La veille du départ de Camille, on se réunit toutes dans sa chambre pour l'aider à préparer ses dernières affaires. Luna regroupe ses gels et ses shampoings et les range soigneusement dans sa trousse de toilette. Camille n'arrive pas à choisir son manteau.
— Je prends mon caban et ma doudoune ou juste mon caban ? me demande-t-elle.
— Juste le caban. Ça se met avec tout.
Je suis allongée sur son lit, d'où je supervise les opérations.
— Luna, vérifie que le bouchon de la lotion est bien fermé.
— Elle est toute neuve ! Bien sûr que le bouchon est fermé ! grogne Luna.
Mais elle vérifie tout de même.
— En Écosse, il fait froid beaucoup plus tôt qu'ici, dit Camille en pliant son manteau, avant de le placer sur le dessus de la valise. Je crois que je ferais mieux d'emmener les deux.
— Pourquoi tu m'as demandé si tu connaissais déjà la réponse ? Et je croyais que tu rentrais pour Noël. C'est toujours d'actualité, j'espère ?
— Oui, mais seulement si tu arrêtes de jouer les sales gosses.
Honnêtement, je trouve qu'elle n'emporte pas grand-chose. Si j'étais à sa place, j'emballerais toutes mes affaires. Mais Camille, non. Sa chambre est restée presque identique. Elle s'assoit à côté de moi. Luna grimpe à son tour sur le lit. Je soupire.
— Tout va changer.
Camille fait une drôle de tête et me prend dans ses bras.
— Le plus important ne changera jamais : on sera toujours les filles Silva !
Notre père est debout à l'entrée de la chambre. Il toque. Pourtant la porte est grande ouverte, et on voit très bien que c'est lui.
— Je vais commencer à charger la voiture, nous annonce-t-il.
Sans se lever du lit, on le regarde prendre la première valise, la descendre et remonter prendre la deuxième.
— Ne m'aidez surtout pas ! plaisante t-il.
On répond toutes en chœur :
— T'inquiète pas, on bouge pas !
Toute la semaine, notre père était en mode « nettoyage de printemps » – sans printemps. Il s'est débarrassé de tout : la machine à pain qui n'a jamais servi, des CDs, des vieilles couvertures, l'ancienne machine à écrire de notre mère. Tout est parti à l'Armée du Salut. Je suis sûre qu'un psy comprendrait le lien entre son comportement et le départ de Camille pour la fac, mais moi, je ne fais que constater. En tout cas, c'est pénible. Il s'en est pris deux fois à ma collection de licornes en cristal. J'ai dû le repousser pour qu'il la laisse tranquille.
Je pose la tête sur les genoux de Camille.
— Tu rentres vraiment pour Noël, j'espère.
— Mais oui.
— J'aimerais bien venir avec toi, maugrée Luna. Tu es plus gentille que Nina.
Je la pince.
— Tu vois ? geint-elle.
— Nina sera gentille avec toi si tu es sage, réplique Camille. Et vous devrez vous occuper de papa. Empêchez-le de travailler tous les samedis. Rappelez-lui d'emmener la voiture au contrôle technique, le mois prochain. Et pensez à acheter des filtres à café ! Vous oubliez toujours.
— À vos ordres, caporal ! entonne-ton en chœur.
Je dévisage Camille, à l'affût d'un signe de tristesse ou d'angoisse. D'une preuve qu'elle a peur de partir si loin, qu'on lui manquera autant qu'elle nous manquera. Mais je ne détecte aucune émotion.
Ce soir, on couche toutes les trois dans sa chambre.
Luna s'endort en premier, comme toujours. Je suis allongée dans le noir, à côté d'elle, les yeux ouverts. Je n'arrive pas à dormir. L'idée que Camille ne sera plus dans cette chambre demain soir me rend tellement triste que j'ai du mal à respirer. Je déteste le changement plus que tout.
On est toutes les deux dans l'obscurité.
— Nina... fait soudain Camille, tu crois qu'on ne tombe amoureux qu'une seule fois ? Pour de vrai, je veux dire ?
Sa question me prend complètement au dépourvu. Je n'ai pas de réponse toute faite. J'essaie d'en trouver une, mais Camille reprend :
— J'aurais aimé tomber amoureuse plus d'une fois. Je crois qu'on devrait aimer au moins deux personnes au lycée, dit-elle avec tristesse, avant de pousser un soupir et de s'endormir.
Camille s'endort toujours comme ça. Un dernier soupir et hop ! Elle tombe dans les bras de Morphée.
Je me réveille au milieu de la nuit. Camille n'est plus là. Luna est recroquevillée à côté de moi, mais il n'y a aucun signe de Camille. Les rideaux tamisent la lumière de la lune. Je sors du lit et je vais à la fenêtre. Ce que je vois me coupe le souffle. Ils sont là, dans l'allée. Sacha et elle. Elle détourne le regard. Il pleure. Ils ne se touchent pas. Si Camille avait changé d'avis, ils seraient plus près l'un de l'autre.
Je ferme le rideau et me remets au lit. Luna a roulé au milieu. Je la pousse pour que Camille ait la place de se rallonger. J'aurais préféré ne pas voir ça. C'était trop personnel. Trop vrai. Ce moment n'appartenait qu'à leur couple. Si seulement je pouvais oublier cette scène...
Je me tourne sur le côté et je ferme les yeux. Je me demande ce que ça fait lorsqu'un garçon vous aime tellement qu'il pleure. Et pas n'importe quel garçon. Sacha. Notre Sacha à nous.
Pour répondre à sa question, oui, je crois que j'ai déjà été amoureuse pour de vrai. Une seule fois. De Sacha. Notre Sacha à nous.
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A tous les garçons que j'ai aimés ( reprise )
Fanfiction"Chaque fois que je prend la plume, je me laisse complètement allez, comme si personne n'aillais jamais me lire. C'est le cas, d'ailleurs. Je couche dans ses lettres mes pensées les plus secrètes, mes observations les plus fines, tout ce que j'ai ga...