Voici comment on a rencontré Sacha. On prenait le thé avec nos nounours dans le jardin. Du vrai thé avec des vrais muffins. On s'était installées derrière la maison pour passer inaperçues. À onze ans, j'étais beaucoup trop âgée pour ce genre de jeux. Et Camille, du haut de ses treize ans, l'était encore plus. L'idée m'était venue en lisant un livre. J'avais réussi à convaincre Camille en prétendant que c'était pour Luna. Maman était morte l'année précédente et Camille disait rarement « non » quand il s'agissait de faire plaisir à notre cadette.
On avait tout posé sur son ancien plaid de bébé – une couverture bleue et rêche avec des écureuils dessinés dessus. J'y avais installé le service à thé ébréché de Camille, des mini-muffins aux myrtilles – auxquels j'avais ajouté le sucre granulé que j'avais forcé papa à acheter au supermarché – et un nounours par personne. J'avais insisté pour qu'on porte des chapeaux. J'avais tellement répété : « une tea party sans chapeau, c'est nul » que Camille avait fini par céder, mais seulement pour me faire taire. Elle portait le chapeau de paille que maman mettait pour jardiner, Luna une visière de tennis et moi la vieille toque en fourrure de grand-mère, agrémentée de fleurs en plastique.
Je versais le thé tiède du thermos dans nos tasses lorsque Sacha a escaladé la palissade pour nous observer. Un mois plus tôt, postées dans la salle de jeux à l'étage, on avait regardé sa famille emménager en espérant qu'il y aurait des filles. Quand on avait vu les déménageurs descendre un vélo de garçon, on s'était remises à jouer.
Sacha, juché sur la palissade, ne disait pas un mot. Camille était raide et gênée. Elle avait les joues rouges, mais elle a gardé son chapeau. C'est Luna qui l'a appelé.
— Bonjour, toi, lui a-t-elle dit.
— Salut, a-t-il répondu.
Il avait les cheveux en bataille et n'arrêtait pas de repousser la mèche qui lui tombait sur les yeux. Il portait un tee-shirt rouge troué à l'épaule.
— Comment tu t'appelles ? a demandé Luna.
— Sacha.
— Viens jouer avec nous, Sacha, lui a t-elle ordonné.
Et il s'est joint à nous. À l'époque, rien ne laissait présager l'importance qu'aurait ce garçon dans nos vies. D'un autre côté, si je l'avais su, qu'aurais-je pu y faire ? Lui et moi, on n'était tout simplement pas faits pour être ensemble. Quoique.
VOUS LISEZ
A tous les garçons que j'ai aimés ( reprise )
Fanfiction"Chaque fois que je prend la plume, je me laisse complètement allez, comme si personne n'aillais jamais me lire. C'est le cas, d'ailleurs. Je couche dans ses lettres mes pensées les plus secrètes, mes observations les plus fines, tout ce que j'ai ga...