Chapitre 8

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Plus tard dans l'après-midi, Chloé m'appelle pour me donner rendez-vous au centre commercial. Elle voudrait mon avis avant d'acheter une veste en cuir et insiste pour que je vienne la voir. Je suis flattée qu'elle me demande conseil en matière de mode, et ça me ferait du bien de sortir et d'arrêter de me morfondre, mais j'ai peur de conduire toute seule. De l'avis de tous, je suis plutôt nerveuse au volant.

Je lui demande de m'envoyer une photo, mais Chloé me connaît par cœur. 

Nan, nan. Tu bouges tes fesses et tu rappliques, Nina. Si tu veux t'améliorer, tu dois te forcer à conduire ! 

Me voilà donc en route pour le centre commercial à bord de la voiture de Camille. J'ai mon permis, c'est juste que je n'ai pas confiance en moi. Mon père m'a servi de copilote un nombre incalculable de fois. Camille aussi. Quand ils sont avec moi, je n'ai aucun problème, mais dès que je suis toute seule, je panique. J'ai surtout peur de changer de voie. L'idée de quitter la route des yeux, ne serait-ce qu'une seconde, me terrifie. Et je n'aime pas aller trop vite. 

Mais le pire, c'est que j'ai tendance à me perdre. Les seuls endroits où je peux me rendre sans problème, c'est le lycée et le supermarché. Je n'ai jamais mémorisé d'autres itinéraires, car c'est toujours Camille qui nous trimbale. Mais maintenant, il faut que je me secoue ! C'est à moi de conduire Luna d'un endroit à un autre. Je dois avouer que ma petite sœur a un meilleur sens de l'orientation que moi, mais je n'ai pas envie qu'elle m'explique le chemin. Je veux jouer mon rôle de grande sœur et qu'elle se laisse guider. Qu'elle me fasse confiance, comme moi avec Camille. 

Certes, je pourrais utiliser un GPS, mais je me sentirais bête d'avoir besoin d'instructions : je suis déjà allée des millions de fois au centre commercial ! Ça devrait me revenir naturellement, sans réfléchir. Au lieu de ça, j'hésite à chaque carrefour, je me pose des questions devant chaque panneau : C'est vers le nord ou vers le sud ? Je dois prendre à droite maintenant ou à la prochaine ? Je n'y ai jamais fait attention. 

Mais pour l'instant, tout va bien. J'écoute la radio, je bouge la tête en rythme avec la musique... Je vais même jusqu'à conduire d'une seule main. Mais bon, ce n'est qu'un stratagème pour avoir l'air détendue. Plus on fait semblant, plus on y croit. 

Tout se passe tellement bien que je prends un raccourci au lieu de suivre la voie rapide. Au moment de m'engager, je me demande si c'est une bonne idée. Effectivement, au bout de quelques minutes, je ne reconnais plus rien et je comprends que j'aurais dû prendre à gauche au lieu de tourner à droite. Je panique un moment, mais je me reprends et j'essaie de faire demi-tour. 

Tu peux le faire, tu peux le faire. 

J'arrive devant un « cédez le passage ». Il n'y a personne, alors je trace. Je ne vois pas la voiture à ma droite, elle me percute avant. 

Je hurle à tue-tête. Une odeur de cuivre me remplit la bouche. Je saigne ? Je me suis coupé la langue ? Je tâte, mais je n'ai rien. Mon cœur bat à cent à l'heure. Je transpire à grosses gouttes. J'essaie de respirer profondément, mais je n'arrive pas à remplir mes poumons. 

Je sors de la voiture, les jambes flageolantes. L'autre conducteur est déjà descendu. Il inspecte son véhicule, les bras croisés. Il est vieux. Plus vieux que mon père. Il a des cheveux gris et porte un short rouge à imprimé homards. Sa voiture n'a rien. Mon aile droite est défoncée. 

Vous n'avez pas vu le panneau ? demande-t-il. Vous écriviez un SMS ou quoi ? 

Je secoue la tête, la gorge nouée. Je ne veux pas pleurer. Tant que je ne pleure pas...J'ai l'impression qu'il sent mon angoisse, car il semble s'adoucir. 

A tous les garçons que j'ai aimés ( reprise )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant