politiques. L'un, président depuis près de 7 ans, l'autre fraîchement nommé premier ministre. L'un est fatigué par le pouvoir, habitué aux frasques politiques, l'autre est dynamique, ambitieux et veut plaire aux Français. Un renouveau...