A tous les garçons que j'ai aimés ( reprise )

Chapitre 11

Dimanche, papa fait des lasagnes. Il ajoute une sauce à base de haricots noirs pour relever le goût. Ça a l'air répugnant, mais c'est vraiment délicieux ; on ne remarque pas du tout les haricots. Sacha est de la partie. Il se ressert trois fois, au grand plaisir de papa. Pendant le dîner, dès qu'on parle de Camille, Sacha se raidit. Ça me fait vraiment de la peine. Luna doit aussi, parce qu'elle change de sujet et se met à faire des commentaires sur le dessert : des brownies au beurre de cacahuète que j'ai faits dans l'après midi. 

Puisque papa a cuisiné, c'est à nous de faire la vaisselle. Et comme il a utilisé toutes les casseroles, ce n'est pas une partie de plaisir, mais ça en valait la peine. Ensuite, on va se détendre dans le salon. Je n'ai pas l'impression d'être dimanche soir. Demain, c'est la fête du Travail, du coup les cours ne reprennent que mardi. Luna continue son collage de chiens. Forcément. 

— Tu veux un chien de quelle race ? lui demande Sacha. 

Luna répond du tac au tac : 

— Un akita. 

— Tu préfères un mâle ou une femelle ? 

— Un mâle, répond-elle aussi sec. 

— Et tu l'appelleras comment ? 

Cette fois elle hésite. Je sais pourquoi. Je roule sur moi-même pour la rejoindre et je la chatouille sous les pieds. 

— Moi, je sais comment tu vas l'appeler ! je chantonne. 

— Tais-toi, Nina ! geint-elle. 

Sacha est tout ouïe. 

— Allez, dis-nous ! la supplie-t-il. 

Je regarde Luna. Ses yeux me lancent des éclairs. Je rétorque : 

— Laisse tomber. 

Je me sens nerveuse, tout d'un coup. Luna a beau être le bébé de la famille, il vaut mieux ne pas l'énerver. Sacha tire sur ma queue-de-cheval. 

— Oh ! Allez, Nina ! Ne fais pas durer le suspense ! 

Je me hisse sur les coudes. Luna essaie de plaquer sa main contre ma bouche. 

— C'est le nom d'un garçon qui lui plaît, dis-je en ricanant. 

— Tais-toi, Nina ! Tais-toi ! 

Luna me donne un coup de pied et déchire par mégarde une de ses photos de chien. Elle pousse un grand cri et tombe à genoux pour l'inspecter, les larmes aux yeux. Je me sens vraiment coupable. Je m'assois et j'essaie de la prendre dans mes bras pour m'excuser, mais elle se dégage et me donne un nouveau coup de pied dans les jambes. Je crie de douleur. Puis je ramasse la photo pour la recoller, mais Luna me l'arrache des mains et la donne à Sacha. 

— Sacha ! Répare-la ! Nina l'a tout abîmée. 

Je proteste d'un air penaud : 

— Je plaisantais, Luna. 

Pour rien au monde je n'aurais divulgué le nom du garçon en question. Elle m'ignore totalement. Sacha aplatit le papier sous un sous-verre puis recolle les deux morceaux avec la minutie d'un chirurgien. 

— Ouf, dit-il en s'essuyant le front. Il est sauvé. 

J'applaudis et j'essaie de croiser le regard de Luna, mais elle détourne les yeux. Je sais que je l'ai mérité. Le garçon pour lequel Luna a un faible, c'est Sacha. Luna ramasse brusquement son collage. 

— Je monte le finir dans ma chambre, dit-elle d'un ton sec. Bonne nuit, Sacha. 

— Bonne nuit, Luna.