L'Ombre Noire

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Minas Tirith apparut à l'horizon et Aragorn se détendit. Legolas allait être pris en charge, et dans quelques semaines, il serait de nouveau sur pied.

Derrière lui, Gimli poussa un soupir de soulagement, heureux de pouvoir enfin descendre de cheval. Aragorn réprima un sourire. Gimli n'était vraiment pas à l'aise avec les chevaux.

Ils déboulèrent dans la cour du palais et des serviteurs s'avancèrent pour s'occuper de leurs montures. Aragorn mit pied à terre et souleva doucement Legolas, puis se tourna vers un homme vêtu d'une tunique blanche.

— Emmenez-moi aux Maisons de Guérison, ordonna-t-il en désignant Legolas. J'ai un blessé qui doit recevoir des soins de toute urgence.

L'homme hocha la tête et lui fit signe de le suivre. Aragorn lui emboita le pas, serrant Legolas contre lui. Ils gravirent rapidement les six niveaux de la ville qui les séparaient des Maisons de Guérison — de belles demeures construites à l'écart des autres où les blessés et les malades étaient soignés. Car, bien que tous les savoirs fussent déchus de leur plénitude d'autrefois, la médecine du Gondor n'en demeurait pas moins savante, apte à guérir les maux et les blessures et toutes les affections auxquelles les mortels étaient sujets.

Aragorn se tourna vers le vieux guérisseur.

— Vous dites qu'il est atteint de l'Ombre Noire ? demanda-t-il.

L'homme acquiesça.

— C'est un mal que l'on ne peut guérir. Nous l'appelons l'Ombre Noire, car ce mal vient des Nazgûl. Ceux qui en sont atteints s'enfoncent dans un rêve toujours plus profond et sont bientôt livrés à un silence et à un froid mortel, puis enfin à la mort. Le poison va progresser lentement dans son organisme jusqu'à ce qu'il meure de fatigue ou que le venin atteigne son cœur pour l'enserrer et l'empêcher de battre. Et alors, il mourra... À ce jour, nous ignorons toujours comment contrer ce mal.

Aragorn jeta un regard à Legolas, qui était étendu dans un lit derrière eux. Des couvertures de laine recouvraient son corps. On avait bandé sa poitrine ainsi que les plaies de son ventre, après leur avoir appliqué un cataplasme de plantes cicatrisantes. Le Rôdeur doutait cependant que cela soit efficace vu la profondeur des blessures. Il serra les poings. La place de Legolas n'était pas dans un lit, à attendre la mort. Il aurait dû fêter tout comme les autres la destruction de l'Anneau et la fin de Sauron, et non pas être allongé à se vider de son sang.

— Bien sûr, nous pourrons soigner ses côtes brisées, ajouta le guérisseur, comme pour essayer de consoler Aragorn.

Le Rôdeur ne répondit pas. Il s'approcha de Legolas et s'assit près de lui pour scruter son visage endormi. Ses mains étaient croisées sur sa poitrine bandée, qui se soulevait et s'abaissait irrégulièrement au rythme d'une respiration bien trop faible. Il était d'une pâleur effrayante et, même lorsqu'il dormait, son visage semblait crispé de douleur.

— Et l'athelas ? demanda Aragorn. Avez-vous ici de l'athelas ?

Le guérisseur fronça les sourcils.

— Pour sûr, je n'en sais rien, mon seigneur, répondit-il. Ou du moins, pas sous ce nom-là. Je peux demander au maître herboriste, il connait tous les noms anciens.

— Elle se nomme également feuille au roi, dit Aragorn. Peut-être la connaissez-vous sous ce nom.

— Oh, je vois ! dit l'homme. Il fallait le présenter ainsi dès le début ! Non, nous n'en avons pas, c'est sûr. Je n'ai jamais entendu dire qu'elle avait une quelconque vertu. Cette plante a une odeur douce quand on l'écrase, n'est-ce pas ? Ou... je dirais saine, peut-être. Oui, une odeur saine.

Il aurait suffi d'une flècheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant