Je me reveille peu après. Luna est à mon chevet.
— Il y a de la glace sur tes draps, m'informe-t-elle.
Je grogne et me retourne.
— C'est le dernier de mes soucis, aujourd'hui.
— Papa aimerait savoir si tu veux du poulet ou du steak haché. Je vote pour le poulet.
Je me redresse aussitôt. Papa est rentré ! Il est peut-être au courant. Et s'il avait tout jeté, pendant sa crise de nettoyage ? Peut-être a-t-il rangé ma boîte à chapeaux dans un endroit sûr ?Auquel cas, la lettre de Sidjil serait la seule à avoir été envoyée.
Je bondis hors de mon lit et je me rue au rez-de-chaussée, le cœur battant la chamade. Mon père est dans son bureau. Ses lunettes sur le nez, il contemple un livre sur les peintures d'Audubon.
— Papa t'as pas vu ma boîte à chapeaux ? je demande d'une traite.
— Quelle boîte ? fait-il en levant la tête.
— La boîte à chapeaux bleu turquoise que maman m'a offerte !
— Ah. Oui... commence-t-il, un peu désarçonné. (Il enlève ses lunettes.) Je ne sais pas. Elle a probablement rejoint tes patins à roulettes.
— Ça veut dire quoi, ça ? Qu'est-ce que tu racontes ?
— Chez l'antiquaire. Il est possible que je les aie apportés chez l'antiquaire.
Devant mon air interdit, mon père ajoute, sur la défensive :
— Ces patins ne t'allaient plus ! Ils prenaient juste la poussière.
Je m'écroule par terre.
— Ils étaient roses et vintage. Je les gardais pour Luna... Et ce n'est pas ça, le problème. Je m'en contrefiche, de ces patins. Tout ce qui m'intéresse, c'est ma boîte à chapeaux. Tu ne te rends pas compte de ce que tu as fait, papa.
Mon père se lève et essaie de me remettre debout. Mais je résiste et me laisse retomber sur le dos, comme un poisson rouge.
— Nina, je ne suis même pas sûr de m'en être débarrassé. Viens, allons vérifier. Ne cédons pas à la panique.
— Elle ne pouvait être qu'à un seul endroit, et elle n'y est pas. Elle a disparu.
— Dans ce cas, j'irai chez l'antiquaire demain matin avant d'aller travailler, dit-il en s'accroupissant à côté de moi.
Il me décoche son regard compréhensif mais mi exaspéré, mi déconcerté, comme s'il pensait :Comment ai-je pu hériter d'une fille aussi folle ?
— C'est trop tard. Bien trop tard. Ce n'est plus la peine.
— Qu'y avait-il de si important, dans cette boîte ?
Je sens mon estomac se retourner. Pour la deuxième fois de la journée, j'ai envie de vomir.
— Tout. Absolument tout.
Il esquisse une grimace.
— Je ne savais pas que ta mère t'avait donné cette boîte, ni qu'elle était si importante pour toi.
Il se replie dans la cuisine.
— Hé ! Ça te dit une glace avant le dîner ? Ça te remonterait le moral ?
Comme si prendre le dessert maintenant pouvait me réconforter ! Comme si j'avais l'âge de Luna et non seize ans, bientôt dix-sept. Je ne prends pas la peine de lui répondre. Je reste allongée par terre, la joue contre le plancher frais. Sans compter qu'il n'y a plus de glace au frigo, mais bon... Il s'en apercevra bien assez tôt. Je ne veux pas penser à Sacha en train de lire cette lettre. Je ne veux même pas l'imaginer. C'est trop horrible.
Après manger – on a cuisiné du poulet, à la demande de Luna – je suis occupée à faire la vaisselle dans la cuisine lorsqu'on sonne à la porte. Papa ouvre et j'entends la voix de Sacha.
— Bonjour, monsieur. Nina est là ?
Oh non. Non, non, non, non, non. Je ne peux pas voir Sacha. Je sais que je ne vais pas y couper, mais aujourd'hui, tout de suite, là, maintenant, j'en suis incapable. C'est hors de question.
Je jette l'assiette dans l'évier et je m'enfuis. Je sors par-derrière, dévale l'escalier, traverse le jardin des Pearce et escalade l'échelle menant à l'ancienne cabane de Caroline, construite dans un arbre. Je n'y suis pas entrée depuis le collège. On y traînait de temps en temps, le soir. Chloé, Genevieve, Allie et moi.
Les garçons nous y ont rejointes deux ou trois fois. Recroquevillée par terre, j'observe les alentours à travers les lattes en bois et j'attends que rentre chez lui. Une fois certaine qu'il est bien à l'intérieur, je redescends l'échelle et regagne la maison à toute vitesse. Décidément, j'ai beaucoup couru aujourd'hui. Je suis épuisée, maintenant que j'y pense.
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A tous les garçons que j'ai aimés ( reprise )
Fanfiction"Chaque fois que je prend la plume, je me laisse complètement allez, comme si personne n'aillais jamais me lire. C'est le cas, d'ailleurs. Je couche dans ses lettres mes pensées les plus secrètes, mes observations les plus fines, tout ce que j'ai ga...